Le Livret de famille bilingue
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question n° 6825 adressée au ministre de l’Intérieur
Question publiée au JO le : 16/10/2012
Réponse publiée au JO le : 05/03/2013
Texte de la question
M. Paul Molac attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la question des livrets de famille bilingue français-breton délivrés par plusieurs mairies de Bretagne. Le ministère des affaires étrangères a récemment refusé de procéder à la mise à jour d’un livret de famille au motif qu’il était pré-imprimé en langues française et bretonne. Il a soutenu, en outre, qu’en application de la loi n° 118 du 2 thermidor An II (20 juillet 1794) et de l’article 2, alinéa 1er, de la Constitution issu de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 26 juin 1992, seule la langue française devait être utilisée dans les actes publics. Or la loi du 2 thermidor An II a été suspendue le 2 septembre 1794, après la chute et l’exécution de Robespierre. Par ailleurs, concernant l’article 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 15 juin 1999 concernant la charte européenne des langues régionales ou minoritaires que l’obligation du français dans les documents officiels « n’interdit pas l’utilisation de traductions ». De la même manière, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française dispose, en son article 21, que « les dispositions de la présente loi s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage ». En attendant la ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires promise par le Président de la République et le vote d’une loi qui sécurise juridiquement l’usage des langues régionales, il le sollicite afin de connaître les mesures qu’il envisage de prendre pour faire cesser les procédés visant à limiter ou à empêcher l’usage des langues régionales.
Texte de la réponse
Dans l’attente de la ratification de la Charte européenne proposée en février 2013 par le Gouvernement des langues régionales ou minoritaires, qui nécessiterait la révision de la Constitution, le refus opposé par l’administration de procéder à la mise à jour des livrets de famille bilingues français-breton repose sur le principe affirmé dans le droit français d’unicité de la langue officielle. La loi du 2 Thermidor an II, qui disposait déjà en son article 1er que « nul acte publié ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française », a en effet été remise en vigueur par l’arrêté consulaire du 24 Prairial an XI, au terme duquel l’emploi de la langue française est obligatoire, même dans les régions où l’usage de dresser les actes publics dans la langue locale se serait maintenu. Le principe selon lequel « la langue de la République est le français », est inscrit à l’article 2 de notre constitution depuis la loi n° 92-554 du 25 juin 1992. Ce princippe ne saurait toutefois remettre en cause la liberté de tout citoyen de « parler, écrire et imprimer librement » garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni occulter l’apport culturel indéniable, consacré à l’article 75-1 de la Constitution, que constituent les langues régionales. Il résulte de la conciliation de ces principes, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision N° 99-412 du 15 juin 1999 relative à la Charte européenne des langues minoritaires, que « l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage, que l’article 2 de la Constitution n’interdit pas l’utilisation de traductions » (cons. 8), lesquelles s’entendent exclusivement des traductions autonomes de textes français, dépourvues de valeur officielle, telles que celles prévues par l’article 10 de la charte pour les textes officiels des collectivités locales, et par son article 9, paragraphe 3, pour les textes législatifs nationaux afin de faciliter l’accès à la justice. La Constitution instaure ainsi actuellement un équilibre, distinguant les personnes publiques et services publics qui doivent employer le français, des particuliers qui ont, entre eux, le libre choix des termes. Les livrets de famille étant constitués d’actes de l’état civil, qui sont des documents publics, doivent être rédigés en français en l’état actuel du droit. A l’inverse, il ne saurait en conséquence être reconnu de caractère officiel à des documents non rédigés en français, même partiellement. Enfin, ces documents doivent respecter l’arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle du livret de famille, lequel est identique sur l’ensemble du territoire national, quant à son nombre de pages, son contenu et sa présentation exacte. Aucune règle ne s’oppose toutefois à la délivrance par les mairies, en sus du livret de famille officiel, d’une traduction bretonne de celui-ci, dépourvue d’effet juridique, pour autant qu’elle ait lieu à la demande des intéressés et que sa charge ne soit pas supportée par l’État.