Question au gouvernement sur l’accord commercial UE-Canada
Le mercredi 8 octobre, j’ai posé une question au Gouvernement sur les craintes que suscite l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada dont les négociations viennent de s’achever le 26 septembre dernier au sommet d’Ottawa.
Compte-rendu de ma question
M. Paul Molac : Monsieur le Premier Ministre, ma question porte sur l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada. J’y associe ma collègue Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de notre Assemblée.
L’hypothèse qui semble retenue à ce jour par la Commission européenne est celle d’un accord non ratifié par les Parlements nationaux. Cet accord fait pourtant peser de nombreuses craintes sur les services publics, la santé, l’environnement et le secteur agricole. En effet, l’accord sur la question des quotas d’importation de viande bovine constitue une véritable menace de déstabilisation des filières d’élevage européennes. De même, s’agissant des OGM, ce projet fait l’objet d’importantes réserves, sachant que le Canada a été le premier pays à les cultiver à grande échelle.
Au-delà de ces questions déjà fort préoccupantes, l’accord avec le Canada inquiète d’autant plus qu’il pourrait laisser présager un éventuel accord avec les États-Unis dans le cadre du TAFTA. Le point crucial de ce texte est bien l’inclusion d’un mécanisme de règlement basé sur la mise en place de tribunaux d’arbitrage privés auxquels les entreprises canadiennes ou les entreprises américaines ayant une filiale au Canada pourraient recourir pour contester les lois ou décisions publiques qui pénaliseraient leurs profits. Cela porterait atteinte au droit des états de réglementer dans l’intérêt général.
De telles clauses dans d’autres accords ont par exemple ouvert la voie à la contestation du salaire minimum en Égypte, de la santé du nucléaire en Allemagne ou des messages sanitaires sur les paquets de cigarettes en Australie, et cela pourrait être le cas en France, par exemple, pour l’interdiction de l’extraction des gaz de schiste.
Cette clause d’arbitrage a soulevé de telles réserves dans le cadre du TAFTA que la
Commission européenne a suspendu les négociations sur ce point.
Est-il légitime de prévoir de telles dispositions dans l’accord avec le Canada ? Et si l’Union européenne accepte ce précédent, pourra-t-elle défendre autre chose lors des négociations avec les États-Unis ?
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement compte-t-il s’opposer à ce mécanisme d’arbitrage entre les États et les investisseurs ? Les Parlements nationaux, dont le nôtre, seront-ils associés à la décision ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger : Monsieur le député, vous posez une question fondamentale concernant les négociations commerciales de notre pays.
Le 26 septembre dernier, le sommet UE-Canada a conclu à la fin des négociations bilatérales, après cinq années de longues et difficiles négociations. Mais pour apprécier cet accord, nous devons le considérer sous différents aspects.
Le premier tient à la nature même de cet accord. Je vous confirme qu’il s’agit d’un accord mixte, ce qui signifie qu’il sera soumis à la discussion par les Gouvernements et le Parlement européen puis à une ratification par les Parlements nationaux des États de l’Union.
Le deuxième est la façon dont nous apprécions sur le fond l’accord ainsi que les différents secteurs ouverts à la négociation. Sur ce point, il s’agit selon nous d’un bon accord. En effet, pour la première fois, le Canada accepte d’ouvrir ses marchés publics au niveau national, provincial et local.
En outre, nous avons obtenu la protection de 42 indications géographiques françaises. Là encore, avec le Canada, c’est une situation totalement inédite.
Reste la question du mécanisme d’arbitrage investisseurs – État. Celui-ci pose de nombreuses questions de fond que vous venez d’indiquer, monsieur le député : accessibilité de la justice, droit des États à édicter des normes et à les faire respecter, indépendance des arbitres.
Ces sujets sont sur la table aujourd’hui. J’aurai l’occasion d’échanger avec la représentation nationale sur ce sujet et d’associer la société civile au sein d’un comité stratégique auquel j’ai décidé de faire participer des associations comme ATAC, et vous aurez le dernier mot !