La fiscalité pour les agriculteurs-méthaniseurs pionniers
Le mardi 27 janvier j’ai posé une question orale sur l’évolution nécessaire de la fiscalité pour les agriculteurs-méthaniseurs pionniers, c’es- à-dire ceux qui ont investi dans des unités de méthanisation à la ferme avant le 1er janvier 2015.
Alors qu’à partir de cette date tout nouvel agriculteur-méthaniseur aura une exemption de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises durant 7 ans, les pionniers n’en bénéficieront pas, ce qui créerait le paradoxe de voir une filière se développer, tout en voyant disparaître ses initiateurs. En effet, la viabilité économique de leurs projets est en jeu après avoir du consentir à de très lourds investissements.
Compte-rendu écrit de cette question
Paul Molac :
Madame la secrétaire d’État, le projet de loi de finances pour 2015 a permis d’aboutir à l’instauration d’une exonération d’une durée de sept ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, et de cotisation foncière des entreprises à compter de l’année qui suit respectivement l’achèvement des travaux et le début des activités des unités de méthanisation. Cela était attendu et, bien évidemment, nous en remercions le Gouvernement.
Cependant, ces exonérations ne sont valables que pour les unités de méthanisation agricoles construites ou mises en service après le 1erjanvier 2015.
Lors des débats sur ce projet de loi de finances, plusieurs députés avaient soutenu des amendements visant à intégrer les agriculteurs méthaniseurs pionniers afin qu’ils bénéficient également de cette disposition dès la mise en service de leur unité, soit, pour les plus anciens, à partir de 2010. Je regrette que ces amendements n’aient pas été adoptés.
En effet, cette exclusion du dispositif d’exonération est très mal vécue par ces pionniers qui ont développé le procédé de méthanisation à la française après avoir pris des risques financiers et inventé de nouvelles méthodes. Ils ont quelque peu « essuyé les plâtres ».
Par exemple, l’un d’eux me disait qu’il a été dernièrement obligé de changer toutes les pompes qu’il avait installées puisqu’il est possible que des effets indésirables se produisent en fonction de la ration, les pompes étant en l’occurrence corrodées. Ce type de problème sera pris en compte dans les futurs aménagements mais, pour l’instant, tel n’est pas le cas. Pour lui, cela a occasionné un investissement supplémentaire.
Il est donc paradoxal d’assister au développement d’une filière quand ses initiateurs disparaissent.
L’objectif de développement d’un millier d’unités d’ici 2020 à partir de la centaine d’unités dont nous disposons aujourd’hui n’est possible que grâce à l’expérience de ces pionniers et aux connaissances qu’ils ont acquises empiriquement.
Au sein du groupe d’études sur le développement de la méthanisation, nous sommes plusieurs – dont le président Jean Grellier – à souhaiter que ces pionniers ne soient pas oubliés et que le Gouvernement fasse preuve de compréhension à leur égard. C’est la viabilité économique de ces exploitations ayant dû consentir à de très lourds investissements qui est en jeu.
Aussi, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement compte faire et quelles sont les solutions qu’il propose afin que les unités de méthanisation agricole développées avant le 1erjanvier 2015 puissent bénéficier, à partir de leur année de mise en service – 2010, donc, pour les plus anciennes – des exonérations consenties à toutes ces nouvelles unités.
Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire :
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Paul Molac, le Gouvernement souhaite encourager le développement des unités de méthanisation « à la ferme », afin bien sûr d’encourager les exploitants agricoles à valoriser leurs effluents d’élevage.
Cette ambition, présentée dans le cadre du plan « Énergie méthanisation autonome azote » de 2013, a été réaffirmée lors de la communication du 30 juillet 2014 relative à la transition énergétique.
En effet, à la fin de 2012, la France ne comptait que 90 unités quand on en dénombrait déjà plusieurs milliers en Allemagne.
En loi de finances rectificative pour 2013, nous avons institué en leur faveur une exonération facultative de la taxe foncière sur les propriétés bâties accordée sur délibération des collectivités.
Mais le Gouvernement a souhaité aller plus loin et a soumis au Parlement, dans le cadre de la loi de finances pour 2015, une disposition exonérant systématiquement de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises les unités de méthanisation agricole achevées à compter du mois de janvier 2015. Celle-ci est désormais en vigueur et s’applique pendant les cinq premières années d’exploitation.
Vous appelez l’attention du Gouvernement sur une extension de cette disposition aux unités déjà existantes, notamment, celles qui ne seraient pas couvertes par l’exonération facultative de taxe foncière sur les propriétés bâties votée à la fin de 2013.
Comme le Gouvernement a eu l’occasion de l’indiquer au Parlement à l’automne dernier, cette mesure a pour objectif d’inciter à la création de nouveaux méthaniseurs agricoles.
Comme il s’agissait d’un dispositif incitatif, il a semblé normal de ne pas créer d’effet d’aubaine en l’appliquant rétroactivement aux unités existantes, dont les investissements ont déjà été réalisés.
Paul Molac :
Évidemment, je le regrette.
Nous avions discuté de cette question lors de l’examen du projet de loi de finances. Il s’agit d’une exonération de cinq ans à compter du 1er janvier 2015 mais j’ai quant à moi évoqué le problème des pionniers.
Le coût de cette exonération serait relativement faible puisque l’on compte environ une centaine d’unités.
Le secrétaire d’État chargé du budget, M. Eckert, a fait valoir que les pionniers connaissaient déjà la loi, en particulier le code général des impôts. Or, jusqu’à présent, les unités de méthanisation « à la ferme » relevaient du code rural en tant qu’entreprises agricoles et non industrielles, les impôts n’étant pas du tout les mêmes dans les deux cas.
Je regrette donc l’absence de rétroactivité mais sans doute l’examen du projet de loi de finances rectificative nous permettra-t-il de régler ce problème car, comme je vous l’ai dit, le rendement des unités de méthanisation « à la ferme » est relativement faible, du fait qu’elles n’utilisent ni graisse ni aucune culture dédiée. Seuls sont utilisés les effluents d’élevage et des cultures intermédiaires, dont le pouvoir méthanogène est plus faible – la rentabilité, je le répète, l’étant donc aussi.
J’ajoute que ces pionniers ont rendu service à la collectivité. Pourquoi eux, qui ont mis en place ces installations depuis 2010 environ, seraient-ils pénalisés de cette façon-là ? Outre que cela ne serait pas très correct, nous empêcherions toute innovation en pénalisant ainsi les pionniers.