Proposition de loi de lutte contre la récidive : une fausse bonne solution
Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Horizons jeudi 2 mars, nous nous sommes penchés sur l’examen d’un texte visant à établir des peines planchers à l’encontre des personnes coupables de récidive.
Ces peines, instaurées sous le mandat de Nicolas Sarkozy, n’ont jamais eu l’effet escompté. Pire encore, la récidive avait augmenté 7 ans après leur mise en oeuvre, jusqu’à leur retrait en 2014.
J’ai donc eu l’occasion lors de la discussion générale du texte d’indiquer à quel point cette mesure non seulement était purement idéologique, mais également totalement inefficace pour lutter contre la récidive, tout comme pour la réinsertion des personnes condamnées.
Vous pouvez retrouver ci-dessous le contenu de mon intervention :
Pour sa première niche parlementaire depuis sa création, le groupe Horizons a fait le choix de rouvrir un débat symbolique et politique, celui des peines planchers. C’est remettre une question polémique à l’ordre du jour. Je ne ferai pas durer le suspense : nous sommes, au groupe LIOT, majoritairement opposés à cette initiative et nous saluons le rejet de l’article 1er par la commission des lois. Je m’interroge sur le but que vous poursuivez, chers collègues, avec ce retour, certes par la petite porte mais tout de même, des peines planchers.
Quel en est le bilan ? Ont-elles été un frein à la récidive ? Le dispositif a été mis en œuvre en 2007 à la suite de la volonté ferme, on s’en souvient encore, du président de l’époque, Nicolas Sarkozy, de renforcer la répression. L’idée était alors qu’un contrevenant – un délinquant ou un criminel – serait dissuadé de commettre de nouveaux actes répréhensibles dès lors qu’une peine plancher serait instaurée. Entre 2007 et 2014, on a assisté à une augmentation de près de cinq points de la récidive en matière de vol. Il apparaît que ce système de peines planchers n’est pas dissuasif et que, pire encore, il ne fait pas baisser la délinquance que subissent nos concitoyens et ne favorise en aucun cas la réinsertion des individus après leur condamnation. Je crois que l’argumentation que vient d’exposer le garde des sceaux était très claire et a bien montré que ces peines ne règlent rien, bien au contraire.
Avec cette proposition de loi, s’agit-il d’établir une société où l’on enferme purement et simplement les contrevenants en diminuant les chances d’aboutir à une réinsertion, ou d’œuvrer dans le sens d’une meilleure prévention ? Les mesures que vous proposez, madame la rapporteure, ne nous paraissent pas efficaces et, pour tout dire, assez inutiles. Au fond, on est face à un marqueur idéologique et politique. Chers collègues, vous savez comme moi que les méfaits délictueux ou criminels ont des causes multiples, et que des réponses simplistes à des problèmes complexes sont vouées à l’échec. Enfermer la misère sociale derrière des murs ne règle rien, renforcer les peines non plus. Ce n’est donc pas avec des peines planchers qu’on limitera le passage à l’acte, mais plutôt grâce à un accompagnement efficient et individualisé.
Cela étant dit, je tiens à souligner la qualité du travail fourni par les Spip et le dévouement de leurs agents. C’est bien leur activité, en concertation avec les services judiciaires, qui permet une meilleure réinsertion des personnes condamnées et, de facto , une baisse de la délinquance. Si je peux me permettre de paraphraser Victor Hugo en la matière : ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons.
Comme cela a été souligné en commission, il est bien surprenant de proposer une nouvelle conférence du consensus, tout en faisant évoluer la législation simultanément. Le temps de la concertation intervient après le temps de la décision ; à mon sens, il aurait été plus pertinent d’inverser les choses. En tout cas, cela aurait peut-être permis, après discussion et échanges, d’emporter l’adhésion des professionnels. Car force est de constater que si consensus il y a, c’est plutôt contre ce texte !
Enfin, notre rôle en tant que législateur est bien de fixer un cadre légal pour l’autorité judiciaire, de manière que les magistrats puissent d’eux-mêmes décider de la peine la plus adaptée, en fonction de critères de droit et de fait et des critères liés aux personnes elles-mêmes. Le but est bien entendu de sanctionner, dès lors que cela est nécessaire, mais aussi et surtout de prévenir la récidive et de réinsérer ces personnes dans la société.
Introduire des peines planchers revient à remettre en cause le travail réalisé par les magistrats et l’ensemble de la chaîne du droit. Dans ces temps troublés, où les critiques pleuvent parfois sur la place publique à l’encontre des juges, nous devons réitérer notre confiance dans la justice, et non faire preuve de défiance envers elle.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de loi.