Question orale sur la situation du Crédit Mutuel Arkéa
Le 17 avril j’ai posé une question orale sans débat au Gouvernement concernant la situation du Crédit Mutuel Arkéa, banque d’un breton sur deux, et qui est depuis quelques années en recherche d’une solution pour maintenir son autonomie de décisions et son pouvoir d’actions sur le territoire breton. Ci-dessous, le compte-rendu écrit de ma question et de la réponse du Gouvernement.
M. Paul Molac. Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, je souhaite vous interroger sur le conflit opposant le Crédit mutuel Arkéa au Crédit mutuel 11-CIC.
Ce conflit s’est aggravé, menant le premier à lancer auprès de ses caisses locales une consultation sur le principe d’une indépendance face à la volonté centralisatrice de la branche majoritaire de la Confédération nationale du Crédit Mutuel.
Regroupant les fédérations de Bretagne, du Sud-ouest et du Massif central, le groupe Arkéa, dans une logique de long terme, investit pleinement dans l’économie régionale. Avec 10 000 emplois basés en région et une prise de décision locale – le siège étant situé au Relecq-Kerhuon, près de Brest, dans le Finistère –, Arkéa s’est hissé, au niveau national, au septième rang en matière de produit net bancaire. Arkéa dispose en outre, au sein de la place bancaire française, d’une solidité financière du plus haut niveau ainsi que d’une capacité d’autofinancement évaluée à 93 %. Par ailleurs, elle se situe, au niveau européen, dans le premier quart des 120 banques supervisées par la Banque centrale européenne. Elle affiche en outre, au niveau régional, le premier résultat privé de Bretagne en 2018.
Les résultats du groupe Arkéa prouvent qu’il est possible de réussir en se focalisant sur l’économie réelle, ce qui est contradiction avec le modèle visé par le Crédit mutuel 11-CIC : celui de banque universelle présente sur tous les continents et dans tous les métiers, y compris la banque de financement et d’investissement.
La centralisation, ou plutôt la rationalisation initiée par le Conseil national du crédit mutuel depuis l’automne 2015, fait craindre une disparition en région des services centraux, filiales, caisses, agences et centres d’affaires. Le risque sur l’emploi d’une telle évolution est estimé au minimum à 4 500 emplois, directs et indirects.
En parfaite conformité avec ses statuts et dans l’esprit d’une gouvernance coopérative et mutualiste, Arkéa a lancé un processus de consultation de ses caisses locales sur l’indépendance du groupe. Les résultats définitifs ne seront officialisés qu’à partir de demain. Tous les éléments disponibles à ce stade indiquent toutefois que le vote sera un véritable plébiscite en faveur de l’indépendance du groupe Arkéa et de ses caisses locales.
Comment le Gouvernement compte-t-il reconnaître le résultat de cette consultation et la volonté politique qui aura été ainsi clairement exprimée par les caisses locales du groupe Arkéa ? De même, comment compte-t-il assurer le maintien d’Arkéa en tant que banque coopérative et mutualiste ?
M. le président. Permettez-moi, mon cher collègue, de m’associer à cette question. Peut-être que d’autres, dans cette enceinte, le feront également.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le député, je voudrais tout d’abord rappeler à la représentation nationale que les pouvoirs publics ont toujours cherché à favoriser une sortie par le haut de la situation actuelle du Crédit Mutuel, c’est-à-dire une solution qui ne fragilise ni le groupe ni le secteur mutualiste dans son ensemble, et qui respecte les identités de chacun des sous-groupes.
C’était l’objectif de la mission de médiation confiée à Christian Noyer par la directrice générale du Trésor et le gouverneur de la Banque de France. Le Gouvernement partage les conclusions de cette mission, tant en ce qui concerne le caractère préférable du maintien de l’unité qu’en ce qui concerne les voies éventuelles d’une séparation, si celle-ci devait s’avérer inévitable.
En tout état de cause, alors que les dirigeants de Crédit mutuel Arkéa ont lancé fin mars une consultation des conseils d’administration de leurs caisses locales afin d’obtenir un vote d’orientation sur le principe d’une séparation avec le reste du groupe Crédit mutuel, le Gouvernement souhaite être ferme sur deux points.
