La place des langues régionales dans la réforme du collège

Alors que la réforme des collèges fait beaucoup parler, une séance était consacrée à des questions à la ministre de l’Éducation nationale le mardi 2 juin. J’en ai profité pour interroger la ministre sur les craintes suscitées par cette réforme concernant l’enseignement des langues régionales.

M. Paul Molac. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les langues et cultures régionales dans le cadre de la rénovation du collège. Les langues régionales sont des langues vivantes, comme les langues étrangères. Elles apportent les mêmes bienfaits sur le développement personnel et les capacités métalinguistiques des élèves. Elles ont l’avantage de préserver la glottodiversité de notre pays.

Je rappelle que, dans la plupart des régions de France, le nombre de locuteurs de ces langues est insuffisant pour pourvoir les emplois disponibles dans des domaines tels que l’enseignement, la culture, les médias ou le secrétariat.

La réforme du collège suscite interrogations et inquiétudes quant à la place des langues régionales. Si elles sont mentionnées dans l’un des huit thèmes d’enseignement pratique interdisciplinaire, ce qui peut apparaître comme un progrès, nous éprouvons cependant des craintes quant à l’enseignement de ces langues en sixième, aussi bien en ce qui concerne les filières bilingues que l’enseignement optionnel. Il est important de prévoir une articulation entre les différents niveaux afin que les élèves puissent construire un parcours cohérent, dans le cadre des enseignements complémentaires, à même de développer leurs compétences linguistiques, qu’ils pourront poursuivre, s’ils le désirent, par exemple à l’université. À titre d’information, certaines régions, comme la Corse et la Bretagne, ont développé l’enseignement optionnel dès le primaire.

L’enseignement bilingue français-langue régionale commence dès la maternelle. Il donne d’excellents résultats, tant sur les plans linguistique et plurilinguistique, que sur celui des apprentissages scolaires. Depuis plus de trente ans, l’éducation nationale s’est attachée progressivement à structurer cet enseignement. Cet effort de longue haleine ne me semble pas reconnu à sa juste valeur dans le projet de réforme.

Il nous semble important de compléter l’article 8 de l’arrêté du 19 mai 2015 afin de sécuriser l’enseignement des langues régionales en faisant une référence explicite à ces langues.

Enfin, pour assurer ces enseignements, quels moyens seront mis à la disposition des académies où existent des langues régionales et sous quelle forme seront répartis ces moyens dans les établissements ? À l’heure actuelle, les heures d’enseignement de langues régionales font l’objet de dotations spécifiques.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, je tiens à vous rassurer : la réforme du collège ne remet absolument pas en question les dispositifs de promotion des langues vivantes régionales que vous avez évoqués, qui ont été mis en place par le décret du 5 septembre 2001 et l’arrêté du 12 avril 2003 et qui ont institué un enseignement bilingue en langue régionale dans les écoles, les collèges et les lycées. Tout cela restera en place dans le cadre de la réforme du collège, y compris ces classes bilingues français-langue régionale dès la sixième.

Non seulement ces dispositifs perdurent, mais nous introduisons, parmi les huit enseignements pratiques interdisciplinaires, un enseignement intitulé « langues et cultures régionales et étrangères », qui aura vocation à donner goût à ces langues régionales, dans les établissements qui le souhaiteront, à un nombre bien plus important d’élèves que ceux qui les étudient aujourd’hui. Cet enseignement pratique interdisciplinaire pourra, de la même façon que l’enseignement relatif aux « langues et cultures de l’Antiquité » – je réponds là à ceux qui s’interrogent sur le latin –, s’accompagner d’un enseignement complémentaire permettant à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin et de bénéficier d’une continuité sur l’ensemble des années de collège, et ainsi d’apprendre de façon progressive. Cela vaut pour le latin et le grec comme pour les langues régionales.

On en a moins parlé dans le débat public, c’est pourquoi j’insiste sur ce point. Vous le savez, l’article 8 de l’arrêté relatif à l’organisation du nouveau collège prévoit par ailleurs que « les élèves qui ont bénéficié de l’enseignement d’une langue vivante étrangère autre que l’anglais à l’école élémentaire peuvent se voir proposer de poursuivre l’apprentissage de cette langue en même temps que l’enseignement de l’anglais dès la classe de sixième. » Sachez que nous ferons évidemment en sorte que cet article s’applique de plein droit aux langues régionales. Nous le préciserons dans la circulaire sur laquelle nous sommes en train de travailler.

Enfin, j’ai évoqué la préparation en cours d’une carte académique des langues, qui sera pilotée au niveau national – ce qui est une vraie nouveauté – pour proposer, sur l’ensemble du territoire, une offre diversifiée de langues. Cette cartographie profitera aussi aux langues régionales, que nous veillerons à développer, notamment par une bonne gestion des ressources humaines permettant de flécher les professeurs susceptibles de les enseigner là où existent des demandes.

Telles sont les mesures qui permettront de promouvoir et soutenir les langues régionales.