Intervention sur l’administration générale et territoriale de l’Etat
Compte-rendu écrit (03.11.16)
M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Je rapporte le programme « Vie politique, cultuelle et associative » qui comporte en particulier les crédits consacrés aux élections. L’année 2017 sera évidemment marquée par l’organisation de trois scrutins nationaux – les législatives, les sénatoriales et la présidentielle –, mais aussi des élections territoriales dans plusieurs collectivités d’outre-mer ainsi qu’en Corse, à la suite de la fusion de la région et des deux départements, qui ne formeront plus qu’une seule collectivité.
Les moyens prévus pour l’an prochain sont donc très atypiques : 307,6 millions d’euros pour le programme, dont 229 millions d’euros pour les dépenses strictement électorales. C’est respectivement trois et dix fois plus qu’en 2016, année il est vrai dépourvue d’échéances électorales.
Ma première interrogation porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. L’article 52 du projet de loi de finances gage une partie de ces dépenses par la suppression de l’envoi aux électeurs, par la poste et sur papier, des bulletins de vote et des professions de foi des candidats aux élections législatives. À plusieurs reprises, l’Assemblée nationale a rejeté des propositions analogues du Gouvernement concernant les élections européennes, régionales et départementales. À titre personnel, j’ai refusé de voter ces mesures, aux motifs, d’une part, que nombreux sont les électeurs qui n’ont pas accès à internet, et, d’autre part, que la proposition du ministère ne me semblait pas répondre aux besoins.
Interrogé, l’an dernier, par notre collègue Sergio Coronado sur les intentions du Gouvernement, vous ne nous aviez pas caché votre soutien à une telle dématérialisation. Cependant, vous aviez conditionné celle-ci à une concertation préalable avec la commission des lois et avec les associations d’élus locaux : à ma connaissance, ce travail n’a pas eu lieu.
J’ajoute que les économies attendues sont surestimées : l’évaluation préalable les estime à 169 millions d’euros, mais ce chiffre ne prend pas en compte les éventuels coûts supplémentaires, liés à la conception et à l’entretien du site internet ou aux campagnes de communication visant à compenser l’absence de propagande sur papier.
Enfin, je veux insister sur un dernier point d’ordre juridique : le dispositif qui nous est proposé – et que plusieurs amendements visent à supprimer – ne concerne que les élections législatives. En effet, pour les élections présidentielles, les modalités de la propagande sont fixées par décret, ce qui laisse une grande liberté au pouvoir réglementaire.
Par conséquent, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement en vue de l’élection présidentielle de 2017 ? Dans l’hypothèse où l’article 52 serait supprimé, la dématérialisation de la propagande électorale serait-elle tout de même mise en œuvre pour ce scrutin ? C’est ce que souhaitent nombre de collègues.
J’en viens au thème auquel je me suis intéressé cette année dans mon avis budgétaire : le financement public des cultes. Notre ordre juridique admet effectivement sept régimes cultuels différents, auxquels la loi du 9 décembre 1905 ne s’applique pas nécessairement. Sans esprit de polémique, il m’a semblé utile d’interroger, au-delà des modalités d’exercice des cultes en Alsace-Moselle ou dans les outre-mer, le rôle de la puissance publique dans l’organisation des principales religions de France.
Ma deuxième interrogation porte sur les canaux multiples du financement public des cultes. Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance en effet plusieurs types de dépenses liées aux cultes : les crédits dits de « subventions aux cultes » – il s’agit de dépenses d’intervention destinées d’une part aux communes pour la réalisation des travaux sur les édifices cultuels et, d’autre part, aux cultes catholique, protestant et israélite pour leurs frais d’administration – ; les crédits destinés à l’immobilier des cultes – ce sont des crédits d’investissement destinés à financer les travaux relevant de la responsabilité de l’État, propriétaire des quatre implantations cultuelles : grands séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg. Dans ces deux cas, les crédits sont destinés aux départements concordataires d’Alsace et de Moselle.
Le programme comprend également les crédits du plan de lutte antiterroriste : cette enveloppe est consacrée au financement de diplômes universitaires et de recherches en islamologie sur l’ensemble du territoire national.
Plusieurs autres programmes contribuent également à financer les cultes au travers des dépenses de rémunération des ministres du culte en Alsace-Moselle et des aumôniers militaires, pénitentiaires ou hospitaliers sur l’ensemble du territoire, sur les missions « Défense », « Justice » et « Santé ». Enfin, des mécanismes dérogatoires d’exonération ou d’exemption fiscale participent aussi d’un effort financier important. Compte tenu de la diversité des financements mis en jeu et de la multiplicité des régimes juridiques applicables, l’effort financier de l’État en faveur des cultes ne devrait-il pas faire l’objet d’une annexe budgétaire spécifique – par exemple sous la forme d’un jaune ?
Ma troisième interrogation porte sur la formation des ministres du culte musulman. Confronté à la multiplication d’imams autoproclamés et, plus généralement, à l’hétérogénéité des formations et des compétences des animateurs du culte musulman, le ministère de l’intérieur participe depuis 2008 au financement de diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité.
Ces formations universitaires sont ouvertes à un large public : agents publics, personnels des cultes, étudiants, représentants de la société civile. À l’occasion des auditions, j’ai entendu des retours d’expérience globalement positifs. Plusieurs difficultés ont cependant été portées à mon attention : la maîtrise insuffisante de la langue française par certains étudiants, impliquant des abandons, l’attractivité limitée de ces formations sur les imams autoproclamés en marge des instances représentatives de l’islam en France, ou la mobilité géographique de certains imams.
Comment le Gouvernement envisage-t-il le développement de ces formations universitaires ? Comment, en particulier, davantage attirer les imams autoproclamés ? Jusqu’où la puissance publique peut-elle s’investir dans la formation de ministres du culte ?
Le financement des édifices du culte musulman constitue ma quatrième interrogation. Eu égard à leur régime fiscal et patrimonial, la création de fondations peut constituer un outil adapté au financement des lieux de culte. Une fondation pour les œuvres de l’islam de France (FOIF) a ainsi été créée par décret du 31 mai 2005 et reconnue comme établissement d’utilité publique le 25 juillet 2005, afin d’améliorer les conditions d’exercice du culte des musulmans français. Sa principale mission était la construction et la gestion des lieux de culte musulmans, en accord avec les maires des communes concernées.
On le sait, cette tentative s’est soldée par un échec. Interrogé en 2010 quant à la pérennisation de la FOIF, le gouvernement de l’époque avait reconnu que les associations musulmanes n’avaient pas entendu faire de la Fondation « le vecteur privilégié de leur action ».
M. le ministre de l’intérieur avait annoncé une réflexion sur une nouvelle structure lors de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam ; un haut fonctionnaire avait d’ailleurs été nommé directeur de projet chargé de la préfiguration d’une fondation de l’islam de France.
Où en est-ce projet ? Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez la construction de ces lieux de culte ?