Que cherche Lactalis ?
La crise du lait dure depuis plus de 18 mois. Elle est dû à deux facteurs principaux, une anticipation erronée, de la part des spécialistes, de l’augmentation de la consommation mondiale de lait et à l’abandon des outils de régulation qu’étaient les quotas. L’augmentation des volumes devait profiter à tous et en particulier aux éleveurs qui investissaient.
Pourtant, aujourd’hui, c’est celui qui a le plus gros tank qui perd le plus. Les prix se sont effondrés et ont baissé d’un tiers depuis 2014. Ils ne couvrent plus les charges. On estime que la rentabilité d’une exploitation s’établit entre 320 et 340 euros l’hectolitre. En dessous, un éleveur ne couvre pas ses frais et travaille à perte.
Cependant, si les éleveurs travaillent à perte et si les prix au supermarché n’ont pas baissé depuis 2014, cela veut bien dire que ce n’est pas la crise pour tout le monde. Les transformateurs de lait se refont une santé.
Certains essayent de maintenir les prix, un peu en dessous de 300 euros, et préservent un peu leurs éleveurs. Ce n’est pas le cas de Lactalis qui propose à ses éleveurs un prix d’environ 260 € les 1 000 litres, très largement en dessous du prix de revient. C’est environ 100 € de moins qu’en 2014.
Il en faut pas être grand chantre pour deviner dans quelle poche sont allés ces 100 euros. La proposition de Lactalis est donc vécue par les éleveurs comme une véritable provocation.
Je comprends bien sûr la colère des éleveurs et je la partage. La juste répartition de la valeur ajoutée ne peut se satisfaire de la seule loi du marché. Les éleveurs qui ont investi sont aujourd’hui fragilisés. Le libre jeu du marché abouti donc à détruire les exploitations laitières sur lesquelles repose une partie importante de notre économie et de nos emplois. Un éleveur fait vivre beaucoup plus de personnes qu’un céréalier. Cette crise a donc des conséquences sur le dynamisme et sur la vitalité de nos territoires.
La solution à long terme est de négocier la prochaine PAC pour mettre en place des outils de régulation efficaces. J’espère que nous saurons collectivement porter des mesures dans les négociations de la future PAC qui tout en laissant un place au marché permet d’éviter les violences de celui-ci.
Cependant, la crise est là et l’on ne peut attendre la future PAC. Les solutions de court terme passent par plusieurs types de mesures. Des mesures institutionnelles comme le stockage, l’année blanche, des aides à la baisse de production pour tenter de réguler, etc… Ces mesures doivent être accompagnées par un plus juste partage de la valeur ajoutée entre éleveur et transformateur. L’attitude de Lactalis est dans ce cas parfaitement choquante et inadmissible et je comprends les actions de blocage de nos éleveurs des sites de Lactalis.
Espérons que cette grande entreprise saura comprendre que son intérêt n’est pas de détruire les fermes qui lui fournissent du lait et que les négociations aboutiront rapidement.