Pourquoi j’ai voté contre le projet de loi sur le renseignement

Le mercredi 24 juin 2015, le projet de loi sur le renseignement a été voté. Je fais partie des députés qui ont voté contre. Voici pourquoi.

La nécessité d’un encadrement de l’activité des services de renseignement n’est nullement contestée : la France accuse en effet un grand retard par rapport aux autres démocraties occidentales. Les services de renseignement disposent aujourd’hui de moyens juridiques morcelés, issus d’une lente sédimentation de dispositions législatives sans cadre général. La nécessité de légiférer est donc une réalité. Mettre un terme aux pratiques illégales, offrir un cadre normatif opérationnel et respectueux des libertés est notre mission.

Le but de ce Projet de loi selon le Gouvernement est d’encadrer les activités de renseignement, mais aussi de légaliser des pratiques illégales mais tout à fait courantes. Sans pour autant se donner la peine d’évaluer l’efficacité de ces pratiques, sans vraiment non plus analyser les dysfonctionnements et les échecs des services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme.

Le texte suscite débats, inquiétudes et critiques dans cet hémicycle et dans la société, qu’on ne peut pas balayer d’un simple revers de main par la simple invocation aux impératifs de sécurité. Car ce texte concerne tout autant notre sécurité que nos libertés fondamentales, notre vie privée même, il touche en effet des pans très larges de la vie sociale, économique et politique.

Il encadre, pas suffisamment, mais il autorise aussi l’intrusion, la surveillance, le fichage, et ce très largement, trop largement, et l’on pourrait craindre que cela ne se fasse pas toujours dans le seul but de prévenir la menace terroriste.
Il va en effet bien au-delà puisqu’il permet aux services de renseignement de recourir à des techniques de recueil d’information à la fois de grande ampleur et très intrusives pour la défense et la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques du pays, mais aussi pour prévenir des atteintes à la forme républicaine des institutions, une notion qui demeure très floue et qui pourrait être utilisée pour réprimer certaines idées politiques, mêmes démocratiques.

Il met en place la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont l’avis n’est que consultatif, et qui pourra être contournée en cas d’urgence, sans que l’urgence elle-même soit définie. Le recours à un juge ne se ferait qu’à posteriori, quand le pouvoir exécutif le décide. C’est contraire à notre tradition juridique.

Enfin, le texte habilite le recours à des techniques (sondes, algorithmes, IMSI-Catcher), permettant la collecte de données d’une très grande ampleur sur les réseaux de communication, puisque c’est l’ensemble du trafic qui sera concerné : « Il s’agit de permettre de collecter de manière systématique, généralisée et indifférenciée un volume important de données, qui peuvent, le cas échéant, être relatives à des personnes totalement étrangères à la mission du renseignement. »

Entre de mauvaises mains, imaginons un instant ce qu’une autre autorité pourrait faire de ce si grand pouvoir qu’octroie ce texte.

Pour en savoir plus, écoutez l’interview que j’ai donnée à France Bleu