Prise en charge des victimes de violences physiques ou sexuelles par les forces de l’ordre

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question écrite n° 7742 à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur la sur la prise en charge des victimes de violences physiques ou sexuelles par les forces de l’ordre.

Question publiée au JO le : 17/04/2018

Texte de la question

M. Paul Molac attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur la prise en charge des victimes de violences physiques ou sexuelles par les forces de l’ordre. La parole des femmes victimes de violences physiques ou sexuelles se libère depuis plusieurs années, et davantage encore depuis plusieurs mois. Pourtant, parler, confier ce que l’on a subi et porter plainte contre son agresseur est une démarche loin d’être évidente. Pour preuve, une femme sur quatre qui a subi des violences franchit le seuil d’un commissariat ou d’une gendarmerie. Parmi elles, il est estimé que seulement 14 % porteront plainte et 8 % déposeront une main courante. Récemment, des associations ont lancé des enquêtes et appelé les femmes à parler de leur prise en charge lorsque, victimes, elles se sont tournées vers les forces de l’ordre. Les témoignages recueillis sont inquiétants et décrivent de multiples difficultés à déposer plainte. Selon les témoignages, des agents chargés de leur accueil et prise en charge remettraient en question l’importance des faits, certains allant même jusqu’à culpabiliser les victimes et les décourager, voire refuser tout dépôt de plainte. Certaines victimes feraient même l’objet d’intimidation, de moqueries et d’humiliations. Ces comportements et propos inadaptés ne font qu’accentuer les blessures des victimes, ajouter à la maltraitance déjà subie et participent à envoyer un message d’impunité aux agresseurs. Aussi, même s’il est évident que la majorité des cas, les commissariats et gendarmeries font preuve de bienveillance et de respect à l’égard des personnes accueillies, ces déclarations font état d’un dysfonctionnement quant à l’accueil et à la prise en charge des victimes de violences physiques ou sexuelles par les autorités compétentes. C’est pourquoi il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre afin de faciliter le parcours des victimes.

