Discours sur le droit à la formation individuelle des élus locaux

Le mercredi 9 mars était examiné dans l’hémicycle une proposition de loi du groupe socialiste visant visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d’exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes. Cette proposition de loi consensuelle, qui venait compléter la loi NOTRe, a été définitivement adoptée ce jour-même à l’unanimité de l’Assemblée nationale.

M. Paul Molac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dépôt de la présente proposition de loi – quelques mois après l’adoption de celle qui visait à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat –, ainsi que la décision d’engager la procédure accélérée traduisent la volonté de mettre en œuvre rapidement le droit individuel à la formation ouvert à tous les élus locaux, qu’ils perçoivent ou non une indemnité.

À la différence du droit à la formation existant, qui tend à soutenir les élus dans l’exercice de leur mandat, le droit individuel à la formation précisé par le texte leur permet de suivre des formations pouvant notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires à leur réinsertion professionnelle à l’issue de leur mandat. Le problème se pose régulièrement après chaque élection.

Ce droit a été institué, nous l’avons dit, par la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, et grâce à laquelle chaque élu local disposera, à partir du 1er janvier 2016, d’un droit à vingt heures de formation à ce titre par année de mandat. Ce droit est financé par une cotisation minimale de 1 % prélevée sur les indemnités de fonction. Toutefois, plusieurs dispositions de ce texte n’ont pas été prises en compte, lacune à laquelle la proposition de loi tente de remédier.

Celle-ci prévoit de créer un fonds pour le financement du DIF des élus locaux, d’en confier l’administration à la Caisse des dépôts et consignations qui en assumerait la gestion administrative, technique et financière ainsi que l’instruction des demandes de formation, et d’obtenir une information annuelle du comité des finances locales sur la gestion du fonds.

Le droit individuel à la formation des élus locaux est un progrès, puisqu’il contribue à la construction d’un véritable statut de l’élu, que nous attendons toujours. En rassurant les candidats à un mandat électif ou les élus en fin de mandat sur leur retour à la vie professionnelle classique, en consacrant le principe selon lequel celui qui agit pour la collectivité ne doit pas être pénalisé sur le plan professionnel, le droit individuel à la formation tend à ouvrir plus largement l’exercice des mandats, à favoriser le renouvellement du personnel politique local et à renforcer la diversité des assemblées.

J’ai connu un certain nombre de personnes qui refusaient de se présenter à des élections parce que leur profession ne leur permettait pas, si elles exerçaient un mandat, de retrouver ensuite un travail. C’est le cas des travailleurs indépendants, qui sont peu nombreux dans nos assemblées.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ah ?

M. Paul Molac. Je pensais particulièrement aux artisans et non aux avocats, qui, j’en conviens, monsieur Le Bouillonnec, sont assez nombreux parmi les parlementaires…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois. Je n’ai rien dit.

M. Paul Molac. Avec la fin du cumul des mandats pour les fonctions exécutives, que nous espérons ne pas voir remis en cause lors d’une alternance, nous sommes à un moment clé de la rénovation de nos pratiques. La question du statut de l’élu ne peut plus être éludée. C’est à une véritable révolution dans les pratiques que nous devons aujourd’hui nous atteler. Pour beaucoup, l’engagement politique constitue un frein aux carrières professionnelles. L’instauration d’un statut de l’élu doit permettre de créer des conditions et un climat plus favorables à l’engagement des citoyens dans la vie politique.

Le cadre législatif est aujourd’hui inadapté. Il le sera plus encore à l’avenir en raison d’une plus grande diversité des titulaires de mandats, ainsi que d’une plus grande difficulté à concilier les fonctions électives avec une activité professionnelle. Il convient donc de rénover le dispositif normatif en vigueur afin de le rendre compréhensible par les citoyens et adapté au rôle nouveau des élus, en proposant des solutions concrètes.

L’objectif de la proposition de loi est de rendre effective la facilitation des passerelles entre les activités d’élu et les autres activités publiques ou privées. Mais au-delà de ce texte, il faut tendre vers l’instauration d’un statut de l’élu local, qui assure une protection sociale facilitant l’entrée et la sortie du mandat, corollaire indispensable au non-cumul des mandats et des fonctions.

