Courrier à la Commission européenne contre le dumping fiscal agricole en Europe
Alors que les distorsions de concurrence fragilisent les éleveurs français, les parlementaires bretons de gauche ont attiré l’attention de Monsieur Phil HOGAN, Commissaire européen chargé de l’Agriculture et du Développement rural, ainsi que de Monsieur Pierre MOSCOVICI, Commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, sur la lutte contre les pratiques de dumping fiscal dans certains pays européens. Ensemble, nous souhaitons le renforcement des contrôles effectifs et des sanctions pour combattre cette réalité, comme nous sollicitons la révision de la directive TVA au niveau européen. Vous trouverez ci-dessous le contenu du courrier adressé à la Commission.
Objet : Lutte contre le dumping fiscal agricole
Paris, le 26 avril 2016
Monsieur le Commissaire,
Alors que la France est touchée par une crise agricole grave et profonde, nous souhaitons attirer votre attention sur les distorsions de concurrence qui fragilisent les éleveurs français, en particulier les pratiques de dumping fiscal dans certains pays européens producteurs de viande porcine.
Dans le contexte difficile que l’on connaît, il n’est pas acceptable que des pratiques anticoncurrentielles contribuent à tirer les prix du marché vers le bas. Nos agriculteurs demandent un prix juste et rémunérateur, ce qui nécessite des relations commerciales plus équilibrées et transparentes entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs en France, mais aussi une concurrence loyale et non faussée au sein du marché intérieur.
En vertu des articles 296/297/298 et 299 de la directive 2006/112/CE, le régime de TVA forfaitaire est appliqué aux exploitations agricoles pour lesquelles l’assujettissement au régime de TVA réel se heurterait à des difficultés. Ce principe fait l’objet d’interprétations nationales divergentes. En France, le régime forfaitaire s’applique aux exploitations dont le chiffre d’affaires est inférieur à 46 000 € par an. En Allemagne, le régime forfaitaire est conditionné, non pas par le plafonnement du chiffre d’affaires, mais par le respect d’un maximum d’animaux à l’hectare.
Or, ce régime forfaitaire serait détourné en Allemagne, selon l’enquête du Collectif contre le dumping fiscal agricole en Europe, association qui regroupe l’Union des Groupements de Producteurs de Viande de Bretagne (UGPVB), COOP de France, la Fédération Nationale Porcine et le Comité Régional Porcin de Bretagne.
D’une part, l’article 296 et l’esprit de la directive TVA exigent une application limitée du régime forfaitaire. Mais il semblerait que le régime du forfait, par principe exceptionnel, soit en réalité devenu la règle dans certains Länder allemands. Cette situation serait facilitée par le découpage des exploitations agricoles en plusieurs entités juridiques distinctes, afin de rester sous le seuil autorisant le régime forfaitaire.
D’autre part, l’article 299 de la directive TVA interdit la surcompensation. Mais, en Allemagne, le taux de compensation de 10,7 % sur les ventes, qui par ailleurs n’a pas été notifié à la Commission européenne en 2007, entraîne une surcompensation au profit des éleveurs au forfait. Cela aurait généré entre 2008 et 2012 un avantage de 50 millions d’euros pour la production porcine.
Cette optimisation fiscale confère un avantage tarifaire et donc compétitif à la production allemande, ce qui est préjudiciable pour l’élevage, l’industrie et l’emploi français.
Face à ce constat, nous souhaitons tout d’abord le renforcement des contrôles effectifs et des sanctions pour combattre les pratiques de contournement de la directive TVA.
De plus, alors que la révision de la directive 2006/112/CE est inscrite à l’agenda européen et que l’exécutif européen entend lutter contre les fraudes à la TVA, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous indiquer les propositions de la Commission européenne pour remédier à cette situation, en particulier en précisant et en objectivant la notion de « difficultés » mentionnée à l’article 296.
Enfin, alors que les pratiques de dumping contribuent à nourrir le populisme partout en Europe, nous sommes convaincus de l’importance d’une réforme des règles de la TVA au niveau européen.
En vous remerciant de bien vouloir nous tenir informés de la suite qui pourra être donnée, nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire européen, à l’expression de notre haute considération.
Copies à :
– Monsieur Stéphane LE FOLL, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt ;
– Monsieur Emmanuel MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique ;
– Monsieur Michel SAPIN, ministre des Finances et des Comptes publics.
Cosignataires :
François ANDRÉ, Député d’Ille-et-Vilaine
Patricia ADAM, Députée du Finistère
Nathalie APPÉRÉ, Députée d’Ille-et-Vilaine
Jean-Luc BLEUNVEN, Député du Finistère
Maryvonne BLONDIN, Sénatrice du Finistère
Yannick BOTREL, Sénateur des Côtes d’Armor
Marie-Anne CHAPDELAINE, Députée d’Ille-et-Vilaine
Yves DANIEL, Député de Loire-Atlantique
Corinne ERHEL, Députée des Côtes d’Armor
Richard FERRAND, Député du Finistère
Chantal GUITTET, Députée du Finistère
Odette HERVIAUX, Sénatrice du Morbihan
Marylise LEBRANCHU, Députée du Finistère
Gilbert LE BRIS, Député du Finistère
Viviane LE DISSEZ, Députée des Côtes d’Armor
Annie LE HOUÉROU, Députée des Côtes d’Armor
Annick LE LOCH, Députée du Finistère
Jean-Pierre LE ROCH, Député du Morbihan
Marie-Thérèse LE ROY, Députée du Finistère
Michel LESAGE, Député des Côtes d’Armor
François MARC, Sénateur du Finistère
Jean-René MARSAC, Député d’Ille-et-Vilaine
Paul MOLAC, Député du Morbihan
Hervé PELLOIS, Député du Morbihan
Sylvie ROBERT, Sénatrice d’Ille-et-Vilaine
Marcel ROGEMONT, Député d’Ille-et-Vilaine
Gwendal ROUILLARD, Député du Morbihan
Jean-Louis TOURENNE, Sénateur d’Ille-et-Vilaine