Conditions de travail dans les multinationales françaises implantées au Qatar
Ce mercredi 1er avril j’ai posé une question orale lors de la Séance de questions au Gouvernement sur les conditions de travail dans les multinationales françaises implantées au Qatar.
Alors qu’une proposition de loi sur le sujet vient d’être votée à l’Assemblée nationale lundi dernier, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine afin d’être exemplaire et pousser nos partenaires européens et autres à l’être également. Sur l’enfer des chantiers de la coupe de monde de football pour 2022, travaillent des esclaves modernes dépouillés de leur passeport et de nombreux droits élémentaires. On estime qu’au rythme actuel, près de 4 000 ouvriers pourraient trouver la mort d’ici le début de l’évènement sportif. La question de la responsabilité des entreprises à l’international concerne aussi la lutte contre le dumping social et environnemental réalisé dans des pays peu soucieux de ces sujets, ce qui induit des délocalisations de production préjudiciables à notre économie.
Compte-rendu de ma question au Gouvernement
M. Paul Molac. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, et j’y associe ma collègue Danielle Auroi.
Lundi soir, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui instaure une obligation de vigilance des multinationales vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants. (« Très bien » sur les bancs du groupe écologiste.) Il s’agit d’un premier pas que nous saluons, mais que nous aurions aimé plus important, à l’image de la proposition de loi que notre groupe avait déposée avec l’ensemble des groupes de gauche de l’Assemblée nationale.
Nous regrettons ainsi que seules les entreprises de plus de 5 000 salariés en France aient à se conformer à cette nouvelle loi. De fait, la plupart des entreprises françaises impliquées directement ou indirectement dans le drame du Rana Plaza au Bangladesh, qui a entraîné pas moins de 1 200 morts, n’auraient pas été visées par cette loi.
Aujourd’hui, ce sont les conditions de travail dans un autre pays qui font régulièrement la une, je veux parler du Qatar.
M. Gérard Bapt. Oh là !
M. Paul Molac. Sur l’enfer des chantiers de la coupe de monde de football pour 2022 travaillent des esclaves modernes, dépouillés de leur passeport et de nombreux droits élémentaires. On estime qu’au rythme actuel, près de 4 000 ouvriers pourraient trouver la mort d’ici à la fin de l’événement sportif.
La semaine dernière, l’ONG Sherpa a déposé plainte pour des infractions de travail forcé, réduction en servitude et recel contre VINCI Construction Grands Projets et les dirigeants français de sa filiale qatarie, commises à l’encontre des migrants employés sur leurs chantiers au Qatar. Nous laissons évidemment la justice faire son travail en toute indépendance dans cette affaire. Encore faut-il qu’elle ait à sa disposition les outils pour le faire, et c’est bien là qu’un arsenal juridique renforcé est nécessaire.
En attendant que s’applique une obligation effective de vigilance, rappelons que le respect des droits fondamentaux par nos entreprises à l’étranger participe pleinement au rayonnement de notre pays.
Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement peut-il peser auprès de nos entreprises pour qu’elles ne soient pas complices de tels scandales, au Qatar ou ailleurs, mais aussi au sein des organisations internationales pour que certains pays cessent de faire du dumping social et environnemental, très préjudiciable à la fois à notre économie et à notre environnement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)
Mme Marie-George Buffet et Mme Huguette Bello. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député Paul Molac, vous m’interrogez sur un sujet fondamental qui a retenu cette semaine encore l’attention de votre assemblée puisque celle-ci a adopté, à l’initiative du groupe SRC, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Dominique Potier, Serge Bardy, Annick Le Loch et d’autres membres du groupe SRC en furent à l’initiative. Des membres du groupe écologiste, notamment Mme Auroi, avaient quant à eux déposé une proposition de loi partageant le même état d’esprit.
Le Gouvernement a soutenu ces travaux et se félicite de l’adoption de ce texte. Vous m’interpellez aujourd’hui sur la situation au Qatar. Conformément à l’usage, je ne commenterai pas les procédures judiciaires en cours, mais je veux vous indiquer comment le Gouvernement travaille sur ce sujet.
Sur place, notre ambassade est un interlocuteur reconnu par les autres ambassades et par les autorités qataries sur ce sujet. Des échanges ont lieu régulièrement. En mai dernier, des travaux avec les autorités ont eu lieu spécifiquement sur la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE.
Lorsque je me suis rendu au Qatar, j’ai auparavant tenu à recevoir des ONG, notamment Amnesty international. Nous avons élaboré à l’intention de toutes les entreprises qui m’ont accompagné un guide pratique de la RSE pour les sensibiliser sur ce sujet. C’est du concret, et ce travail doit être poursuivi, y compris par rapport aux grands travaux en cours.
Dans les organisations internationales, à l’OCDE, à l’OMC, à l’ONU, nous poussons également en ce sens. La diplomatie économique de la France n’est pas contraire à nos valeurs, celles des droits de l’homme et du respect des droits sociaux que nous portons. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)