Peillac. Chez Angèle, lieu de vie aux mille et une histoires

« Chez Angèle » est aujourd’hui ce que l’on appelle un tiers-lieu. Au cœur de Peillac, cet ancien hôtel-restaurant est un espace aux multiples vies. On vient y boire un verre, assister à un concert, prendre un cours de tango, apprendre le tricot ou travailler dans un bureau partagé. Il est des lieux qui portent une telle histoire qu’on aurait envie de les laisser parler. Et pourquoi pas, après tout ?

D’Antoine à Angèle, un lieu qui toujours été multiple…

Tout a commencé à la fin des années 40, 1948 ou 49, je ne suis plus bien sûr. Un couple me choisit. Angèle et Antoine. Lui prend un local voisin où il installe son atelier de forgeron. Il s’occupe des chevaux et des charrettes. Elle, elle me donne vie, avec une énergie débordante. Au café, c’est elle. À la cuisine, c’est elle. À l’accueil de la pension de famille, c’est elle aussi. Dans mes murs, avec elle qui veille sur tout, les gens se sentent bien. C’est une époque où je reçois, pendant plusieurs semaines, des visiteurs mordus de pêche qui viennent depuis Paris jusqu’à Peillac, réputé par les amateurs comme un petit coin de paradis. Angèle était de ces femmes remarquables ! Elle a été conseillère municipale en 1953, a peint de superbes toiles, a monté une troupe de théâtre féminine (ce qui a sans doute fait grincer les dents du curé avec sa troupe de garçons), a coiffé de ses élégants chapeaux les femmes du pays… Angèle est une vraie personnalité ! Elle et moi, nous ne faisons qu’un, mais cela n’empêche pas qu’à cette époque, je ne porte pas son nom. Non, on dit : « Chez Antoine ». Angèle s’en accommode, car ce n’est un secret pour personne que quiconque vient chez moi est ici… chez elle. C’est après 2020, 70 ans plus tard et bien après qu’elle nous a quittés, qu’on me renomme en lui rendant hommage (« femmage », serais-je tenté de dire).

D’Antoine à Anthony, plus qu’une histoire de famille

C’est entre autres grâce au petit-fils de ma chère Angèle, Anthony, que je renoue avec mon nom et mon histoire aujourd’hui. Anthony, c’est Anthony Sérazin, Peillacois pure souche. Angèle ne l’a pas connu, mais moi je le sais, il aurait fait sa fierté. Anthony connaît bien le lieu, puisque ses parents l’ont aussi tenu. Il est au moins aussi actif que sa grand-mère puisqu’il met un pied dans la vie associative dès ses 13 ans. Il ne la quittera plus jamais. Son métier, il le choisit dans la culture, avec cette idée de tisser des liens. Il aime son territoire et il décide de construire, là, à Peillac, une vie et un art qui lui ressemblent. Il travaille comme animateur, à la radio, puis décide de monter sa compagnie, Orange givrée. En quittant son emploi pour s’y consacrer pleinement, il oublie un « détail » : il va passer plus de temps seul dans un bureau. Très vite, il réalise qu’il tourne en rond. Pendant ce temps, moi, j’ai plusieurs locataires : 4 couples ! Je vis, je me réinvente. Anthony, lui, cherche un lieu multiple où créer un nouveau projet. Ils sont plusieurs. Les espaces de travail partagés ont le vent en poupe et c’est une idée qui le séduit. Moi aussi. En 2020, quand le covid-19 met un coup d’arrêt au pays, je dois fermer mes portes. Ceux qui me faisaient exister décident, le cœur lourd, de voguer vers d’autres horizons. Alors que je pensais que je n’intéressais plus personne, Anthony et le collectif dont il fait partie me regardent d’un œil nouveau. Il leur ouvre mes portes et l’évidence s’impose : je suis le lieu qu’ils cherchaient.

Ma nouvelle vie, 70 ans après

Après quelques travaux et de superbes élans de solidarité — jamais je n’aurais imaginé être tant aimé ! —, je passe du rêve d’un petit groupe bien soudé à une réjouissante réalité. Je reprends vie. C’est là qu’on me renomme. Les femmes du collectif savent s’affirmer, et les hommes savent les écouter : « Chez Antoine » devient « Chez Angèle », et l’église est remise au milieu du village. J’accueille des bureaux individuels ou partagés et je découvre de nombreux métiers. J’abrite les talents de couturières, d’un paysagiste, d’une développeuse web, d’un acteur (mon cher Anthony)… Mes anciennes chambres sont devenues ce qu’ils appellent le FAR, pour « Fauteuil à ressorts ». D’ailleurs, ceux et celles qui s’occupent du lieu ne manquent pas de créativité pour orchestrer un vivre ensemble de toute beauté. Quand je repense à cette période où le prénom d’Angèle était effacé, je me réjouis, aujourd’hui, de voir la gent féminine prendre aussi bien sa place : à la collégiale (d’autres diraient la direction), dans les cercles, dans les animations, mais aussi à travers l’écriture inclusive qui émaille les murs et le langage. Sans oublier toutes ces petites attentions au bien-être et au respect de chacune et de chacun. Ici on parle de bienveillance, de consentement, d’écoute, de respect des idées… Si bien que je continue de m’épanouir et d’insuffler, à celles et ceux qui sont entre mes murs — ou qui auront envie de me rejoindre, car il y a encore de la place ! —, de nouvelles envies de partage, de création… qui irriguent tout Peillac et ses environs.

Chez Angèle continue, après près de 70 ans, à faire de Peillac une commune rurale attractive, où il fait bon vivre. Le lieu offre toute l’année un impressionnant panel d’activités et, aux beaux jours, une belle programmation musicale et culturelle. C’est un lieu aussi audacieux qu’inspirant qui contribue, avec générosité et engagement, au bien vivre ensemble.

https://chezangele.bzh/

 

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