Réponse publiée au JO le : 31/07/2018

Texte de la réponse

Le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, attache la plus grande importance à ce que l’accueil, l’information et l’aide aux victimes soient une priorité constante des forces de l’ordre, car apporter des réponses concrètes aux attentes des Français en matière de sécurité, c’est aussi mieux les accueillir et faciliter leurs démarches. Il en va de la qualité du service public de la sécurité. Il en va aussi de la qualité des relations entre la population et les forces de sécurité, dont le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, a fait un axe central de son action. Policiers et gendarmes sont « au service de la population », comme cela est solennellement énoncé dans le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale figurant dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure. Il convient également de rappeler que le ministère de l’intérieur s’est doté dès 2005 d’une délégation aux victimes (DAV), structure commune à la police et à la gendarmerie, placée auprès du directeur général de la police nationale (DGPN). Au sein de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), qui constitue la principale direction active de police en volume et par son réseau de commissariats sur le territoire national, l’importance qui s’attache à l’accueil des victimes est régulièrement rappelée à l’ensemble des personnels. A titre d’exemple, une instruction de commandement de la DCSP en date du 25 avril 2016 a appelé l’attention des services sur les dispositions de la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, visant à une meilleure prise en compte des victimes, ainsi que sur les dispositions spécifiques prévues, en matière de violences sexuelles en particulier, par le décret d’application du 26 février 2016 relatif aux droits des victimes (possibilité d’être entendu par un enquêteur du même sexe, auditions réalisées par des enquêteurs spécialement formés, etc.). Le cadre légal est également détaillé dans la documentation relative à la prise de plainte remise aux policiers élèves et stagiaires dans le cadre de la formation initiale et continue. Cette documentation est également à la disposition des agents sur l’intranet de la police nationale. Si les services de police et de gendarmerie accomplissent déjà, en lien avec les associations spécialisées et les professionnels, un travail important dans la prise en charge des victimes, la qualité de l’accueil du public passe également par sa modernisation et par la simplification des démarches, notamment par le développement du numérique. Des travaux sont ainsi menés par la police nationale pour permettre un dépôt de plainte en ligne pour certaines escroqueries commises sur internet. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le ministère de l’intérieur a expérimenté dès 2008 et généralisé en 2013 un téléservice de pré-plainte en ligne limité, pour des raisons d’efficacité et des impératifs d’enquête, aux atteintes aux biens dont la victime ne connaît pas le ou les auteurs (vol, escroquerie, etc.). Son périmètre a été étendu, par décret no 2018-388 du 24 mai 2018, à certaines atteintes aux personnes dont le ou les auteurs sont inconnus (discriminations, ainsi que certaines infractions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Concernant l’accueil des femmes victimes d’infractions à caractère sexuel, il s’agit d’un sujet sur lequel le ministère de l’intérieur est pleinement mobilisé et s’attache à améliorer encore ses pratiques et ses modes d’organisation. Les dispositifs d’accueil des victimes déjà existants au sein de la police nationale concernent en effet principalement les violences intrafamiliales et sexuelles. Ils organisent en particulier la possibilité d’une orientation vers un psychologue, un intervenant social ou une association d’aide aux victimes. Par ailleurs, un protocole-cadre relatif au traitement des mains courantes en matière de violences conjugales a été signé le 8 novembre 2013 entre les ministères de l’intérieur, de la justice et des droits des femmes, et a déjà été complété par une centaine de conventions locales. Le protocole-cadre systématise le dépôt de plainte pour ce type de faits et encadre très strictement les possibilités de ne recourir qu’à une simple main courante, en tout état de cause sur une demande expresse de la victime. Un effort considérable est également consenti en matière de formation des policiers. Parallèlement aux protocoles précités, des outils pédagogiques sur les violences faites aux femmes ont été conçus pour doter les policiers des moyens leur permettant de mieux accueillir et accompagner la victime dans son parcours et ses démarches, et pour faciliter le partenariat des professionnels dans la prise en charge. Divers supports ont également été élaborés, avec l’aide de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Par exemple, une « fiche réflexe » sur l’audition des victimes de violences au sein du couple permet aux policiers de mieux appréhender les spécificités de ce type d’enquête et le phénomène d’emprise de l’auteur sur la victime. Depuis 2014, plus de 12 000 policiers ont été formés à l’aide de ces outils pédagogiques dans le cadre de la formation initiale ou continue. Par ailleurs, un module spécifique relatif aux violences intrafamiliales, incluant les approches relationnelles avec les femmes victimes de violences intrafamiliales, a été introduit dans la formation initiale des gradés et gardiens. La police nationale conduit également une active politique de professionnalisation de la mission d’accueil du public, avec la désignation de plus de 500 « référents accueil » dans les commissariats et l’organisation d’une formation dédiée pour ces personnels. Une formation de quatre jours est également offerte aux agents occupant des fonctions permanentes ou occasionnelles d’accueil. Dans le cadre de ces deux formations, la prise en charge des femmes victimes de violences est abordée en détail, notamment pour insister sur le rôle des intervenants sociaux et des psychologues en commissariat. Des dispositifs spécifiques existent aussi pour la prise en charge des femmes victimes de violences. Tel est le cas en particulier des brigades de protection de la famille créées en 2009. 