Explication de vote sur le projet de loi de nouvelle organisation territoriale de la République

Le mardi 10 mars j’ai effectué au nom de mon groupe parlementaire l’explication de vote sur le projet de loi de Nouvelle organisation territoriale de la République en première lecture.

Compte rendu  de cette explication de vote

Monsieur le président, madame la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, cette loi n’est pas la grande loi de décentralisation différenciée que nous aurions souhaitée. À vrai dire, ce n’est même pas une loi de décentralisation. Nous aurions souhaité un vrai pas vers une autre organisation territoriale, nous conduisant vers le fédéralisme et nous éloignant résolument d’une vision centralisée, technocratique, et finalement très napoléonienne de la structure administrative.

Quand je dis napoléonienne, ce n’est évidemment pas un compliment.
La structure pyramidale, héritée du modèle militaire, avait du sens sous une dictature comme celle des deux Napoléon. Dans une démocratie, où les logiques ascendantes, venant de la population et des territoires doivent être l’essentiel, ce système centralisé tousse, s’engorge, se sclérose.

Finalement, l’incontinence législativo-réglementaire que nous dénonçons tous n’est que le résultat de notre incapacité à nous réformer, à donner véritablement le pouvoir réglementaire aux régions comme dans le reste de l’Europe. La redevance sur le mouillage dans les aires maritimes protégées en est la meilleure illustration. Suite à une demande de la collectivité territoriale de Corse qui vise à protéger les bouches de Bonifacio, nous sommes amenés à voter, après moult discussions et débats, une disposition générale qui, au final, ne s’appliquera qu’à la Corse… Il aurait été plus simple d’autoriser la Corse à faire des lois de pays. Elle aurait elle-même réglé le problème.
Cette loi n’est pas franchement la NOTRe, sans jeu de mot… Pour autant, il ne faudrait pas caricaturer ; écarter d’un revers de main en se drapant dans sa dignité, une loi, certes timide, mais qui va dans le bon sens.
Il faut savoir être positif et reconnaître les progrès même si l’on juge qu’ils sont modestes, voire insuffisants.

Ces progrès, quels sont-ils ? Tout d’abord, une réelle volonté de clarifier les compétences en matière économique en renforçant le rôle des régions dans ce domaine. La compétence exclusive confiée aux régions couvre désormais la totalité des interventions économiques. Nous regrettons toutefois le fait que le schéma ne soit pas aussi prescriptif que prévu, notamment en ce qui concerne leur application aux métropoles.

Je regrette aussi les reculs sur le transfert des collèges et des routes départementales aux régions, ce qui permet de laisser les départements sous perfusion en quelque sorte.

Notons toutefois la création de schémas régionaux d’enseignement supérieur, notamment à l’initiative des députés écologistes, ainsi que la coordination des politiques de l’emploi et le transfert de l’essentiel des transports non-urbains aux régions.

De même, l’article 13 crée notamment une collectivité territoriale unique de Corse à l’horizon du 1er janvier 2018, évolution que nous défendons aussi dans d’autres régions, comme la Bretagne, où cette revendication d’assemblée unique est très forte. Espérons que l’ouverture dont Mme la ministre, au nom du Gouvernement, fait preuve sur ce sujet ne sera pas un espoir déçu.

La création des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable est autre point positif de ce texte. Ils permettront aux régions d’élaborer un schéma prescriptif à l’égard des documents d’urbanisme élaborés par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – sur le climat, l’air, l’énergie, l’intermodalité ou la prévention des déchets. Nous nous réjouissons de l’adoption d’un amendement de notre groupe permettant l’association du comité régional « trames vertes et bleues » à l’élaboration de ce schéma régional.

Les intercommunalités sortent également renforcées, avec l’ajout de nouvelles compétences obligatoires. Les nouvelles dérogations au seuil des 20 000 habitants pour les territoires à faible densité, les zones de montagne ou les îles permettront de mieux coller aux territoires vécus.

Nous nous réjouissons de l’adoption de plusieurs amendements de notre groupe visant à renforcer la démocratie et la transparence dans les communes. Soulignons également l’adoption de nos amendements en faveur de l’open data dans les collectivités locales, par exemple à Rennes, ainsi que pour une meilleure reconnaissance des groupes d’opposition ou minoritaires au sein des conseils régionaux et un renforcement des prérogatives des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux– CESER.

Nous nous félicitons également de la possibilité laissée à toutes les collectivités locales de continuer à promouvoir les langues régionales, ainsi que de l’aboutissement d’un long combat pour la prise en charge des forfaits scolaires dans les écoles publiques bilingues. Plijus eo memestra, madame Appéré !

Au bout du compte, mes chers collègues, ce projet de loi demeure dans l’ambiguïté en conservant certaines strates administratives qui ont fait leur temps. Néanmoins, il annonce – timidement, certes – l’ascension du couple intercommunalité-région que nous avons toujours défendu. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera ce projet de loi, en espérant pouvoir renforcer davantage ses points positifs d’ici à la deuxième lecture.