Réduction des restitutions aux entreprises avicoles

Lettre au commissaire européen à l’agriculture et au développement rural concernant la réduction drastique des aides à l’export pour les entreprises avicoles.

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À Monsieur Dacian Cioloş Commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural B-1049 Bruxelles Belgique

Lundi 28 janvier 2013

Monsieur le Commissaire,

L’annonce de réduction de moitié des restitutions aux entreprises avicoles exportatrices au Moyen Orient a fait l’effet d’une bombe en Bretagne, région dont je suis député. Aujourd’hui, la France est le premier exportateur européen avec près de 40% des exportations communautaires, très largement assurée par des sociétés bretonnes, Doux et Tilly Sabco. Il s’agit d’ailleurs des seuls industriels européens spécialisés dans l’exportation de poulets congelés vers le Moyen Orient. Ce sont leurs employés et leurs fournisseurs qui sont en première ligne face à une telle décision communautaire.

Certes, la Commission avait annoncé en 2004 que les restitutions pourraient être revues à la baisse, et qu’à terme l’abandon des restitutions serait probablement effectif. Cependant, elle n’avait prévu ni calendrier, ni modalités, ni proposition pour une réorientation de la production dans l’optique d’une telle baisse des restitutions. Elle a donc laissé les professionnels dans l’expectative, sans cadre prévisionnel leur permettant de s’adapter le moment venu.

La décision de réduire de moitié les restitutions est donc brutale, en plus d’être injuste et inopportune. Elle est brutale, car jamais il ne nous a été donné de calendrier précis, et surtout parce que la décision s’applique avec effet immédiat. Elle est injuste, car elle accroitrait encore davantage les distorsions de concurrence entre les entreprises bretonnes et celles des pays européens voisins qui pratiquent un dumping social grâce à l’utilisation en masse de travailleurs communautaires à bas coûts. Enfin, elle est inopportune, car elle intervient en plein contexte de restructuration de notre filière avicole, qui on le sait a besoin de temps pour effectuer sa mue vers un modèle de production plus qualitatif. Pas plus tard que le 14 janvier dernier, je participais avec mes collègues députés et le Ministre délégué à l’Agroalimentaire Guillaume Garot à une conférence avicole régionale visant à moderniser et réorienter la filière.

Monsieur Ciolos, je ne saurai le dire assez fort, l’agroalimentaire est vital pour notre économie et pour nos emplois, il en va de l’avenir du développement rural. Nos emplois dans l’agroalimentaire permettent de garder un tissu humain et social, d’avoir une dynamique démographique qui nous permet d’échapper à la désertification des campagnes.

La filière avicole bretonne a donc besoin de temps pour réaliser les investissements nécessaires à la réorientation en cours de son appareil productif. C’est un soutien de l’Union européenne que nous attendons alors que des sacrifices importants ont été consentis ces derniers mois.

Ces restitutions doivent nous servir à accompagner la modernisation de l’appareil productif et à rechercher de nouveaux marchés. Elles doivent être réorientées dans ce but, mais certainement pas réduites de manière si brutale, sans accompagnement du secteur dans sa mue.

C’est en tant qu’européen convaincu et élu d’une population bretonne ayant fait part de son attachement à l’Union européenne à maintes reprises, que je vous interpelle aujourd’hui de manière solennelle. A ignorer ses travailleurs pour le seul respect des orientations de l’Organisation mondiale du commerce, le rêve européen risque de sombrer dans les crises économiques et perdre tout sens politique.

Si l’objectif d’équité en faveur des producteurs des pays du sud ne bénéficiant pas de subventions publiques peut paraître louable de prime abord, je suis perplexe quant aux résultats sur les prix mondiaux et sur leur situation économique. La place laissée vacante par le retrait européen sera aussitôt prise par les leaders mondiaux comme ce fut le cas en 2006 après l’embargo sur les exportations françaises dans la foulée d’un cas de grippe aviaire.

Toutes ces raisons expliquent pourquoi je ne peux accepter le sacrifice de l’ensemble d’une filière agroalimentaire pourvoyeuse de milliers d’emplois en Bretagne. Ainsi, je vous demande de bien vouloir reconsidérer votre décision de suspension des restitutions et de mobiliser les moyens nécessaires à la disposition de la Commission européenne pour nous accompagner dans la mue de notre filière avicole.

Veuillez recevoir, monsieur le Commissaire, l’expression de ma haute considération.

Paul Molac