Discours sur l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’UE
Le mercredi 24 juin, je suis intervenu dans l’hémicycle sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’UE. Il s’agit de mettre en conformité notre droit sur celui de l’union européenne concernant de très nombreux points.
Compte-rendu écrit de mon intervention
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au départ, ce texte est un texte d’adaptation au droit européen. Il vise en effet à transposer plusieurs directives sur la reconnaissance mutuelle entre les pays européens concernant des mesures de justice.
La première directive porte sur l’échange d’information entre pays européens pour savoir quel est le pays responsable. La deuxième vise à permettre d’exécuter une alternative à la détention provisoire dans un autre pays. La troisième a pour objectif de permettre l’exécution d’une alternative à la prison dans un pays tiers.
Ces directives permettront ainsi à un Français d’être sous bracelet électronique sur notre territoire, alors qu’il a été condamné dans un autre pays.
Au Sénat, en commission des lois, ont également été introduites diverses dispositions pour corriger des erreurs dans notre droit. Ainsi, l’article 5 bis modifie les règles de garde à vue pour l’escroquerie en bande organisée et le travail dissimulé, suite à une censure du Conseil constitutionnel.
D’autres améliorations concernent la gestion des scellés, les délais d’examen des appels et pourvois en cassation et le fait que la chambre de l’instruction devra mentionner les éléments à charge et à décharge lors de la mise en accusation.
La correction de ces erreurs, si elle est indispensable, doit nous interroger sur la rapidité avec laquelle nous légiférons. Il semble illusoire de faire la loi à la fois vite et bien, d’accumuler des normes tout en voulant un droit plus simple.
Nous nous félicitons de l’adoption au Sénat de l’article 4 bis, lui aussi fruit de la transposition d’une directive européenne, et qui permettra une meilleure reconnaissance de la protection des victimes. De même, l’article 4 ter transpose une directive sur le droit des victimes, ce qu’il faut ici saluer, même si, les nouveaux droits accordés sont limités, la France étant souvent en avance sur la majorité des pays européens dans le domaine.
Ce n’est pas toujours le cas, mais il semble que nous rattrapions certains retards, n’est-ce pas, monsieur le président de la commission des lois ? Nous pourrions même nous mettre aux standards européens pour ce qui concerne les langues régionales, pardonnez-moi cet aparté. (Sourires.)
Il faut se féliciter de l’action du Gouvernement qui, depuis 2012, a une action volontariste en faveur des victimes. En témoigne par exemple la centaine de bureaux d’aide ouverts aux victimes. En témoigne également l’augmentation régulière du budget de l’aide aux victimes depuis trois ans, alors qu’il avait souffert une baisse de 7,2 % entre 2009 et 2012. La réforme pénale de 2014 a également permis une reconnaissance de la justice restaurative, qui permet une meilleure satisfaction des victimes. De son côté, notre commission a adopté une suramende pour garantir le financement des associations d’aide aux victimes.
Dans la continuité de cette politique, je présenterai des amendements pour étendre encore le droit des victimes. Les amendements nos 23 et 24 visent ainsi à permettre la domiciliation d’une personne déposant plainte chez son avocat, un tiers ou une association. On sait en effet que certaines personnes hésitent à déposer plainte de peur de révéler leur adresse à la personne mise en cause. Des dispositifs existaient, mais ne couvraient pas toutes les situations. Nous répondons ainsi à une revendication légitime.
Nous regrettons toutefois que le président de la commission des finances ait jugé irrecevable l’amendement permettant à une victime, dans le cas où le condamné demeurerait introuvable, de saisir le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.
D’autres dispositions visent, dans le droit fil de la réforme pénale, à favoriser l’aménagement des peines. Nous ne pouvons à cet égard que saluer l’action du rapporteur pour lever les verrous absurdes qui limitaient un tel aménagement.
Ainsi l’article 5 ter améliore la contrainte pénale sur un détail procédural. Nous présenterons deux autres amendements visant à favoriser le prononcé de cette nouvelle peine.
L’amendement no 28 vise prévoit que la contrainte pénale soit exécutoire au moment de sa notification, afin d’éviter qu’elle ne le soit à un moment où le condamné n’est pas informé et n’est pas en mesure de se soumettre aux obligations. Nous souhaiterions également que la durée d’exécution de la contrainte pénale soit suspendue pendant la durée d’incarcération du condamné, comme c’est le cas pour la peine de travail d’intérêt général ou les sursis avec mise à l’épreuve.
