Beignon. Adrienne Bocquet-Gentric, la voix d’une jeunesse engagée.
Il est des combats pour lesquels l’art rhétorique peut s’apparenter à une arme, contribuant ainsi à bouleverser les esprits, imprimer les inconscients. Originaire de Beignon, Adrienne Bocquet-Gentric s’est engagée très tôt en faveur de la défense des droits humains. Au Mémorial de Caen, en mars dernier, elle a porté sa voix bretonne jusqu’à la finale nationale du concours de plaidoiries des lycéens. L’occasion d’interpeller le plus grand nombre, par la verve oratoire, sur le destin des « Enfants soldats du Mozambique ».
Du théâtre à la plaidoirie
Élève de terminale au lycée Brocéliande de Guer, Adrienne est une jeune femme déterminée et engagée. Inlassable contributrice du journal de son lycée, elle considère l’information comme essentielle à la bonne compréhension des enjeux de notre temps. Elle s’en fait régulièrement le relais, par les mots, qu’ils soient couchés sur le papier ou exprimés oralement. Très tôt, Adrienne se tourne vers l’option théâtre et les exercices d’éloquence. Malgré une confiance en soi imparfaite, elle apprend rapidement que « le ridicule ne tue pas » et que l’appréhension du regard des autres n’est pas « une fatalité ».
Au terme d’une énième représentation, son ancien professeur d’histoire-géographie lui fait part du concours national de plaidoiries des lycéens. Chaque année, le Mémorial de Caen donne l’occasion aux jeunes de s’engager par la parole, afin de mettre en lumière un cas particulier de violation des droits de l’homme. Devant cette proposition, Adrienne est d’abord hésitante. Elle prend finalement à contre-pied la charge de travail annoncée. « J’ai laissé la passion s’exprimer. Je l’ai pris comme un exutoire, m’y employant quand je trouvais le temps. »
Les enfants soldats du Mozambique
Viennent les différentes phases du concours. Une première sélection, censée dévoiler autant le style d’expression que les arguments juridiques mobilisés et ne maintenant dans l’aventure qu’un dixième des 1500 inscrits. Des 150 rescapés, il ne restera plus que 14 finalistes, à l’issue d’une seconde sélection où l’ensemble de la plaidoirie a pu être appréciée. Il ne demeure plus qu’à la peaufiner avant de la reproduire à Caen, devant une salle que l’on annonce comble.
Si le concours emmène Adrienne non loin des plages normandes, sa plaidoirie nous transporte dans l’Est africain. Au Mozambique, précisément, dont elle a souhaité faire ressortir les graves atteintes au droit des enfants. Sujet sensible, qu’elle aborde par le prisme des enfants soldats, témoins d’horreurs et bien souvent sommés d’y prendre part.
Le Mozambique souffre d’un manque cruel d’attention et d’information à l’échelle internationale. Victime d’une macabre concurrence dans l’atteinte aux droits fondamentaux, devenue incontestablement ordinaire. Pour Adrienne, c’est d’ailleurs de ce constat que naît l’envie d’alerter son auditoire sur un sujet méconnu, délaissé par la presse.
Consciente de la pertinence d’un sujet déroutant pour son succès personnel, Adrienne souhaite avant tout lever le voile sur une situation obscure. De cette obscurité découlera une certaine difficulté rencontrée dans le cadre de ses recherches. La lycéenne ira jusqu’à traduire elle-même la constitution mozambicaine, rédigée en portugais. Expérience cocasse, pour celle qui maîtrise davantage l’anglais et l’allemand.
Des mots pour dire, dénoncer et convaincre
La réflexion profonde menée par Adrienne trouve sa source dans un engagement précoce en faveur des droits humains. Au même titre que certains finalistes, elle se préoccupe principalement des droits accordés aux femmes et aux enfants. Un combat né du manque de protection qu’elle a elle-même ressenti en France et qu’elle imagine bien plus béant dans certains États.
Sur scène, Adrienne décide de faire don de son corps, de son cœur, afin de sensibiliser le plus grand nombre à ces thématiques. Elle a l’intime conviction que l’oral demeure plus accessible, que les mots peuvent être mis à profit pour mobiliser. Devant une salle essentiellement composée de collégiens, la jeune femme s’est efforcée de lisser son discours, d’éviter les tournures alambiquées et d’abandonner les figures de style pourtant chéries. « Ce n’est pas le jury que j’essayais d’atteindre, mais bien le public » précise-t-elle. Voilà la véritable finalité, au-delà des récompenses décernées : captiver son auditoire, pour l’encourager à son tour à s’engager.
Une expérience unique et enrichissante
L’heure approche. Le moment de se révéler aux autres, mais également à elle-même. Une appréhension légitime guette Adrienne. La jeune lycéenne en convient, la plaidoirie à venir s’avère éloignée des scènes de théâtre habituelles. Ici, aucun rôle derrière lequel se cacher. Il s’agit de défendre ses propres convictions, d’exhiber sa propre personne. Sur scène, Adrienne ressent « une déconnexion totale ». Un moment hors du temps, dont elle reste aujourd’hui encore amnésique, avant que les applaudissements ne la fassent revenir à la réalité.
Quel bilan tirer de cette aventure ? Adrienne retient d’abord l’accomplissement personnel. Si elle ne figure pas parmi les lauréats, le concours demeure « la chose la plus enrichissante » de son parcours. La lycéenne souligne également l’absence de compétition entre les finalistes, le soutien qu’ils se sont mutuellement apporté, et duquel accouche des liens indéfectibles. « L’impression d’être à ma place » glisse Adrienne, désormais entourée de jeunes gens tout autant sensibilisés aux droits fondamentaux qu’elle peut l’être.
À l’issue du concours, et une fois revenue à Beignon, le soulagement d’abord et le besoin de récupérer d’une aventure éreintante. La nostalgie, ensuite. L’envie de partir, de nouveau. Adrienne le concède, « le retour à la réalité lycéenne » est difficile à digérer.
Ses amis la sollicitent à plusieurs reprises, réclamant une représentation en bonne et due forme. Sa plaidoirie ponctue la semaine des droits humains, évènement annuellement organisé par son lycée. À l’écouter aborder la rhétorique avec passion, nul doute qu’Adrienne foulera de nouveau la scène, plus animée que jamais pour la défense des droits fondamentaux.
Vous pouvez retrouver la plaidoirie d’Adrienne, ainsi que l’ensemble des prestations lycéennes effectuées lors du concours sur le site internet du Mémorial de Caen.