Prolongation de l’état d’urgence : pas de blanc seing pour le Gouvernement
Je suis intervenu lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi visant à prolonger le régime d’état d’urgence jusqu’à 31 juillet.
Retrouvez ci-dessous mon intervention :
Monsieur le Président
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
Nous nous réunissons une fois de plus pour la défense de nos libertés pourtant l’écoute nécessaire et la co-construction ne sont pas au rendez-vous. Cette législature est l’une des plus prolixes en amendements mais jamais aussi peu d’entre eux n’ont été adoptés. Cela montre bien que le pouvoir exécutif s’arroge encore plus le pouvoir législatif.
Depuis le début, nous avons été constant dans nos prises de position. S’il était nécessaire de donner, en mars 2020, les outils pour endiguer la vague épidémique, nous avons refusé depuis lors de conférer les pleins pouvoirs sanitaires au Gouvernement sans véritable contrôle démocratique. Cette épidémie est grave mais nous répétons depuis le début ou presque de cette crise que l’exécutif a tort de s’enfermer dans une logique autoritaire et verticale : l’union ne se décrète pas, elle se construit.
Depuis de nombreux mois, nous n’avons eu de cesse de vous inviter à procéder à la territorialisation. Vous l’avez même parfois fait mais n’avez jamais su en tirer les conséquences. J’ai souvenir notamment des premiers foyers épidémiques repérés en février et mars 2020, notamment dans le Morbihan, et qui ont été fort bien circonscrits autour des communes en question à cette époque afin de limiter la contagion. Nous avons aussi noté que le Gouvernement s’y est résolu en ce qui concernait les outre-mer. Et face à la recrudescence de l’épidémie dans certains territoires ultra-marins, notre groupe s’était prononcé favorablement pour la prorogation de l’état d’urgence dans les collectivités où la situation le justifiait.
Mais comment voulez-vous qu’aujourd’hui, nous parvenions à expliquer dans des départements en Bretagne où le taux d’incidence était ces derniers jours inférieurs à 30, où nous avons plus de 95% de vaccinés parmi la population éligible, que l’on maintienne un état d’urgence permanent et une application du passe sanitaire ? Savez-vous Monsieur le Ministre combien de patients sont aujourd’hui au sein d’un service de réanimation dans mon département selon les données fournies par votre Ministère ? Un seul ….
Encore une fois, je ne souhaite en rien minimiser la virulence du virus, mais il est nécessaire selon notre groupe de ne pas céder à l’accoutumance de cette privation pérenne de libertés.
Nous avons constaté lors de la commission mixte paritaire, qu’aucun accord n’était possible entre nos deux chambres du fait de la position inflexible de la majorité. Pourtant, des apports intégrés par le Sénat, représentant de nos collectivités territoriales, étaient bienvenus.
D’ailleurs, comme je l’indiquais en première lecture, l’avis du Conseil d’Etat au sujet du texte qui nous occupe mérite toute notre attention. Le conseil d’Etat considère en effet que ces mesures d’état d’urgence restent efficaces pour faire face à un désordre momentané, mais ne sont en rien pertinentes face à des menaces pérennes. A long terme, leur usage est même délétère.
Dès lors, le maintien, sans justification sanitaire majeure, de ce dispositif incitant au contrôle systématique de tous par tous, est profondément attentatoire aux libertés fondamentales. En effet, le fait de devoir présenter un document de santé personnel pour chaque acte du quotidien n’est pas anodin et ne doit pas être pérennisé.
C’est donc en toute logique que nous avons déposé des amendements visant à ne pas appliquer le passe sanitaire dans les départements où la couverture vaccinale est supérieure à 80% comme l’ont voté nos collègues sénateurs, et dont le taux d’incidence est inférieur à 50 pour 100 000 hb.
Et si la territorialisation des mesures est un marqueur fort de notre groupe, au même titre que la défense des libertés, nous sommes également attachés à la proportionnalité des peines. Et là encore, le compte n’y est pas selon nous.
Nous regrettons ainsi qu’en commission, les dispositions concernant l’augmentation des sanctions en cas de fraude au passe sanitaire ait été rétablie. Ainsi, l’utilisation frauduleuse d’un passe sanitaire pourrait être passible de cinq ans de prison et 75 000€ d’amende. Cela est manifestement disproportionné. Nous avons également déposé un amendement de suppression à ce sujet.
Enfin, à propos de l’obligation de présentation du carnet vaccinal des élèves aux directeurs d’établissement, nous allons également vous proposer la suppression de cet article à travers un amendement. Le protocole actuel donne grandement satisfaction et nous refusons que des enfants puissent être stigmatisés en raison de leur statut vaccinal.
En tout état de cause, notre groupe préconise un ajustement des mesures en fonction des données de terrain, et de la tension dans nos services hospitaliers. En ce sens, nous réitérons une fois de plus que des mesures de droit commun permettent tout à fait de lutter contre une résurgence de l’épidémie et qu’un état d’exception, dans lequel nous vivons depuis un an et demi, ne se justifie plus. C’est pourquoi, à défaut d’évolution par rapport au texte adopté par la commission hier, nous ne voterons contre ce texte.