Cette mesure concernant le DIF, additionnée à celles contenues dans la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, permettra de lutter contre une certaine professionnalisation de la politique. Bien loin de demander davantage d’indemnités, souvent pour ne pas grever les finances de leurs communes, les élus locaux réclament en revanche plus de considération et de reconnaissance, ce que tout un chacun peut leur apporter, mais également plus d’information et plus de formation tant durant leur mandat que pour l’après-mandat, ce que la loi peut leur assurer.

Nous avions apprécié que la loi du 31 mars 2015 étende aux adjoints aux maires des communes de plus de 10 000 habitants le droit à la formation professionnelle et à un bilan de compétences, auparavant réservé aux adjoints des communes de plus de 20 000 habitants. Nous avions accueilli avec la même satisfaction la validation des acquis de l’expérience pour les élus, l’instauration d’un plancher pour les dépenses de formation, la formation obligatoire pour les nouveaux élus la première année et enfin, ce qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, le droit individuel à la formation, étendu par ailleurs aux adjoints.

Nous avions formulé une proposition qui tient toujours, mais la volonté d’adopter définitivement aujourd’hui la proposition de loi par un vote conforme à celui du Sénat nous empêche de la proposer par un amendement. Dommage ! Pour faciliter la réintégration dans le marché du travail à la fin d’un mandat, il serait en effet bienvenu de transférer au compte personnel de formation prévu par le code du travail les heures de formation qui n’auraient pas été accomplies durant leur mandat par les élus locaux.

Par ailleurs, il convient de ne pas minimiser les difficultés rencontrées par certains élus locaux pour faire financer l’intégralité de leurs formations. Des collectivités territoriales rechignent à rembourser aux élus leurs frais de transport et d’hébergement, quand bien même la loi les y oblige. Il faut dire aussi que trop de maires et de majorités refusent encore de prendre en charge les formations des élus de l’opposition. De manière générale, nous savons très bien que, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités territoriales, les crédits de formation sont bien souvent victimes de restrictions, alors qu’ils correspondent à un droit.

Une nouvelle disposition, qui n’a pas grand-chose à voir avec les précédentes, a été ajoutée lors de la discussion au Sénat, dans l’article 3. Celui-ci vise à reporter l’entrée en vigueur de la réforme du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes ouverts, opérée par la loi NOTRe, au terme du délai de deux ans suivant sa publication.

Aux termes de la loi NOTRe, ne pourraient être indemnisés que les présidents et vice-présidents des syndicats dont le périmètre dépasse ceux des nouvelles intercommunalités dont la carte devait être figée au 1er janvier 2017. Pour les autres élus, seul le remboursement des frais serait possible. L’objectif était d’aider à la limitation et à la rationalisation du nombre de ces syndicats.

La mesure a toutefois posé problème pour plusieurs élus, qui ne percevaient plus d’indemnités dès août 2015 à cause d’un sous-amendement gouvernemental. C’est ce qui explique la volonté de repousser l’entrée en vigueur de la disposition. En effet, les indemnités supprimées semblent indispensables pour maintenir au sein de ces syndicats des personnels compétents et pour pérenniser leur fonctionnement, qui nécessite un travail important.

Il est donc proposé par l’article 3 de la proposition de loi de reporter au 1erjanvier 2020 l’entrée en vigueur du nouveau régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de syndicats mixtes. La mesure sera, je le crois, unanimement saluée par les exécutifs des syndicats mixtes, qui, depuis six mois, n’ont pas arrêté de nous alerter sur les conditions dans lesquelles ils sont amenés à effectuer un mandat lourd sans compensation.

En définitive, la proposition de loi est brève mais utile, car elle vient préciser les modalités d’application de textes très importants précédemment votés. Nous la soutiendrons donc, et contribuerons ainsi à faciliter un tant soit peu, pour les élus locaux, l’exercice d’un mandat qui est loin d’être une sinécure.

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