Robert Coudray, poète et éveilleur de rêves
« Je veux créer un univers qui soit aussi beau que le paradis que j’aimerais trouver quelque part. »
Robert Coudray aime sa terre, son pays, son village. Le monde rural est son monde : il le vit comme un engagement corps et âme. Il est installé à Lizio, au lieu-dit La Ville-Stéphant, où s’élèvent d’étranges tours. Elles appartiennent à l’Univers du Poète ferrailleur, son univers, un lieu qui fait corps avec son créateur.
Il y a 25 ans…
Le parcours de Robert Coudray est à l’image de ses sculptures : surprenant, imprévisible, hors-normes. « J’ai fait des études de cinéma, j’ai été paysan, crêpier, photographe, carnavalier, cidrier… Ce lieu a été une ferme auberge, une cidrerie, le comptoir d’une coopérative bio… C’est un parcours de vie qui m’a fait aboutir à ce que j’ai construit, explique-t-il. Je suis originaire de Lizio, à 500 m de là. J’ai toujours ressenti le désir de rester au pays, de vivre de ce qu’il y a dans le coin et de le faire vivre. » Pendant un temps, il fabrique du cidre, mais il arrive à une double impasse : l’aspect créatif lui manque et croître l’enthousiasme peu. « Je produisais 120 000 litres de cidre par an. À part grossir, comment pouvais-je évoluer ? » Ce qu’il veut, c’est créer, communiquer, donner du sens, toucher les gens… Une porte se ferme, une autre s’ouvre. C’était il y a 25 ans.
Inventer sa vie pour offrir du bonheur
« Mon souhait, à travers cet Univers du Poète ferrailleur, a été de créer un lieu pour un tourisme qui éveille, qui offre de la beauté, qui fasse rêver, qui donne du bonheur à voir. » Sa volonté de partage et son intention touchent, puisque l’Univers du Poète ferrailleur fête en 2016 ses 25 ans, et compte quelque 25 000 entrées payantes par an.
Aujourd’hui, ils sont quatre permanents sur le lieu, et les projets ne manquent pas. Il y a deux ans, c’était la mise en place du café-librairie, baptisé « Au vent des rêves ». Cette « dynamique de plus » s’inscrit dans d’autres projets, prochainement définis. « L’Univers du Poète ferrailleur n’est qu’un élément dans un ensemble créé dans le respect de l’homme, de la nature et de l’environnement. »
Un écho à sa maison des énergies renouvelables, aux produits bio et locaux servis dans le café et à l’invitation à prendre possession du lieu, juste pour le plaisir d’être là, « autour d’un verre d’eau gratuit », précise Robert en montrant la ligne sur la carte. L’argent n’est pas le moteur. « Il y a beaucoup à inventer, et c’est ce qui nous pousse. Nous souhaitons créer une nouvelle structure où tout le monde se retrouve », et cela aussi bien dans l’idée de convivialité que de quête de sens. « J’ai le sentiment qu’on n’en est qu’à l’adolescence du projet, et que toute la maturité va arriver. » Le lieu s’ouvre à d’autres artistes, à des animations culturelles, à des rencontres, à toujours plus de projets.
Du rebut au rêve
Et les sculptures dans tout ça ? Dans les années 1980-85, alors qu’il était carnavalier à Nantes, Robert Coudray fabriquait de grands chars avec des automates. Plus tard, dans sa cidrerie, il expose quelques pièces réalisées selon son inspiration. « L’Univers du Poète ferrailleur est né comme ça, du plaisir de construire à partir de matériaux que je récupérais dans la décharge locale », se souvient-il. En 25 ans, ce sont 80 à 90 machines articulées, automatisées, aussi poétiques que farfelues, qui ont vu le jour, auxquelles s’ajoute la dizaine de tours à l’architecture biscornue ou enfantine qui donnent l’impression d’être entré dans le monde merveilleux d’un conte. Leur nombre doublera bientôt pour atteindre les 22, symbole sur lequel il laisse planer le mystère.
« Je fais des machines comme un enfant fait des jouets. Si je suis ébahi, le public le sera aussi. »
Tous les éléments de sculpture, d’architecture, les fontaines et les jardins contribuent à créer « un univers qui soit aussi beau que le paradis que j’aimerais trouver quelque part. Mon critère, c’est le beau et le bien-être pour les gens qui visitent le parc. »
Provoquer une prise de conscience
Parmi les éléments à visiter dans le parc de l’Univers du Poète ferrailleur, il y a la maison des énergies renouvelables, créée en 1998, à l’aube d’initiatives aujourd’hui mieux connues du grand public. « Ce qui m’intéresse, c’est de parler de l’avenir du monde, l’environnement faisant partie d’une conscience plus large : conscience de l’être humain, de l’essence de l’homme, de ce qui fait sens. » Ses œuvres et son univers invitent à la réflexion : quelle est la juste place de l’homme dans le monde ?
Parmi les réponses que Robert Coudray propose, celle de faire un métier qui nourrit l’esprit, qui permet d’être dans sa vie, et par-dessus ça, de manière à la fois accessoire et nécessaire, de la gagner.
« Il n’y a pas que le côté ludique dans les sculptures : le personnage du Poète ferrailleur est mis en avant comme quelqu’un qui essaie d’aller au bout de son rêve. Il invite à faire du beau, ce beau qui épanouit. Ce qui donne sens à ma vie, ce n’est pas que de bricoler, c’est d’être à ma place et de permettre plus. » Il souhaite réveiller l’envie chez les visiteurs de créer, de faire de belles choses, de laisser parler leurs passions.
On retrouve ce message dans son film, Je n’demande pas la lune, une pure production bretonne à petit budget qui a été saluée par le public, et que Robert Coudray a accompagnée pas moins de 150 fois dans les salles de cinéma. Si le film a touché, c’est sans doute parce que les gens se sont rendu compte qu’une autre manière de voir la vie était possible : « Sans doute se sont-ils dit : moi aussi j’ai des difficultés, mais aussi je peux rebondir. »
Alors qu’il sort du café pour rejoindre son atelier, un couple de retraités l’aborde : « Monsieur, merci. Merci de nous avoir fait rêver », dit l’homme.
Robert Coudray les remercie à son tour : « Non, vraiment, c’est nous qui vous remercions. Merci pour ce moment d’émerveillement », répond son épouse. Les étoiles qu’ils ont dans les yeux témoignent d’une émotion à fleur de peau.
On ne sort pas indemne d’une rencontre avec le Poète ferrailleur.