Video – Proposition de loi pour la protection de la rémunération des agriculteurs
Mercredi 6 octobre, nous examinions le texte définitif de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, après l’accord intervenu deux jours auparavant entre député lors d’une commission mixte paritaire.
Si l’aboutissement de cette proposition de loi ne permettra pas, hélas, d’offrir tous les leviers juridiques permettant de pérenniser les emplois agricoles, j’ai fait le choix de soutenir ces actions qui vont selon moi dans le bon sens. Retrouvez ci-dessous le texte de mon intervention
De nos jours, près d’un agriculteur sur trois gagne moins de 350 euros par mois. Quand les difficultés économiques, professionnelles et familiales s’accumulent, la vie devient un lourd fardeau. Face à ces difficultés, la question d’une juste rémunération est posée depuis longtemps.
Nous l’avons dit en première lecture, la loi EGALIM a échoué dans son principal objectif : mieux répartir la valeur afin de permettre aux agriculteurs d’avoir un revenu digne. Après trois années d’application, le constat est hélas implacable. La tendance n’a pas été inversée : la déflation des prix agricoles s’est poursuivie. L’amélioration attendue n’a pas été au rendez-vous.
La question que nous devons nous poser est donc simple : ce texte permet-il de corriger les erreurs du passé et d’inverser un rapport de force très favorable aux centrales d’achat dans une concurrence mondialisée ?
Actuellement, nos agriculteurs subissent une double pression. Livrés à l’arbitrage des marchés mondiaux, ils ne sont que faiblement protégés de la concurrence internationale par la politique agricole commune. Soumis, en outre, à une grande distribution fortement concentrée, ils ne parviennent pas à peser dans les négociations commerciales – sans surprise, d’ailleurs, car que peuvent faire 400 000 exploitants individuels, même regroupés en organisations de producteurs, contre quatre centrales d’achat ? Par exemple, Lactalis a dix-sept organisations de producteurs. Comment ces organisations, plus ou moins concurrentes, pourraient-elles peser sur la grande firme ?
La proposition de loi n’entend pas changer ces paramètres essentiels. Sera-t-elle, dès lors, en mesure de régler la problématique de la rémunération de nos agriculteurs ? Je ne le pense pas.
Pour autant, ce texte comporte des mesures positives, qui ont été, pour une grande partie, maintenues voire réécrites en commission mixte paritaire.
Je pense notamment au principe d’une contractualisation par écrit, qui devrait introduire une plus grande visibilité. Je me réjouis à ce titre que les interprofessions soient consultées avant que ne soit accordée une éventuelle exemption à telle ou telle filière.
Quant à la pluriannualité des contrats, elle va aussi dans le bon sens, car elle sera vectrice de stabilité pour les exploitants.
L’article 2, qui contraint les fournisseurs à indiquer dans leurs conditions générales de vente la part que représentent les matières premières agricoles dans le volume et le tarif de leurs produits alimentaires, impose une transparence bienvenue. Espérons toutefois que la non-négociabilité des matières premières qu’il introduit ne jouera pas en la défaveur des transformateurs. Certains nous ont fait part de leurs craintes de se retrouver pris en étau entre les agriculteurs et la grande distribution, et de faire les frais d’une augmentation du prix payé aux agriculteurs.
Je reste convaincu que la généralisation des contrats tripartites aurait été une avancée majeure pour éviter cet écueil. En leur absence, nous devons veiller à ce que l’ensemble des maillons de la chaîne s’emparent des dispositions du texte et les appliquent strictement. À cette fin, il est nécessaire que les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) soient pleinement opérationnels dès les négociations commerciales de cette fin d’année.
Autre point de satisfaction, le maintien d’un encadrement plus strict des contrats soumis à marques de distributeurs. Alors que cette question était un véritable angle mort de la proposition de loi initiale, je me réjouis que les acquis du Sénat aient été conservés. Ce marché florissant ne devait pas rester une zone de non-droit où la grande distribution pouvait continuer impunément à exercer une pression à la baisse sur les prix payés aux producteurs.
D’autres articles, bien que plus accessoires, apportent tout de même des innovations dont nous attendons les effets. C’est le cas du rémunérascore prévu à l’article 2 bis . À l’heure où nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de la faible rémunération des agriculteurs, cette expérimentation leur apportera une information importante pour orienter leurs achats.
La proposition ne réglera pas le problème global de la rémunération des agriculteurs, mais elle peut participer, sur certains aspects, à rééquilibrer les choses autant que faire se peut. Certaines avancées étaient demandées par les organisations syndicales pour donner plus de poids aux agriculteurs dans les négociations commerciales, même si nous pouvons anticiper des effets modestes.
Toutefois, en dépit des manques et des craintes que j’ai exprimées, je tiens à souligner la volonté de réforme et d’amélioration des dispositifs existants, ainsi que la bonne prise en compte des apports du Sénat. Parce que nous considérons qu’il vaut mieux faire un petit pas dans la bonne direction que du surplace, nous voterons la proposition de loi.