Baptiste Denieul, l’art et la manière de marier tradition familiale et haute gastronomie
À 22 ans, Baptiste Denieul se lançait un défi de taille : reprendre le restaurant de ses parents à Guer et le transformer en établissement gastronomique. Depuis son enfance, il a baigné dans la restauration et plus encore dans le service apporté à une clientèle. Au-delà de ses parents qui tenaient l’ex-crêperie L’Art et la Manière, ses grands-parents maternels étaient dans la galette tandis que le côté paternel travaillait dans le commerce. « J’ai toujours vécu dans cette ambiance, avec cette idée d’être au service du client et de trouver les bons produits, explique-t-il. Pour ce qui est du travail de restauration, j’ai grandi avec ces horaires et cette pression, ça ne m’a donc pas impressionné. »
Un talent qui lui ouvre toutes les portes
La vocation est là, il faut maintenant lui donner les moyens de la réussite professionnelle. Tout faire pour concrétiser ses ambitions est un leitmotiv pour Baptiste Denieul. En BEP en école hôtelière à Rennes, il remporte le prix du Meilleur Apprenti de Bretagne. Ce sésame lui permet, lors de son apprentissage, de travailler dans les maisons de grands chefs étoilés au guide Michelin. À Paris, il se forme aux côtés de prestigieux maîtres : Alain Ducasse et Éric Fréchon (Le Bristol). Dans ces hauts lieux de la gastronomie, il assimile les techniques, mais sans se laisser marquer par le style.
Aujourd’hui, dans son établissement, il crée sa propre cuisine : « Je ne voulais pas être imprégné du style de tel ou tel chef. Au fur et à mesure des saisons, des années, je fais évoluer ma cuisine pour avoir quelque chose qui me ressemble et que l’on ne trouvera nulle part ailleurs. » La recette est bonne puisque le restaurant a bénéficié chaque année depuis son ouverture fin 2013 de récompenses dans les trois grands guides culinaires français : « Meilleur Jeune Chef de Bretagne » par Gault et Millau (2014), « Chef Prometteur » au Guide Michelin (2015) et « Meilleur Jeune Chef de France » pour Champérard (2016). « En 2017-2018, je veux concrétiser cela avec d’autres distinctions dans ces guides nationaux, mais ça n’est pas le moteur premier : la priorité est de développer le restaurant. Les récompenses sont un cadeau pour valoriser le travail des équipes présentes au quotidien à mes côtés. »
Auberge Tiegezh : la famille à l’honneur
Baptiste Denieul ne se voyait pas ouvrir son restaurant ailleurs qu’à Guer, sur les terres où il a grandi. Qu’il s’agisse du nom de l’auberge – « Tiegezh » signifiant « famille » en breton –, de la cogérance avec sa mère, de la salle tenue par Marion son épouse ou des menus portant les prénoms des femmes qu’il aime – arrière-grands-mères, grands-mères, mère et compagne —, le cocon familial omniprésent donne son âme au lieu et à la cuisine. « Il est très important pour moi qu’une cuisine ait un sens. Elle en a un quand elle est marquée par une histoire, dans un lieu qui a une signification. Je ne me voyais pas ouvrir mon restaurant ailleurs qu’ici. Ma cuisine prend sens dans ce lieu. Ici, tout est logique. »
Chaque personne franchissant la porte de l’auberge Tiegezh est invitée à entrer dans l’histoire du lieu comme du chef. Dans le salon d’accueil, des portraits ornent les murs : Baptiste avec ses parents ou encore une photo de mariage où lui et son épouse sont entourés de leur équipe, leur famille professionnelle. Cet espace de détente est un seuil où l’on peut choisir de s’installer pour découvrir l’univers du maître de maison. Dans une atmosphère conviviale, des livres de cuisine de grands chefs sont mis à disposition de qui aura envie de se plonger dans les secrets de la haute gastronomie.
Un ancrage local pour raconter une histoire
À l’Auberge Tiegezh, chaque plat raconte une histoire. Les saisons, les suggestions et aléas des fournisseurs locaux dessinent les cartes, que Baptiste Denieul change tous les deux mois. « J’aime ce jeu où c’est l’économie locale qui me dit ce que je fais. » Il puise son inspiration et crée ses recettes à partir des produits qui lui sont proposés plutôt qu’en les contraignant à s’adapter à une idée. Rechercher de bons partenaires locaux fait partie intégrante de son métier et leur collaboration est l’une des clés de la réussite du chef. Eux aussi sont valorisés : à l’entrée du restaurant et sur les cartes, ils sont cités. « Quand on est un passionné, il est important de parler à des gens qui se le sont tout autant, ne serait-ce que pour être compris. » Surtout, quand le producteur explique son produit, cela permet à Baptiste Denieul de créer une recette qui le sublimera « et de raconter l’histoire du plat en salle. C’est la nature qui guide notre créativité. »
Baptiste Denieul est animé par sa passion de la cuisine. Il a aussi pour motivations le dépassement de soi, l’envie d’offrir toujours plus à ses clients, le souhait de fidéliser son équipe et que chacun, client comme membre du personnel, se sente bien dans son établissement. Quand on lui demande le secret de son impressionnante réussite, il parle volontiers de l’importance d’être heureux dans ce que l’on fait, mais aussi de la nécessité de valoriser les métiers manuels. « Les métiers manuels ne sont pas une voie de garage quand on est mauvais à l’école. Si on va chercher ses rêves, on peut réussir dans n’importe quel métier. À chacun de grandir selon ses ambitions. »