Pour une télévision publique régionale bilingue en Bretagne

Suite à mon discours sur la nécessité de renforcer la proximité de France 3 avec ses téléspectateurs en région (voir post précédent), j’ai posé une question spécifique sur la demande bretonne, à savoir la création d’une chaîne publique bilingue de plein exercice, largement partagée au sein de notre territoire. Le Gouvernement et les dirigeants de France 3, ainsi que plusieurs rapports se sont montrés ouverts ou favorables, cependant cela tarde à se concrétiser. C’est la raison pour laquelle j’ai interrogé Fleur Pellerin, qui exerce la tutelle sur France 3 en tant que ministre de la Culture et de la communication, afin que cette demande soit entendue et expressément dans le contrat d’objectif et de moyens du prochain PDG de France Télévisions.

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M. Paul Molac. Madame la ministre de la Culture et de la communication, la régionalisation de France 3 était un objectif assigné par le contrat d’objectifs et de moyens en cours. Or il s’agit d’un échec patent. Les émissions locales de fin de semaine, dont celles en langue régionale, sont régulièrement annulées pour cause de manifestations sportives, ou fortement réduites pendant les vacances scolaires.

Un moyen de pallier cette insuffisance serait la création d’une chaîne régionale bilingue publique de plein exercice, à l’image de la chaîne corse Via Stella. Tant Stéphane Travert qu’Anne Brucy, dans leurs rapports respectifs, estimaient qu’il s’agit d’un modèle répondant à un objectif politique et culturel, et qu’il est adapté à une population à forte identité culturelle. Anne Brucy suggère clairement de « tester des chaînes régionales de complément, en coopération avec les collectivités volontaires, là où l’identité régionale le justifie comme en Bretagne ». Rémy Pflimlin, lui-même, disait que nous devons « mener des expérimentations à l’image de ce que nous faisons en Corse avec la création de Via Stella sur un canal parallèle ».

Il s’agit d’une demande forte en Bretagne, exprimée par les salariés et les délégués de France 3 Bretagne, par les représentants politiques et par la société civile. Ainsi, en 2013, vingt-sept parlementaires des cinq départements bretons écrivaient en ce sens à la ministre Aurélie Filippetti. Le Conseil régional de Bretagne a également adopté des vœux dans ce sens et le pacte d’avenir pour la Bretagne nous annonçait une possibilité d’expérimentation pour le « développement d’une offre audiovisuelle régionalisée ». Enfin, le 8 juin 2014, un grand rassemblement en Centre-Bretagne réunissait près de 1 000 personnes pour demander la création d’une telle chaîne.

Le contribuable de Bretagne administrative participe annuellement à hauteur de 125 millions d’euros à la redevance audiovisuelle. Le quart de cette somme serait largement suffisant pour financer une chaîne publique régionale de plein exercice. La BBC Alba, par exemple, chaîne publique de plein exercice en Écosse, a un budget annuel de 25 millions d’euros, toutes ressources confondues, alors qu’il s’agit d’un média global – télévision, radio, internet. Ce budget est d’ailleurs inférieur au budget actuel de France 3 Ouest, à savoir 32 millions d’euros. Le budget de Via Stella est, quant à lui, de 24 millions d’euros.

Il serait d’autant plus facile de renforcer les programmes en régions que les moyens techniques et humains existent et sont sous-utilisés dans bon nombre de cas. La Bretagne bénéficie par ailleurs de l’existence de producteurs et de diffuseurs dynamiques, en français et en breton. Conseil régional, chaîne publique décentralisée et opérateurs privés peuvent rapidement mettre en place un modèle particulièrement efficace au service de la population, de la création, de la diffusion et de l’information.

Madame la ministre, serez-vous favorable à la création d’une telle chaîne publique régionale de plein exercice en Bretagne et dans les autres régions qui le demanderaient ?

Mme Barbara Pompili. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le député Paul Molac, je l’ai dit tout à l’heure lors de mon intervention à la tribune : je suis tout à fait ouverte et prête à étudier les propositions qui seront formulées par les candidats à la présidence de France Télévisions, puis par son président, lorsque nous établirons le contrat d’objectifs et de moyens.

Un cadrage et de grandes orientations budgétaires ont été définis par la tutelle, mais c’est au président qu’il reviendra de proposer des initiatives de nature à répondre aux demandes qui s’expriment dans la société. France 3 consacre déjà des moyens importants, vous l’avez rappelé, à une télévision régionale, une télévision de proximité, qui consacre beaucoup de place à l’information locale. Il faut valoriser le travail déjà réalisé par les équipes de France 3, qui suscite beaucoup d’adhésion et qui est cher au cœur des Français.

Des expérimentations ont été menées : vous avez évoqué le cas de la Corse, mais il en a également été question en Alsace. Si cela rentre dans l’enveloppe budgétaire, si cela répond à une demande et si cela permet de mutualiser un certain nombre de moyens, pourquoi pas ? Je n’ai aucun tabou, ni a priori idéologique sur ce type d’initiative. Dans le cadre d’une réflexion plus générale et de la réforme en cours des régions, nous pourrons réfléchir aux moyens de développer de telles offres et nous serons ouverts aux propositions qui pourront être faites.