L’utilisation des fichiers de police

>

M. Paul Molac. Ma deuxième question, monsieur le ministre, porte sur les fichiers de police, et notamment sur le traitement des antécédents judiciaires – TAJ – à travers le Système de traitement des infractions constatées et le Système judiciaire de documentation et d’exploitation.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés dénonce régulièrement l’utilisation des fichiers dans les enquêtes administratives, et notamment les enquêtes de moralité qui sont exigées pour certains emplois – cela concerne plus d’un million d’emplois. Le TAJ peut aussi être utilisé par certains parquets pour l’orientation procédurale des affaires, et il pourra être utilisé demain par des officiers de police judiciaire pour fixer des sanctions, conformément à la transaction pénale, adoptée l’été dernier.

Les fichiers de police peuvent constituer de véritables casiers judiciaires bis, sans les garanties apportées par le casier judiciaire. Dans sa délibération de 2011 sur le TAJ, la CNIL avait pourtant précisé qu’il convient de proscrire tout systématisme quant à l’utilisation administrative des fichiers d’antécédents, étant donné les risques graves d’exclusion sociale, d’atteinte aux libertés individuelles, ainsi qu’aux droits des personnes, qu’elle fait courir.

La France pourra être condamnée demain par la Cour européenne des droits de l’homme au sujet du TAJ, comme elle l’a été récemment pour le STIC. Actuellement, les personnes, et les données les concernant, peuvent y figurer pour des durées extrêmement longues, parfois jusqu’à quarante ans. Or on sait que deux tiers des fiches sont erronées. Ceci est d’autant plus inquiétant que le TAJ est bien plus complet que les fichiers dont il est issu, puisqu’il comprend, par exemple, un dispositif de reconnaissance faciale.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de réformer le TAJ pour corriger les nombreuses erreurs qu’il contient et limiter son utilisation ? Envisagez-vous, par exemple, de faire évoluer les lois et les décrets entourant ce fichier, afin, notamment, d’en préciser les modalités de correction ? D’une manière générale, est-il envisagé d’améliorer l’information concernant les différents fichiers, leur utilisation, le nombre de données qu’ils contiennent et leur base légale ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Molac, comme tous les fichiers, le traitement d’antécédents judiciaires, ou TAJ, fait l’objet d’une réglementation qui concerne aussi bien ses conditions d’accès que d’alimentation.

Pour répondre à votre première question, et s’agissant des données erronées dans le TAJ, la police et la gendarmerie nationale se sont engagées, depuis plusieurs années, dans la construction d’un système commun de traitement de l’information de police judiciaire. Ce système permet le traitement automatique des informations issues des procédures judiciaires, recueillies à partir des logiciels de rédaction de procédures. L’alimentation en temps réel du fichier TAJ permet de garantir sa fiabilité et élimine une source d’erreur dans des données enregistrées, alors que le STIC a été largement critiqué, pour contenir parfois des données erronées – vous l’avez vous-même souligné.

En outre, les services de police et les unités de la gendarmerie s’efforcent de mettre à jour les données du TAJ dès lors qu’une consultation a permis de déceler une erreur. Par ailleurs, puisque les logiciels de rédaction de procédures seront prochainement reliés au fichier CASSIOPEE du ministère de la justice, le magistrat territorialement compétent pourra contrôler directement l’exactitude des informations qui lui auront été transmises, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

En retour, le TAJ sera automatiquement mis à jour des décisions judiciaires favorables et des décisions de requalification des parquets saisis dans le cadre de l’application de Cassiopée.

De plus, un projet de décret prévoit un accès limité au TAJ par les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS. Si une fiche est décelée, le CNAPS devra s’informer des raisons de l’inscription au fichier de la personne concernée auprès du ministère de la justice, qui vérifiera alors que les données ne sont pas erronées ou obsolètes.

S’agissant de votre seconde question, plus générale, sur l’information concernant les différents types de fichiers, sachez que conformément à la loi du 6 janvier 1978, dans le traitement TAJ, les victimes sont informées des droits d’accès et d’opposition qui leur sont ouverts. De plus, toute personne justifiant de son identité a le droit d’interroger le responsable d’un fichier ou d’un traitement pour savoir s’il détient des informations sur elle, et le cas échéant, d’en obtenir communication.

Enfin, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationale rendent compte conjointement chaque année à la Commission nationale de l’informatique et des libertés des opérations de vérification, de mise à jour et d’effacement des informations enregistrées dans le traitement des fichiers TAJ.