Sur la question des aménagements, nous aimerions que soit levée l’interdiction de prononcer, selon les cas, un second ou un troisième sursis de mise à l’épreuve. Il s’agit de conforter le rôle du juge et de garantir l’individualisation des peines en supprimant ce caractère automatique.
Enfin, j’évoquerai la question de l’amendement du rapporteur qui, en fin de texte, vient corriger les lois de financement public des partis politiques. Dans les lois sur la transparence, plusieurs dispositions sur les dons aux partis politiques ont été réécrites : plafonnement des dons par individu, publicité des rattachements, interdiction des rattachements de complaisance, interdiction d’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat pour financer des campagnes électorales, publicité de la réserve parlementaire ont constitué autant d’avancées en matière de contrôle et la transparence des financements des partis.
Toutefois, suite à une mauvaise réécriture de l’article 11-5 de la loi de 1988, le financement illégal des partis n’est plus pénalisé. J’ai déjà souligné combien les conditions d’élaboration de la loi rendent de telles erreurs inévitables.
Cette erreur regrettable a permis au Front national d’échapper à une mise en examen pour financement illégal, malgré des moyens de financement qui relèvent davantage de l’escroquerie en bande organisée que du financement de la vie démocratique.
Ainsi Jeanne, le microparti de Marine Le Pen, est-il plus riche que le Front national. Ce micro-parti a imposé aux candidats FN-Rassemblement bleu Marine d’emprunter de l’argent à des taux prohibitifs, tout en leur fournissant des prestations parfois fantaisistes via une société amie, Riwal. Aux dernières municipales à Lille, le candidat FN a acheté deux sites Internet, l’un à un prestataire du Nord pour 8 250 euros, l’autre à Jeanne pour 9 000 euros, dont personne n’a trouvé la trace, en dépit des sommes conséquentes dépenser. J’espère que la justice pourra résoudre ce mystère.
Cette affaire, tout comme l’affaire Bygmalion, a révélé des failles importantes dans notre droit, qui vont bien au-delà du simple bug législatif que nous devons bien sûr corriger. Le secret professionnel des commissaires aux comptes ne doit ainsi pas pouvoir être opposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Les commissaires devraient également être soumis, au bout d’un certain nombre d’années, à une rotation obligatoire.
La transparence pourrait également être renforcée : les instances dirigeantes des partis, les flux financiers entre partis ou listes des principaux prestataires devraient ainsi être publiés dans un rapport annuel. La répartition du financement public des partis et les règles des dépenses électorales devraient enfin être revues.
J’espère que nous aurons prochainement à légiférer sur le sujet. Dans cette attente, je présenterai un amendement afin que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques puisse procéder à des contrôles sur place, comme peuvent le faire d’autres autorités administratives indépendantes.
Le Gouvernement nous proposera des amendements visant à protéger les enfants en améliorant la transmission des informations susceptibles d’empêcher les prédateurs sexuels de nuire. Les récentes affaires que vous avez fort bien décrites, madame la ministre, nous obligent en effet à agir. L’éducation nationale est, certes, en première ligne, mais il semble primordial d’étendre ces mesures aux associations et institutions où des adultes ont en charge des enfants.
Récemment, dans ma circonscription, un président d’association a été condamné pour défaut d’information, un des animateurs bénévoles s’étant révélé être un pédophile. Le président de l’association n’avait pas pu le vérifier, mais le juge a estimé qu’il en avait les moyens, puisqu’il l’a condamné.
Nous devons donc proposer des procédures susceptibles, bien sûr, de protéger les enfants, mais également les présidents d’association, lesquels ne sont pas toujours en mesure de vérifier certaines allégations. Comment faire ? Pour l’heure, je n’ai pas de réponse. Mais il est indéniable qu’il y a une faille dans le système, et qu’il en résulte, outre de la détresse pour les familles, une lourde charge sur les épaules des dirigeants d’association.
Nous devons donc étendre au monde associatif le dispositif prévu pour l’éducation nationale, afin que les personnels en cause soient écartés des fonctions qu’ils exercent au sein des associations.
Parce que l’ensemble des dispositions de ce texte permet d’améliorer le fonctionnement de notre justice et de rendre service à nos concitoyens, le groupe écologiste le soutiendra et votera en sa faveur.