En premier lieu, ce différend, de nature interne au groupe Crédit mutuel, relève de ses différentes composantes. Les perspectives de séparation que Crédit mutuel Arkéa pourrait présenter ne peuvent reposer sur l’hypothèse d’une modification du cadre législatif des banques mutualistes. Le Gouvernement exclut en effet de modifier celui-ci. Non seulement une telle modification reviendrait pour le Gouvernement à prendre parti dans un conflit interne à un groupe, mais, surtout, elle serait susceptible, dans l’esprit notamment du régulateur européen, d’aboutir à une fragilisation du modèle mutualiste dans son ensemble. Il en résulte qu’après une éventuelle décision de séparation d’avec le groupe Crédit mutuel, Crédit mutuel Arkéa perdrait son statut d’établissement bancaire mutualiste et ne pourrait pas solliciter un nouvel agrément de même nature.
Le Gouvernement est également ferme sur un autre point : le nouvel établissement à constituer pourrait choisir, sous certaines conditions, de rester dans le secteur coopératif, avec les caractéristiques qui s’y attachent en termes de gouvernance et d’appartenance au monde de l’économie sociale et solidaire.
Il est primordial qu’un éventuel vote sur la séparation soit précédé d’une information complète et précise des sociétaires sur le scénario de séparation envisagé, comme sur ses implications juridiques, prudentielles, financières et commerciales. Il en va de la sincérité et de la crédibilité de la consultation des sociétaires sur un choix stratégique dont les conséquences – en termes de risques, de structure, de stratégie, voire même de viabilité de l’ensemble Crédit mutuel Arkéa – sont potentiellement très importantes pour les sociétaires, les salariés et les clients, si la voie de la séparation devait finir par s’imposer.
Le Gouvernement n’a pas connaissance à ce jour d’un tel scénario, qu’il appartient aux dirigeants de Crédit mutuel Arkéa de définir. Comme la presse s’en est fait l’écho, les autorités de supervision française et européenne, qui ont pourtant pris connaissance du dossier soumis aux sociétaires à l’occasion de la consultation sur laquelle vous m’interrogez, n’en ont pas non plus connaissance. Elles n’ont donc pu, a fortiori, se prononcer sur les risques qui résulteraient de la sécession d’Arkéa, et ne pourront le faire que lorsqu’un tel scénario leur aura été formellement présenté. En tout cas, ces autorités seront appelées à se prononcer sur ce dossier, dans la mesure où ce sont elles qui, si la séparation devait se concrétiser, donneront ou non l’agrément à la nouvelle entité.
En résumé, les pouvoirs publics souhaitent avant tout que soit garantie la protection des déposants, des clients du groupe Crédit mutuel et de l’ensemble des banques mutualistes. Afin d’y parvenir, au-delà du cas particulier d’Arkéa, il est essentiel à nos yeux d’assurer la stabilité du cadre législatif des groupes mutualistes français.
Dans ce cadre et sous ces réserves, le Gouvernement appelle les dirigeants du groupe Crédit mutuel à faire preuve de la plus grande diligence ainsi que d’une complète transparence à l’égard des sociétaires comme des clients du Crédit Mutuel Arkéa si ceux-ci devaient être sollicités pour décider d’une séparation définitive d’avec le groupe Crédit Mutuel. En tout état de cause, une telle opération devrait se dérouler en toute transparence.
M. le président. La parole est très brièvement à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. J’entends bien, et je comprends aisément, la préoccupation du Gouvernement qui est de protéger les déposants.
Aujourd’hui, la séparation me semble inéluctable. Je note que le Gouvernement se dit ouvert à la possibilité que soit créé un nouvel établissement au sein du secteur coopératif, et cela me paraît une bonne chose. C’est également la volonté des caisses locales que de demeurer au sein du secteur de l’économie sociale et solidaire. Mais je vois mal comment cette séparation pourrait être évitée. Et chacun sait que parfois, mieux vaut une bonne séparation qu’un ménage qui tourne mal !