Ludovic Le Priellec : l’approche animale comme voie vers une vie plus simple
L’association Kerant’ânes est née de la passion commune d’un couple : Ludovic et Christèle Le Priellec. Elle s’est ensuite construite autour d’une évidence. La passion, ce sont les ânes. L’évidence est que le contact avec les animaux modifie les comportements en levant de nombreuses barrières.
Des ânes, oui, mais actifs !
Ludovic Le Priellec a créé Kerant’ânes avec Christèle, son épouse. Tout est arrivé un peu par hasard, pour s’enchaîner avec simplicité et justesse. « Nous avons découvert le contact avec les ânes lors d’un voyage dans les Vosges. Dès notre retour, nous nous sommes engagés dans une association à Saint-Nolff. Très vite, nous avons eu notre ânesse », se souvient Ludovic.
Tous les deux s’engagent assidûment dans l’association pendant 5 ans. Suivra l’adoption d’un deuxième âne. « Nous avions à cœur de faire une activité avec les animaux. Nous ne voulions pas juste avoir des ânes à pâturer dans un pré. » La première étape de la création de Kérant’ânes – du nom du lieu-dit où ils vivaient alors, Kérantal en Questembert – est de rendre les équidés actifs.
Mis en relation avec le foyer de vie Marie-Ballavene de Questembert, établissement accueillant des personnes adultes en situation de handicap, il commence avec des échanges autour de services, comme le ramassage des détritus avec les ânes harnachés de paniers dans les rues de la ville. Il semble que le souvenir soit impérissable, car c’est une photo avec un âne qui orne la page d’accueil de leur site.
Changement de vie, changement de rythme
« La suite logique des choses, pour développer notre projet, était de trouver du terrain. Nous sommes tombés sur Malansac, au lieu-dit Le Cota, où nous voilà désormais installés. » Ludovic, Christèle et leur fille y vivent avec quatre ânes, deux chevaux, un poney shetland, des moutons, des chèvres, des poules, des lapins, des cochons d’Inde, des chats et un chien. L’idée de Kérant’ânes s’oriente de plus en plus vers la ferme pédagogique.
Quand il se retrouve au chômage en mars dernier, Ludovic saisit sa chance de changer de vie. « J’étais à l’aube de mes 40 ans et je ne m’épanouissais pas dans ce que je faisais. Le travail de bureau, ça n’était plus pour moi. Il était évident que, pour que le lieu vive, un investissement personnel était nécessaire. »
Dès l’été, les activités de Kérant’ânes se sont multipliées : avec un public traditionnel, mais aussi et surtout avec des personnes en situation de handicap, « qui sont pour moi celles qui en ont le plus besoin ». La variété des animaux, du plus petit rongeur à l’imposant cheval de trait, permet à chacun de créer un contact à l’échelle qui lui convient : le visiteur est libre de privilégier la caresse à un lapin ou d’aller frotter les naseaux des équidés à grandes oreilles, tant que l’animal en face est d’accord !
Côté public traditionnel, l’activité est en plein développement : Ludovic propose l’initiation à la balade avec les ânes, sur un ou plusieurs jours. « On reste présents avec les gens et on les accompagne en balade. On a une chance inouïe : on est juste à côté du GR38. Les chemins sont beaux, mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y en a de plus beaux encore à découvrir, et c’est sur ceux-là que l’on guide nos visiteurs. »
Ludovic aime son lieu de vie et ne manque pas de vanter les panoramas somptueux, les reliefs surprenants ou la proximité du désormais célèbre plus beau village de France : Rochefort-en-Terre.
Une relation différente à l’animal
Chez Kérant’ânes, le respect est une valeur clé. Il commence par celui des animaux. « L’approche animale est le vecteur sur lequel nous voulons travailler, souligne Ludovic. Nous sommes dans une relation différente. » Ici, on ne monte pas sur les ânes, même quand on est enfant, mais on apprend qu’une autre interaction peut exister : pansage, brossage, câlins… Se balader aux côtés de l’animal, prendre le temps de le regarder évoluer. Découvrir son caractère : « Aquarelle est vive et un peu fofolle. Emilio a tendance à venir tout de suite faire connaissance, alors que Petit Jo est plus craintif. Ils sont comme les humains : chacun a son tempérament ! »
Parmi les déclics pour créer une relation différente, il cite sa fille, Flavie, qui s’est initiée à l’équitation éthologique. « Elle monte sans mors. Il y a une réelle fusion entre elle et sa jument, c’est impressionnant. Pourquoi devrait-on contraindre les animaux à faire ce que l’on veut alors qu’il existe d’autres manières de faire ? »
Lâcher prise, faire confiance à l’animal qui a tant à nous apprendre… « L’âne a un vrai instinct pour s’adapter à la personne en face de lui. »
Pour ce dernier, le handicap n’est pas une barrière. Ludovic se souvient avoir été ébahi du comportement de l’une de ses ânesses, très vive habituellement, en maison de retraite : « Elle était au milieu des fauteuils roulants et elle ne bougeait plus. Les animaux ont une vraie capacité à s’adapter aux personnes et comportements. »
Retour aux sources
La simplicité est au cœur de la nouvelle vie de Ludovic qui, à travers son activité, renoue avec ce qui a du sens pour lui et avec les valeurs qui lui sont chères. Il prône volontiers le retour aux circuits courts et une autre manière de consommer : davantage de fait-maison, des moments d’échanges, des lieux pour créer du lien. « J’ai envie de faire les choses, d’être acteur d’un changement de point de vue. »
Il a pour modèle Pierre Rabhi ou Daniel Testard, le boulanger de Quily. Tous les deux font partie des personnes qui ont suscité le déclic chez lui. Il se dirige vers l’autosuffisance, apprend à fabriquer son propre pain pour revoir fonctionner le vieux four présent sur le terrain, jardine selon les techniques de permaculture…
Il avance en ayant confiance en un avenir qui renoue avec ses racines, aime sa terre et tisse du lien. « Il y a une autre façon de faire et de voir le monde, et j’ai envie d’être acteur de ce changement. Auprès de ceux qui en ont envie bien sûr », précise-t-il, car qu’il s’agisse des hommes ou des animaux, il a à cœur de toujours se situer dans le respect de l’autre.