Discours sur la régionalisation de France 3
Le mercredi 25 mars je suis intervenu dans l’hémicycle dans le débat sur l’avenir de France Télévisions alors qu’un nouveau Président devra être désigné par le CSA dans les prochaines semaines. Ce débat, dont j’étais à l’initiative avec mon groupe parlementaire, aura permis d’axer mon proposer sur la nécessité de renforcer la proximité de France 3 avec ses téléspectateurs en région, et de faire émerger dans les régions qui le demande des chaînes publiques de plein exercice tel que sur le modèle de France 3 Via Stella.
e
Compte-rendu de mon intervention
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après les propos de ma collègue Barbara Pompili qui se voulaient plus généraux sur l’avenir de France Télévisions, je vais me concentrer spécifiquement sur la nécessaire évolution de France 3.
Si la nomination prochaine du nouveau président de France Télévisions ne nous concerne pas, nous exprimons nos attentes dans le cadre du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour 2015-2020 à la lueur de celui en cours. Ainsi, l’avenant au COM pour 2013-2015 prévoyait l’organisation d’une réflexion sur l’avenir de l’offre régionale et locale de France 3.
Ce thème est abordé à la fois dans le rapport pour avis que notre collègue Stéphane Travert avait rédigé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 et dans le rapport de Mme Anne Brucy intitulé « France 3 : un avenir régional ».
Le premier rapport, excellent au demeurant, de notre collègue Stéphane Travert était, à juste titre, très sévère. Notre collègue notait en effet qu’au regard de l’objectif affiché par la direction du groupe visant à renforcer les liens de proximité de la chaîne avec ses téléspectateurs et à valoriser les identités régionales, « le bilan apparaît très négatif ».
Si l’actuelle direction a souhaité accroître le volume des programmes régionaux, cela doit être nuancé dans la mesure où un même programme peut être diffusé plusieurs fois ou sur plusieurs antennes. Surtout, les programmes régionaux sont diffusés dans des créneaux qui ne leur sont guère favorables : le matin ou tard le soir, avec peu de visibilité et de promotion. Ils sont même carrément supprimés lors des vacances scolaires et des grands événements sportifs.
Dans ce cas, on ne peut dire que l’offre ait été réellement améliorée – et nous sommes encore à des années-lumière de ce qui se fait en Europe, notamment au Royaume-Uni, en Espagne ou en Allemagne. Les programmes régionaux et en langues régionales sont indigents, ce qui suscité un fort ressentiment dans la population.
Stéphane Travert proposait deux solutions afin d’améliorer le rôle de proximité de France 3 : soit revoir la place des programmes régionaux au sein de la grille de France 3, soit créer de véritables chaînes régionales de plein exercice.
La première option a sa préférence. Elle consiste à inverser la logique pour faire de France 3 une chaîne régionale avec des décrochages nationaux et non plus une chaîne nationale avec des décrochages régionaux. Cette option est partagée par une grande majorité des salariés de France 3, hors Île-de-France. Le 18 décembre 2012, ils avaient d’ailleurs observé une journée de grève, très suivie, dont le mot d’ordre était précisément l’inversion du modèle de la chaîne. Cette option, déclinable sur l’ensemble du territoire national, constituerait évidemment une évolution positive que nous soutiendrions mais je dois vous avouer que, dans certains cas, l’option qui a ma préférence est bien celle de véritables chaînes régionales de plein exercice.
Stéphane Travert jugeait ainsi intéressante l’expérience de ViaStella, chaîne régionale de service public de plein exercice en Corse, mais il écartait l’extension de ce modèle à toutes les régions car, si le bilan en est globalement positif, il s’agit d’un modèle répondant à un objectif politique et culturel et qui est adapté à une population à la forte identité culturelle. J’observe que la demande exprimée en Bretagne par les salariés et les délégués de France 3 Bretagne, par les représentants politiques et par la société civile répond en tous points aux critères posés par notre collègue, – j’y reviendrai lors de la question que je poserai tout à l’heure à Mme la ministre.
Le rapport d’Anne Brucy, quant à lui, indique que, dans les territoires pertinents, le réseau public pourra lancer des expériences d’offres de complément diffusées sur des canaux dédiés. Pourtant, force est de constater que l’on ne voit rien venir : ni inversion de la logique de France 3, ni chaîne publique régionale de plein exercice, même là où la demande est forte. Le groupe semble d’ailleurs hésiter entre l’approche nationale et une approche plus décentralisée, comme le montre le tout récent rapport Schwartz. Rémy Pflimlin avait aussi proposé au Gouvernement une régionalisation des antennes mais le projet, jugé trop coûteux, avait été refusé par la ministre de l’époque.
Concernant les coûts, des marges de productivité importantes existent. L’exemple de Via Stella est, de ce point de vue, très instructif : le projet a suscité l’adhésion et fortement mobilisé les équipes, dont la productivité est aujourd’hui la plus élevée du groupe. L’ensemble des observateurs le constatent : les antennes régionales pourraient produire beaucoup plus à moyens constants. D’ailleurs, les délégués régionaux et les syndicats qui nous interpellent très régulièrement assurent qu’il est particulièrement difficile aujourd’hui d’obtenir une prise d’antenne événementielle, ce qui entraîne frustration et découragement des équipes.
Nous constatons également que la fermeture temporaire d’éditions locales devient une façon de réguler l’activité. En effet, les éditions locales jouent de facto un rôle de variable d’ajustement en fonction de l’évolution des ressources du groupe. Les équipes ont le sentiment que les arbitrages sont systématiquement rendus au détriment de l’offre de proximité.
Le rapport remis par le sociologue Henri Vacquin à la demande de France Télévisions met l’accent sur le climat social dégradé et les risques psycho-sociaux au sein de l’entreprise publique. Les salariés de France 3 expriment souvent leur désarroi et leur sentiment d’être quasiment déclassés.
Au regard de tous ces éléments et à la suite des conclusions de la mission confiée à Mme Brucy ainsi que du rapport de notre collègue Stéphane Travert, la réforme de France 3 devra faire l’objet d’un engagement résolu du président de France Télévisions et être inscrite au cœur du prochain mandat par le ministère de tutelle. Dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour 2015-2020, nous espérons qu’enfin le Gouvernement effectuera un choix clair afin de développer une vraie politique audiovisuelle en région. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)