VIDEO – Projet de loi Décentralisation (3DS) : une occasion manquée !
Lors de l’examen final du projet de loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale), j’ai pu souligner le manque d’ambition de ce texte qui aurait pu générer un réel acte fort de décentralisation, mais qui s’est restreint à quelques ajustements. Alors que nous attendions de véritables transferts de compétences, et des mesures fortes de différenciation, c’est une réelle déception. J’ai donc décidé de m’abstenir sur ce texte.
Retrouvez ci-dessous le contenu entier de mon intervention du mardi 8 février 2022 :
À l’heure où le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale nous est soumis pour un dernier vote, à la suite de l’accord obtenu en commission mixte paritaire, le groupe Libertés et territoires ne peut cacher sa déception devant ce rendez-vous manqué. À n’en pas douter, notre pays va rester très centralisé. Finalement, la montagne – au vu du nombre d’articles – aura accouché d’une souris ! Car ce projet de loi est, en réalité, source de peu de changements.
Le texte ne comprend pas de transferts majeurs de compétences, ni de mesures fortes en matière de décentralisation. Les rares transferts de compétences prévus concernent les missions dont l’État veut se débarrasser, les plus coûteuses – la gestion des petites lignes de chemin de fer, dont certaines n’ont pas été entretenues depuis des dizaines d’années, ou la propriété de ce qui reste de certaines routes nationales, ou encore la faculté, désormais reconnue aux collectivités, d’investir dans les hôpitaux.
Évidemment, ces transferts de compétences ne s’accompagneront pas des transferts de ressources adéquats. C’est pour le moins inquiétant lorsqu’on sait que de nombreux hôpitaux doivent être reconstruits. Comment allons-nous y arriver ? Je pense tout particulièrement à l’hôpital de Redon : l’assurance maladie nous propose de participer à hauteur de 22 % au financement de la reconstruction du bâtiment et nous devons trouver le reste par nos propres moyens ! Dans ces conditions, tout le monde ira frapper à la porte des collectivités locales – les EPCI, le pays, le département, la région –, ce qui finira, au bout du compte, par nuire à la sécurité sociale elle-même. L’application du projet de loi se traduira, je le crains, par de nouvelles difficultés pour les territoires ruraux, car ce sont eux qui ont le moins d’argent.
Le projet de loi 3DS est en réalité un texte d’ajustement en matière d’action publique à l’échelon local. Quelle déception ! Après les deux crises majeures que nous avons connues durant le quinquennat – le mouvement des gilets jaunes et la pandémie de covid-19 –, tout le monde s’accordait à dire que la lourdeur de l’administration, la concentration des pouvoirs et le manque d’adaptation au niveau local constituaient un frein réel pour l’action publique. En avril 2019, lors du grand débat national organisé à la suite du mouvement des gilets jaunes, le Président de la République lui-même avait appelé de ses voeux « un nouvel acte de décentralisation » afin de « changer le mode d’organisation de la République ». Cette démarche devait, selon lui, « porter sur des politiques de la vie quotidienne, le logement, le transport, la transition écologique, pour garantir des décisions prises au plus près du terrain. » Il ajoutait « qu’une vraie République décentralisée, ce sont des compétences claires que l’on transfère totalement en supprimant les doublons, on transfère clairement les financements et on transfère la responsabilité démocratique qui va avec. » Le groupe Libertés et territoires approuvait évidemment de tels propos.
Malheureusement, ce texte d’une portée on ne peut plus limitée va maintenir la France dans la catégorie des dinosaures institutionnels, dotés d’un centralisme exacerbé, nullement remis en question. Ce projet de loi sur lequel la majorité s’autocongratule ne contient que de simples ajustements. Nous sommes loin des promesses du Président de la République lors du grand débat national !
Comment croire sérieusement que ce que lui demandaient les Français dans ce grand débat était de légiférer sur l’alignement des arbres, sur les compétences des chambres régionales et territoriales des comptes ou sur le régime de la publicité foncière ? En vérité, le Gouvernement préfère laisser le pouvoir à la haute administration plutôt que de le donner aux élus locaux. Les corps préfectoraux sont les grands gagnants de cette évolution législative. Le texte prévoit ainsi de renforcer le rôle du préfet de département dans l’attribution de la DSIL et dans la gouvernance de l’OFB. De même, le préfet de région devient le maître de l’ADEME.
Vous savez pourtant comme moi, madame la ministre, que la déconcentration ne signifie pas forcément la décentralisation. Comme l’indiquait fort justement Odilon Barrot en son temps, à propos de la déconcentration : « C’est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche. » Je ne suis absolument pas convaincu que le renforcement des pouvoirs du préfet entraînera une plus grande efficacité et une meilleure lisibilité de l’action de l’État pour nos concitoyens
Notre groupe avait présenté de nombreux amendements, dont un grand nombre ont été jugés irrecevables.
Nous devrons donc nous contenter d’un texte procédant à de simples ajustements. Si nous regrettons la suppression par la CMP de l’article relatif à l’expérimentation législative en Corse, nous nous félicitons du maintien de plusieurs autres mesures relatives à ce territoire, comme celle qui concerne la composition de la chambre des territoires. De même, la possibilité ouverte aux EPCI à fiscalité propre de déléguer leurs compétences aux départements et aux régions est une mesure bienvenue. Enfin, nous nous félicitons du maintien de la disposition, proposée par notre groupe, visant à interdire aux communes carencées de vendre leurs logements sociaux.
Voter contre ces mesures de bon sens serait bien entendu malvenu, mais voter en leur faveur irait à l’encontre de la raison d’être de notre groupe, qui est de défendre une décentralisation et une autonomie beaucoup plus poussées et conformes au principe de subsidiarité et, au fond, au modèle européen. C’est la raison pour laquelle la majorité des députés du groupe Libertés et territoires s’abstiendront.