Débat sur la politique maritime de la France

Le mercredi 12 juin 2013, je suis intervenu en séance sur la politique maritime de la France, porteuse de nombreux enjeux d’avenir qu’il convient de soutenir vigoureusement.

Compte-rendu de mon intervention

Monsieur le ministre, nous aurions tellement aimé que vous fussiez un ministre de plein exercice, afin de pouvoir donner au monde maritime toute l’importance qu’il mérite ! Cela n’aurait sans doute pas été pour vous déplaire, vous qui avez été jusqu’à très récemment maire de cette grande ville maritime qu’est Boulogne-sur-Mer. Mais plus que cela, avec nombre de Bretons, le régionaliste que je suis est un partisan de la création d’un ministère de la mer décentralisé et de plein exercice – qui serait, pourquoi pas, installé à Brest !

J’arrête là les facéties pour aborder trois points de la politique maritime.

Premièrement, s’agissant du développement d’une stratégie portuaire nationale en termes de logistique et d’intermodalité, de développement industriel et d’aménagement des espaces, j’attire votre attention sur le nécessaire encouragement du cabotage, et plus particulièrement d’une pratique que l’on appelle le tramping. Il s’agit du transport maritime à la demande par un navire de commerce non affecté à une ligne régulière, pouvant notamment être propriété publique.

Si l’on veut relancer le développement industriel et commercial de nos ports en favorisant l’intermodalité, il convient en premier lieu que la puissance publique considère les navires comme des infrastructures dans lesquelles elle peut investir, et pas seulement comme des moyens de transports. C’est d’ailleurs la position défendue depuis des années par la région Bretagne et par la conférence des régions périphériques maritimes, en particulier auprès de la Commission européenne, mais jusqu’à présent sans succès.

L’autre enjeu à relever en vue de développer le commerce maritime, et notamment le cabotage, consiste à associer davantage les chargeurs routiers, notamment agroalimentaires, dans la chaîne logistique. Le report modal doit être encouragé de manière plus active, et nous regrettons que les recettes issues de la taxe poids lourds ne viennent pas alimenter les budgets des régions qui gèrent les ports de commerce. Nous pensons d’ailleurs que les conseils régionaux devraient pouvoir étendre là encore leur compétence, en prenant en charge tous les ports de commerce et en menant une politique maritime régionale.

Mon deuxième point porte sur les infrastructures portuaires locales. Elles sont cruciales aujourd’hui, notamment avec le développement du gigantisme des navires. Le mardi 4 juin dernier, François Hollande inaugurait le Jules Verne, l’un des plus grands porte-conteneurs au monde. Les navires étant toujours plus grands, c’est désormais aux ports de s’adapter à ces nouveaux monstres des mers. Dans cette compétition mondiale, Rotterdam et Shanghai ont plus de chances que Lorient ou Brest. En France, seuls Le Havre et Marseille, peut-être Saint-Nazaire, pourraient tirer leur épingle du jeu.

L’une des solutions à creuser serait d’encourager le feedering, processus de collecte et de distribution des conteneurs dans les nombreux ports secondaires délaissés par l’organisation des lignes océaniques autour des grands ports desservis par les navires géants. Il s’agit donc de mener une politique maritime volontariste visant à développer nos infrastructures portuaires de taille plus modeste pour ne pas être les laissés pour compte de cette course au gigantisme.

Outre la survie de nos infrastructures portuaires, le gigantisme des navires de transports de marchandises pose de nombreuses questions en termes de sécurité, et pas seulement dans les ports. Le 9 mars dernier s’est déroulé au large de la Bretagne un exercice de remorquage effectué par l’Abeille Bourbon sur le navire Marco Polo, plus grand porte-conteneurs du monde. Si l’exercice de remorquage par l’Abeille Bourbon s’est déroulé sans difficulté, de nombreuses questions restent sans réponse. Que se passerait-il si ce genre de navires tombait en avarie en dehors de la zone d’action de l’Abeille Bourbon ? Rappelons-nous qu’en janvier 2007, l’un des plus puissants remorqueurs d’Europe fut mobilisé pour faire face à l’accident du MSC Napoli qui se trouvait dans la Manche et transportait 2 200 conteneurs. Certains représentaient près de 1 700 tonnes de produits toxiques. En cas de perte de conteneurs, quels seraient alors les moyens mis à la disposition des préfets maritimes ? Ces questions montrent surtout que les moyens de sauvetage dont disposent les préfets maritimes évoluent moins vite que le gigantisme des navires de commerce.

Enfin, le dernier point sur lequel je souhaitais intervenir est celui du développement des énergies marines renouvelables.

De vives préoccupations émergent quant à la lenteur des procédures administratives au niveau de l’État. Cela se manifeste sur plusieurs sujets : le déblocage de l’aide promise par l’État à l’institut des énergies décarbonées, France énergies marines, au titre des investissements d’avenir ; le lancement du premier appel à manifestation d’intérêt sur l’hydrolien ; la cartographie des zones susceptibles de recevoir des sites d’essai, des fermes-pilotes ou de futurs parcs d’exploitation. S’y ajoutent la lourdeur et l’accumulation des procédures qui conditionnent l’entrée dans la phase d’exploitation.

Dans une entrevue accordée à un quotidien régional, le président de France énergies marines a établi un parallèle saisissant : en Écosse, il suffit d’une procédure unique d’autorisation, en France, il en faut quatre. Rappelons que l’Écosse est leader mondial sur les énergies marines renouvelables… La capacité financière de l’Écosse, 37 milliards, et la possibilité d’adapter la réglementation ne sont pas étrangères à cette réussite. Il serait donc bon d’avoir des précisions sur le calendrier de mise en oeuvre des engagements de l’État afin que se concrétise au plus vite son soutien au développement de la filière des énergies marines renouvelables. À Brest où ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes certains de pouvoir compter sur votre soutien sur ces questions.