Pénestin. Gilbert Guillerm fait un tour de France à vélo pour promouvoir le don d’organes
Gibert Guillerm a achevé le 24 juin dernier un tour de France en tricycle couché. Habitant de Pénestin et jeune retraité, il a souhaité allier le sport qui le passionne, un défi qu’il s’était lancé trois décennies plus tôt, l’envie d’une aventure humaine et le soutien à une association. Du 2 avril au 24 juin 2023, il a pédalé 77 jours (+ 6 jours de repos) pour relier 77 villes-étapes et promouvoir, lors d’innombrables échanges, la discussion autour du don d’organes.
Créer l’événement pour faire parler du don d’organes
À 20 ans, Gilbert Guillerm, passionné de cyclotourisme, réalisait un tour de France à vélo. Quelques années plus tard, il se faisait cette promesse : renouveler l’expérience à la fin de sa carrière professionnelle. En 2022, sa retraite approchant, il repense à ce projet. Pourquoi pas ? Toutefois, il veut lui donner du sens et une utilité. Lui et sa famille ont traversé, en 2014, une épreuve tragique : le deuil de son fils, Maxime, décédé dans un accident d’escalade à 25 ans. Ils avaient alors décidé d’accepter le don de ses organes. L’idée de porter cette cause dans les villes et villages de France est une évidence.
« Quand j’ai eu l’idée de faire de mon projet de tour de France un projet utile et que j’ai voulu porter le message des associations pour le don d’organes, j’étais loin d’imaginer leur besoin de communiquer et tout ce que j’allais vivre », commente Gilbert Guillerm. Il est étonné de l’accueil enthousiaste qu’il reçoit quand il parle de ce projet et réalise qu’il y a beaucoup à faire. Il comprend la nécessité de partager ce qu’il a traversé pour répondre aux interrogations, en amener d’autres, mais surtout, pousser tout le monde à aborder ce sujet difficile. « Au moment où la décision du don d’organes doit être prise, on vit un drame. Tout se bouscule. On n’est plus sûr de rien, mais il faut décider vite, car le temps presse. Quand la question n’a jamais été évoquée, c’est compliqué. Si la famille n’est pas en accord, même si le défunt avait exprimé sa volonté de don, les organes ne sont pas prélevés. Je ne suis pas là pour dire aux gens de donner, car c’est un choix très personnel, mais pour les inciter à réfléchir à ce sujet, seul puis en famille, de s’exprimer, de décider et d’informer leurs proches pour que, si un drame survient, ils sachent quelle réponse apporter. »
Il y a une loi, mais elle ne suffit pas
La loi française indique que toute personne qui ne s’est pas inscrite sur le registre national des refus de don d’organes est présumée donneuse. « Dans les faits, les procédures sont plus complexes, car les soignants doivent s’enquérir auprès des proches si un refus a été signifié, par écrit ou verbalement. Il est aussi fréquent que les familles donnent leur avis », précise Gilbert Guillerm.
Il raconte volontiers comment les événements se sont déroulés pour lui. Son fils a chuté lors d’une séance d’escalade et subi un traumatisme crânien irréversible. Il était en état de mort encéphalique, ce qui est l’une des situations (avec les AVC notamment) qui permettent le don d’organes. « Tout est allé très vite. Nous avons été reçus à l’hôpital de Brest par l’équipe de coordination au prélèvement d’organes. On nous a expliqué que notre fils était maintenu artificiellement “en vie”, au sens où son cœur battait encore et qu’il était oxygéné grâce à des appareils respiratoires, mais que c’était sans retour. Ils ont vérifié que Maxime n’était pas inscrit au registre des refus : il ne l’était pas. Ils nous ont ensuite questionnés. Les équipes prennent soin des familles : elles savent qu’elles sont bouleversées et veillent à ne pas ajouter de la souffrance au drame qu’elles affrontent. Si nous n’avions pas été tous d’accord, mon épouse, notre fille et moi, l’équipe aurait pu renoncer au prélèvement. Cela se produit dans un tiers des cas en moyenne. Je me rappelle de la question précise qui a nous été posée : “Il n’y a pas d’opposition de la part de Maxime ; êtes-vous d’accord pour le prélèvement d’organes ?” Nous nous sommes demandé ce qu’il aurait voulu et avons eu la conviction qu’il aurait approuvé. Maxime était donneur de sang, c’était une personne généreuse et bienveillante. Nous avons accepté. » Gilbert Guillerm ajoute que quatre organes ont été prélevés (le cœur, le foie et les reins) et que quatre malades ont pu bénéficier d’une greffe. « Je crois que je n’ai réellement réalisé ce que signifiait le fait d’être sauvé par un don d’organes qu’en rencontrant des malades greffés pendant mon tour de France. »
77 étapes et 5 624 km en tricycle couché pour porter ce message : « informer pour sauver des vies »
Gilbert Guillerm a trouvé un grand soutien à son projet auprès de la fédération France ADOT (Association pour le Don d’Organes et de Tissus humains) et de la communauté des cyclotouristes. Des bénévoles, des familles de personnes greffées, des amateurs de vélo l’ont reçu chez eux, au gré de ses 77 étapes et 5 624 km. À chaque arrêt, le même rituel : un accueil organisé par les associations dans la ville avec un stand expliquant le don d’organes, des contacts avec le public et la presse locale, puis une soirée chez ses hôtes, pendant laquelle le sujet du don était largement évoqué. « Le fait que le don d’organes sauve des vies est devenu encore plus concret pour moi. Beaucoup de personnes greffées m’approchaient et discutaient avec moi, après avoir eu connaissance de mon histoire, pour nous remercier et témoigner qu’elles étaient vivantes grâce à des décisions comme celle que nous avions prise. » Gilbert Guillerm a ainsi passé ses journées à pédaler et à partager : partager avec les personnes présentes et partager son parcours sur son blog, qu’il enrichissait quotidiennement. « Ce que je retiens, c’est que la question du don d’organes reste tabou et que les associations comme les hôpitaux ont besoin de relais pour l’aborder. Avec mon tour de France, j’ai donné des occasions de communiquer autour de ce sujet et de dire haut et fort : “Quoi que vous décidiez, informez vos proches !” C’est comme cela, en évitant les doutes, que l’on sauvera plus de vies. »
Gilbert Guillerm remercie chaleureusement toutes les personnes qui l’ont accompagné et soutenu dans sa démarche. Son projet a pris tout son sens grâce à l’engagement des bénévoles des associations qui ont organisé, avec et pour lui, ses étapes et ses accueils. Il souligne : « Chaque individu, chaque ville, peut apporter sa pierre à l’édifice. Les communes peuvent planter des arbres de vie, pour célébrer le don, ou devenir des villes ambassadrices du don d’organes. C’est une manière efficace de sensibiliser au sujet et de le faire entrer dans tous les foyers. »
Le blog du tour de France de Gilbert Guillerm : https://cycladot56.wixsite.com/website