183 sont aujourd’hui actives au sein de la police nationale, composées de plus de 1 200 policiers dédiés et spécialement formés, et 101 au sein de la gendarmerie nationale. S’y ajoutent les partenaires spécialisés qui interviennent dans les commissariats : 140 intervenants sociaux (dont 43 mutualisés avec la gendarmerie) dans la police nationale et 121 en gendarmerie, et 73 psychologues, auxquels il convient d’ajouter les professionnels des associations d’aide aux victimes intervenant dans 123 permanences au sein des commissariats. Ces acteurs sont assistés par 213 correspondants « aide aux victimes » dans les services, appuyés par 414 correspondants locaux « aide aux victimes ». Le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, a rappelé l’importance de ces enjeux à l’occasion d’un colloque qui s’est tenu le 5 mars 2018 sur « L’action du ministère de l’intérieur dans l’accueil et la prise en charge des femmes victimes de violence ». S’agissant plus précisément de la prise en charge des victimes de violences sexuelles ou sexistes, des mesures sont prévues pour lutter contre la peur de nombreuses femmes de déposer plainte, qui s’explique par différentes raisons (proximité familiale ou sentimentale de l’agresseur, honte, crainte d’être séparée de ses enfants, etc.). Les évaluations réalisées confirment que les femmes victimes de violences sont globalement moins satisfaites de l’accueil dans les commissariats que les autres victimes, notamment s’agissant du temps et de l’écoute, ainsi que des conditions de confidentialité. Or, la qualité de l’accueil est déterminante pour inciter les victimes à déposer plainte. Il convient toutefois de noter qu’en matière de violences sexuelles, et quel que soit le professionnalisme des enquêteurs, les questions nécessairement précises posées aux victimes, ainsi que les confrontations, peuvent leur paraître incompréhensibles ou scandaleuses. Toutefois, il s’agit d’actes indispensables à l’élaboration de procédures rigoureuses sur le plan juridique et à la manifestation de la vérité. Il importe donc de faciliter encore davantage la prise de plainte. Ceci passe d’abord par la multiplication des canaux de prise en compte de la parole des victimes (prise de plainte à l’hôpital par exemple). Le numérique offre naturellement des opportunités. Comme annoncé par le Président de la République dans son discours du 25 novembre 2017 à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, un signalement en ligne pour les victimes de violences sexuelles et sexistes sera prochainement mis à la disposition du public. Cette plate-forme de signalement permettra à une victime d’être orientée et accompagnée de chez elle dans ses démarches. Le dispositif doit permettre une prise en charge spécifique des victimes de violences sexistes et sexuelles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il ne s’agira pas d’un portail internet de dépôt de plainte, mais d’un outil de type webchat ou chat, accessible depuis un navigateur internet, permettant aux victimes d’entrer en relation avec des professionnels spécialement formés, pour connaître les démarches à suivre et, le cas échéant, bénéficier d’un rendez-vous dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie ou, au minimum, si la victime ne souhaite pas de prise en charge ou n’envisage pas de dépôt de plainte, permettant d’informer le service de police ou de gendarmerie territorialement compétent de la situation. Les personnels qui géreront cette plate-forme bénéficieront d’une formation spécifique, élaborée en lien avec la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, des acteurs associatifs, des magistrats, des psychiatres et des psychologues. La prise en charge matérielle des victimes dans les commissariats et brigades de gendarmerie doit aussi pouvoir se faire dans un cadre adapté. Plusieurs pratiques innovantes existent déjà pour permettre un meilleur accueil, avec des horaires dédiés, des lieux dédiés, des personnels spécialement formés, un lien étroit avec les associations d’aide aux victimes. Ces actions seront généralisées. Dans le cadre de la police de sécurité du quotidien (PSQ), l’accent sera mis sur l’importance d’offrir aux femmes victimes de violences physiques ou sexuelles un accueil adapté, « sur-mesure ». Le nombre de psychologues en commissariat sera également augmenté au cours des trois prochaines années et le réseau des intervenants sociaux en commissariat encore renforcé. Enfin, sur le plan de l’arsenal juridique, le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en cours d’examen au Parlement, permettra en particulier de réprimer les faits de harcèlement dit « de rue », perpétrés sur la voie publique à l’encontre des femmes. Une infraction d’outrage sexiste sera créée, qui constituera en principe une contravention de la quatrième classe pouvant donner lieu à une amende forfaitaire. Cette procédure simplifiée permettra aux forces de l’ordre de sanctionner rapidement les auteurs.

 

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