Intervention sur la collectivité unique de Corse – Dernière lecture
Le mardi 21 février je suis intervenu en séance pour voter définitivement la création d’une collectivité territoriale unique en Corse. Celle-ci est prévue pour le 1er janvier 2018 tel que cela a été voté dans la loi de Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE). De nombreuses modalités en vue de son organisation et de l’élection de ses futurs conseillés sont à prévoir. J’ai apporté mon soutien à ce projet qui permet de réduire les échelons administratifs devenus obsolètes, dans ce cas le département et renforcer le lien direct entre la population et leurs institutions politiques. J’ai appelé de mes vœux à ce que ce modèle puisse être élargi aux autres régions de France le désirant. Une telle volonté est exprimée depuis plusieurs années en faveur d’une assemblée unique de Bretagne par la fusion des départements (Loire-Atlantique comprise) avec la région. Projet éminemment tourné vers l’avenir, ce plan vise à constituer une Bretagne où les citoyens seraient au cœur du projet politique. La Corse joue encore une fois le rôle de précurseur sur la question des institutions politiques et administratives, et grignote peu à peu le dogme de l’Etat unitaire qui fait fi de la nécessité d’une gestion différenciée des territoires et de leurs habitants pour répondre le mieux possible à leurs aspirations.
M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis heureux d’être parmi vous ce soir, pour l’une de mes dernières interventions dans cet hémicycle.
M. Charles de Courson. Ne soyez pas pessimiste, cher collègue !
M. Paul Molac. Je parle de cette législature, cher collègue !
Je suis heureux d’être parmi vous, disais-je, pour m’exprimer sur la question de l’organisation territoriale. J’appelle ce texte de mes vœux et je le voterai. À mes yeux, c’est la France de demain, celle du XXIe siècle, que nous allons contribuer à enrichir. Ce n’est pas la première fois que les Corses nous montrent l’exemple. En 1755, déjà, ils avaient voté une constitution qui séparait les pouvoirs, qui donnait le droit de vote à tous les propriétaires, hommes ou femmes, et qui comprenait une déclaration des droits de l’homme.
En dignes élèves des Lumières qu’ils étaient, les Corses nous avaient montré la voie. Pasquale Paoli, dont on lit le nom partout en Corse, fut l’un des rédacteurs de cette constitution. Malheureusement, cette jeune République corse fut détruite en 1769 par la France, laquelle, par la suite, n’a pas toujours été très sensible au particularisme de l’île – ni à d’autres particularismes, d’ailleurs. Aujourd’hui, nous entendons la Corse. Aujourd’hui, nous finissons le travail qui a été commencé par la loi NOTRe. Pour ma part, j’ai évidemment soutenu la création de cette nouvelle collectivité unique de Corse. J’avais d’ailleurs moi-même déposé un amendement visant à créer une collectivité unique en Bretagne, par la fusion des départements, dont celui de la Loire-Atlantique, et de la région. Celui-ci a été rejeté, mais je ne désespère pas que, petit à petit, les mentalités évoluant, la Bretagne emprunte le même chemin.
Certains diront que les Corses ont été consultés par référendum en 2003 et qu’ils ont rejeté cette proposition. C’est vrai, mais l’opinion évolue, et les majorités successives élues par le peuple corse à la collectivité ont soutenu cette fusion, jusqu’à l’exécutif actuel, dont je salue la présence dans cet hémicycle ce soir. D’ailleurs, pour les élections régionales de 2015, les candidats de la droite et de la gauche de gouvernement comme les nationalistes ont fait campagne pour une collectivité unique. À mon avis, le référendum, il était là !
Avec la redistribution des compétences en cours, la région doit relever dès aujourd’hui le nouveau défi consistant à imaginer et à expérimenter une simplification du paysage institutionnel décentralisé. Il faut alléger le mille-feuille territorial, là où c’est possible et là où les élus le demandent. Cet allégement s’articulera au mieux avec la volonté ébauchée d’affirmer la région comme collectivité « stratège », motrice du développement économique, social et environnemental, d’une part, et avec le besoin d’une gestion adaptée à la diversité de ses territoires et à un souci de proximité, d’autre part.
Cette initiative de réorganisation territoriale ravivera le potentiel de coopération de toutes les forces vives.
Certains, à la droite de nos bancs, craignent une recentralisation régionale, à la faveur de la disparition des deux départements. Je conteste vigoureusement cette vision, alors que les intercommunalités prennent une dimension jamais vue. D’ailleurs, je m’étonne que ceux qui en viennent à utiliser cet argument ne remettent pas en cause la centralisation qui caractérise la France elle-même : Paris et sa région concentrent 20 % de la population du pays, les principales fonctions de commandement politiques et économiques, ainsi que les médias et le tertiaire supérieur. La véritable centralisation est là, et l’on peut comparer cette situation avec l’organisation urbaine en Allemagne ou en Italie, par exemple.
L’organisation territoriale du futur est donc en train de se construire sous nos yeux en Corse, sur la base du quadriptyque : intercommunalité, région, État, et Europe. Quant aux départements, en Corse ou en Bretagne, ils n’ont, à mon avis, plus de raison d’être. (Sourires.)
Je regrette qu’en dehors de certaines métropoles, il n’ait rien été proposé dans la loi NOTRe pour reconnaître le principe de différenciation et permettre la création de collectivités locales à statut particulier, susceptibles d’exercer des compétences spécifiques, de façon pérenne. Il faut souvent bricoler, comme au Pays basque, où est créée une communauté urbaine englobant l’ensemble du territoire – y compris la Soule, pourtant bien éloignée de l’agglomération Biarritz, Anglet, Bayonne. En définitive, on progresse, mais comme cela est difficile !
J’en reviens à ce projet de loi, qui porte ratification de trois ordonnances parachevant la collectivité unique de Corse. Ces ordonnances étaient destinées, selon le Gouvernement, à « tirer l’ensemble des conséquences électorales, juridiques, budgétaires, financières et comptables de la création de la collectivité de Corse, ainsi que les règles relatives aux concours financiers de l’État et aux fonds nationaux de péréquation des recettes fiscales applicables à la collectivité de Corse ».
Le texte a donné lieu à une large concertation en amont. Les ordonnances ont en effet été co-construites avec les élus de Corse, notamment avec l’exécutif actuel. Le Sénat les a pourtant rejetées par posture politicienne – le fait que des élections doivent se tenir en Corse en décembre 2017 n’ y est peut-être pas étranger.
La Corse joue, une fois encore, le rôle de précurseur sur la question des institutions politiques et administratives, et elle grignote peu à peu le dogme de l’État unitaire, qui fait fi de la nécessité d’une gestion différenciée des territoires et de leurs habitants, pour répondre le mieux possible à leurs aspirations. Elle a un statut spécial, certes loin du fédéralisme qui caractérise celui de la Nouvelle-Calédonie, mais qui correspond à l’évolution que j’appelle de mes vœux pour la France entière. Je souhaite, en définitive, témoigner toute mon amitié au peuple corse. Au total, quatre députés corses sont présents ici ce soir, cinq avec François Pupponi, et cinq et demi avec moi ! (Sourires.) Je leur souhaite bon vent pour ce nouveau développement de la Corse ! Bona furtuna a a Corsica ! (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. François de Rugy. Très bien !