Question sur les orientations de la PAC après 2020
M. Paul Molac. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, j’ai appelé l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur la réforme de la politique agricole commune après 2020.
La PAC actuelle, issue de l’accord de Luxembourg de 2003, a consacré la fin des quotas laitiers pour 2015, l’affaiblissement des outils de régulation du marché et le découplage des aides, avec la bénédiction des autorités françaises de l’époque. Cette vision est à l’origine de la grave crise laitière et bovine que nous traversons aujourd’hui. Elle fut une étape supplémentaire dans le processus de libéralisation de l’agriculture européenne et de fragilisation des territoires ruraux. Les producteurs sont désormais soumis à une extrême volatilité des prix. La production laitière vit une situation très difficile, avec des prix en dessous du prix de revient, qui ne permettent même pas aux agriculteurs de se dégager un salaire. De nouveaux outils de gestion des risques doivent être mis en place et les filets de sécurité existants renforcés.
La crise actuelle incite donc à repenser les mécanismes de crise et les outils de régulation du marché. Or la tournure très libérale prise lors de la réunion informelle du conseil Agriculture sur l’avenir de la PAC après 2020, qui s’est tenu à Amsterdam en mai dernier, ne semble pas devoir être remise en cause, bien au contraire. Ainsi, pris sous l’égide de la présidence néerlandaise de l’Union européenne, le document de travail qui a servi de base aux discussions prône une PAC beaucoup plus libérale. On peut y lire : « Il faut donner la liberté aux agriculteurs de devenir des entrepreneurs, pour innover et être compétitifs sur les marchés européens et internationaux. » S’agit-il d’amplifier l’orientation donnée à la PAC depuis 2003 ?
C’est pourtant bien en se livrant à l’arbitrage des marchés mondiaux, sans moyen de réguler les volumes, que l’Union européenne se retrouve désarmée et ses agriculteurs dans une grave difficulté. Il semble dès lors plus que nécessaire de se doter rapidement d’instruments de régulation afin de protéger nos agriculteurs et de leur permettre de vendre leur production à un juste prix.
L’agriculture n’est pas un secteur économique comme un autre. Elle est consubstantielle à notre histoire, à notre aménagement du territoire et à notre alimentation ; de ce fait, elle doit être une exception dans les discussions de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Je souhaite donc connaître les orientations que défend le gouvernement français pour la PAC après 2020 et notamment savoir s’il prône un renforcement des outils de régulation du marché.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Molac, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur les perspectives de réforme de la politique agricole commune après 2020. Vous demandez en particulier un renforcement des outils de régulation du marché.
Les outils d’intervention sur les marchés et le filet de sécurité européen existent et peuvent accompagner les agriculteurs pour surmonter les crises. La France a défendu ces outils et leur renforcement lors de la réforme de 2013. Il est donc toujours possible d’intervenir, comme a fini par le faire l’Union européenne dans la crise laitière récente ; cela demande toutefois une détermination politique sans faille, ce dont n’a pas manqué le ministre de l’agriculture français à cette occasion, qu’il s’agisse du constat de surproduction ou des solutions d’action proposées.
Face à des crises comme celle que nous traversons, d’une ampleur et d’une durée exceptionnelles, des réponses d’ampleur et coordonnées à l’échelle européenne sont nécessaires, consistant dans le déploiement des outils de régulation des marchés que nous avons contribué à maintenir et à renforcer en 2013.
La France considère cependant que la réactivité de l’Union européenne doit encore être renforcée et les outils de gestion des risques améliorés et diversifiés. Par ailleurs, cette réponse à une situation conjoncturelle doit nécessairement s’accompagner de solutions à long terme, permettant de renforcer la capacité de résilience et la compétitivité d’un secteur agricole confronté à un contexte de volatilité accrue des marchés.
La proposition du ministre pour la future PAC post-2020, présentée lors de la réunion informelle du Conseil agriculture de mai 2016 à Amsterdam, tient compte de ce contexte, tout en proposant des outils pour une meilleure compétitivité et une meilleure résilience des exploitations agricoles.
La PAC doit d’abord permettre de renforcer la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires, en développant notamment l’approche filière. Elle doit ensuite encourager l’innovation car, dans un monde globalisé avec une économie de marché ouverte, la compétitivité d’un secteur est intrinsèquement liée à sa capacité à innover, tant sur le plan technologique que sur les plans social ou organisationnel. La PAC doit enfin mieux accompagner les exploitations dans la gestion des risques et des aléas sanitaires, climatiques ou économiques majeurs, qui se multiplient. La crise actuelle que traversent plusieurs filières souligne bien ce besoin d’outils adaptés, qui devient même une condition nécessaire à l’atteinte des objectifs de compétitivité et de durabilité.
Il est donc proposé, pour la future PAC, de renforcer et de développer une panoplie d’instruments de gestion des risques et des aléas, en vue de favoriser le renforcement de la capacité de résilience propre, tant au niveau des exploitations, à travers la diversification des revenus et des modes de production pour une moindre dépendance aux intrants extérieurs et donc au marché et aux aléas, qu’au niveau des filières, à travers le développement de la contractualisation et le renforcement du maillon production.
Cette proposition recoupe le travail effectué par le Conseil, sous l’impulsion de la présidence slovaque, pour renforcer le positionnement des producteurs dans le fonctionnement de la chaîne de production et de commercialisation alimentaire.
En cas d’aléas, plusieurs dispositifs complémentaires pourraient intervenir : des mesures exceptionnelles de régulation des marchés, permettant d’intervenir rapidement et de limiter les conséquences et l’ampleur de la crise ; des outils de gestion des risques climatiques et sanitaires – assurances récoltes et fonds de mutualisation sanitaire – pour l’indemnisation des pertes ; un outil efficace de prise en charge des aléas économiques, de type assurance chiffre d’affaires ou outil de stabilisation des revenus, conditionné à la souscription d’une assurance et à la contribution au fonds de mutualisation ; enfin, un outil efficace de soutien à la trésorerie des exploitants, qui prendrait la forme d’une épargne de précaution obligatoire, permettant d’introduire un caractère contracyclique à la PAC.