Tribune dans le Point : Étudiants étrangers : une sélection par l’argent inacceptable !
Nous sommes trente députés à dénoncer l’importante augmentation des droits d’inscription prévue pour les étudiants étrangers.
M’jid El Guerrab, Député de la 9e circonscription des Français établis hors de France.
TRIBUNE. Avec le député de la 9e circonscription des Français établis hors de France, M’jid El Guerrab, trente députés sont montés au front pour dénoncer l’importante augmentation des droits d’inscription prévue pour les étudiants étrangers.
La semaine dernière, le Premier ministre a présenté la stratégie gouvernementale d’attractivité pour les étudiants internationaux afin d’accroître le nombre d’étudiants étrangers en France et de renforcer le rayonnement de l’enseignement supérieur français à l’étranger. Dans ce plan figure une mesure qui consiste à augmenter le montant des droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public pour les étudiants extracommunautaires, ce qui implique une forte hausse de leurs frais de scolarité. Autant dire une nouvelle taxe prise sans concertation et sans considération de revenu ou de situation sociale.
Ainsi, alors qu’une licence coûte aujourd’hui en moyenne 170 euros par an, un master 243 euros et un doctorat 380 euros, les étudiants étrangers hors Union européenne devront payer respectivement 2 770 euros pour la licence et 3 770 euros pour un master ou un doctorat, soit plus de 15 fois le montant actuel !
Si je partage l’opinion selon laquelle nous devons mieux accueillir pour attirer davantage d’étudiants, cette forte hausse des frais de scolarité, réservée aux seuls étudiants extracommunautaires, pénalise grandement les étudiants africains, qui représentent 45 % des étudiants étrangers et sont tendanciellement issus de milieux socio-économiques beaucoup moins favorisés que les autres.
Les risques encourus avec une telle mesure sont graves : non seulement le nombre d’étudiants étrangers en France est susceptible de chuter, en raison d’un « effet d’éviction » dénoncé par la Cour des comptes dans son rapport de la semaine dernière, mais cela risque également d’accroître l’exclusion des étudiants internationaux pour des raisons économiques. J’y vois une rupture du principe d’égalité, qui aboutira à ce que seuls les étrangers les plus fortunés pourront étudier en France. Cette sélection par l’argent va à l’encontre de notre tradition républicaine.
Promouvoir la francophonie est une excellente chose, notamment pour gagner la bataille de l’influence économique et culturelle en promouvant notre mode de vie et nos valeurs. Pour ce faire, il est primordial que nos universités puissent continuer d’accueillir de nombreux étudiants étrangers. Bien souvent, ceux-ci souhaitent profiter de l’excellence de l’enseignement français avant de retourner dans leur pays d’origine pour contribuer à leur développement. Pour beaucoup, l’école française est un ascenseur social extraordinaire, que le gouvernement se propose de taxer !
D’un point de vue économique stricto sensu, la Cour des comptes estime que « la différenciation des droits d’inscription pourrait permettre d’apporter entre 6 millions et 554 millions d’euros de financement complémentaire aux universités ». Mais, rappellent les magistrats de la rue Cambon, « le produit escompté d’une éventuelle augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers doit être comparé à l’apport de ces derniers à l’économie française, évalué à environ 1,7 milliard d’euros ». En d’autres termes, cette hausse des frais de scolarité pour les étudiants hors UE s’avère une fausse bonne idée… Puisqu’il s’agit ici de pure comptabilité, le produit de l’opération est déjà positif. Pourquoi donc vouloir le taxer davantage ?
En effet, quel contresens avec ce que le président de la République promeut depuis un an et demi ! Alors qu’il importe plus que jamais de consolider l’axe nord-sud, j’espère que cette hausse des frais de scolarité pour les étudiants extracommunautaires pourra être reconsidérée, ou que des solutions pourront être apportées aux étudiants placés dans une situation économique fragile, afin qu’ils aient une chance de pouvoir poursuivre leur formation en France. À cet égard, il serait plus qu’opportun de développer les dispositifs de bourse pour les étrangers les plus modestes.
Rappelons-nous qu’en 1914 le Parlement français avait décidé d’abolir les frais d’équivalence pour les étudiants étrangers, au nom de l’égalité de tous les étudiants devant l’université républicaine.
La France est un grand pays, lorsqu’elle assume son rôle dans le monde et son histoire, intimement liée à l’Afrique, pour laquelle chacune et chacun attendent que l’on ouvre cette nouvelle page promise. Les filles et les fils des tirailleurs africains méritent mieux qu’une taxe sur l’un des rares ascenseurs sociaux auxquels ils avaient accès par le mérite…
Signataires : M’jid El Guerrab, Samia Ghali, Bertrand Pancher, François-Michel Lambert, Jean-Michel Clément, Philippe Vigier, François Pupponi, Jean-Hugues Ratenon, Sylvain Brial, Sylvia Pinel, Jeanine Dubié, Olivier Falorni, Michel Castellani, Maina Sage, Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain, Ugo Bernalicis, Éric Coquerel, Alexis Corbière, Caroline Fiat, Bastien Lachaud, Michel Larive, Danièle Obono, Mathilde Panot, Loïc Prud’homme, Adrien Quatennens, Jean-Hugues Ratenon, Muriel Ressiguier, Sabine Rubin, François Ruffin, Bénédicte Taurine et Paul Molac.