Premières rencontres parlementaires de la mer et du littoral
Le mercredi 15 avril, je suis intervenu au cours des 1ères rencontres parlementaires de la mer et du littoral. Mon intervention portait sur « L’océan comme source d’énergie renouvelable ». Si, nous avons encore besoin des énergies fossiles, elles présentent l’inconvénient d’augmenter l’effet de serre et de déstabiliser le climat. De plus, elles sont amenées à se raréfier et à se renchérir, tout comme les matières fissiles utilisées pour le nucléaire dont la réparation des centrales risque de coûter cher. Dans ce contexte, la mer pourrait être un relais important de production d’énergie renouvelable. Vous pouvez retrouver ici le compte-rendu de mon intervention sur l’énorme potentiel que constituent ces énergies marines renouvelables.
Il y a presque deux ans, en juin 2013 lors du premier débat de la législature consacré à la politique maritime de la France, je m’étais fait l’écho des vives préoccupations quant à la lenteur des procédures administratives au niveau de l’tat concernant les énergies marines renouvelables. J’y parlais notamment de la lourdeur et l’accumulation des procédures qui conditionnent l’entrée dans une phase d’exploitation.
Depuis ce débat force est de constater que nous avons avancé, cette même année 2013 a en effet confirmé et renforcé la tendance vers la pré-commercialisation des premières technologies d’énergies marines renouvelables. Il semblerait donc que le Gouvernement ait enfin pris la pleine mesure du potentiel de développement des énergies marines renouvelables, notamment grâce aux lancements d’appels à projets et la création du Comité national des énergies renouvelables en mer.
Pour l’hydrolien, un dispositif de soutien aux premiers projets pré-commerciaux a ainsi été lancé. Plus récemment, l’énergie thermique des mers a eu confirmation du soutien français et européen de son projet pré-commercial en Martinique, une première mondiale.
Pour autant, ces technologies n’ont pas encore toutes atteint le stade de développement nécessaire pour envisager un déploiement commercial à grande échelle. Leur maturation technologique et la réduction de leurs coûts sont, en effet, essentielles pour rapprocher ces filières de la compétitivité et leur permettre d’accéder à des financements bancaires. Cette problématique du coût, est également à lier aux faibles volumes encore produits actuellement. Il est certain qu’avec l’augmentation de la production d’énergies marines renouvelables, l’amortissement des coûts grâce aux économies d’échelles notamment, sera favorisé.
Cette maturation passe aussi par des phases importantes de tests en conditions réelles. Après le premier appel d’offres éolien en mer lancé en juillet 2011, l’année 2013 a été marquée par le lancement du second appel d’offres. Par ailleurs, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) dédié a été lancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) le 1er octobre 2013 pour le développement de fermes pilotes hydroliennes. Les projets retenus l’ont été dans le Raz Blanchard, et personnellement, en tant que Breton, je regrette qu’aucun projet n’ait été retenu dans le passage du Fromveur situé dans le Finistère. Qu’à cela ne tienne, la start-up quimpéroise Sabella qui porte ce projet a décidé de le maintenir, et l’assemblage de l’hydrolienne D10, prototype grandeur nature, 100 % français, est actuellement en cours jusqu’au 24 avril ou elle sera baptisée.
Une fois monté, elle sera raccordée à l’île d’Ouessant. Sa production devrait représenter 20 % des besoins de l’île. Ce sera la première hydrolienne raccordée au réseau électrique en France. Son immersion sera réalisée fin mai ou fin juin.
Comme il y a une forte problématique énergétique sur Ouessant, elle devrait être remise ensuite en service pour une véritable exploitation commerciale. Au passage, cette problématique de la transition énergétique des petites iles continentales non interconnectées, telle que Sein ou un projet citoyen est né, est réelle, et nous espérons pouvoir avancer dans le projet de loi de Transition énergétique grâce à un amendement que nous avons fait adopter au Sénat.
Des discussions sont toutefois toujours en cours pour définir les modalités de soutien de l’État dans le projet Fromveur tandis que pour accompagner son développement, Sabella envisage une levée de fonds en juin prochain de trois à six millions d’euros.
Pour rester en Bretagne et sur l’Hydrolien, la ministre Ségolène Royal, lors de l’inauguration du Parc naturel du Golfe du Morbihan le 23 novembre dernier, a également annoncé demander une étude pour implanter une hydrolienne dans le courant de la Jument, un des plus forts d’Europe. Nous voyons d’un bon œil que l’État ait enfin pris la mesure du potentiel de développement des énergies marines renouvelables en Bretagne, une des trois régions où la ressource hydrolienne est majoritairement concentrée.
Rappelons que la Bretagne a été un territoire pilote dans ce domaine, puisque dès 2008, EDF décidait de faire appel à la société OpenHydro pour mettre au point une hydrolienne prototype qui sera testée en conditions réelles d’exploitation au large de Ploubazlanec, en Bretagne, sur le site de Paimpol-Bréhat. Il s’agit d’une première mondiale qui devrait produire ses premiers kilowattheures d’ici cet automne avec le déploiement de la première hydrolienne équipée du poste de conversion et son raccordement au réseau. Le projet hydrolien de Paimpol est donc sur le point d’atteindre la phase symbolique de la production.
En ce qui concerne la simplification des procédures, je rappelais il y a deux ans encore le parallèle saisissant du président de France Énergies Marines : « En Ecosse, il suffit d’une procédure unique d’autorisation. En France, il en faut quatre ».
Rappelons que l’Écosse est leader mondial sur les énergies marines renouvelable. Depuis, plusieurs mesures sont en cours de mise en place :
– l’introduction d’un permis unique regroupant les différentes autorisations pour les énergies marines, dans le cadre du projet de loi de simplification ;
– la facilitation des raccordements en zone littorale, dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique ;
– la préparation d’un décret simplifiant et raccourcissant les procédures de recours contentieux.
Dans ce domaine, le recours à une cour administrative d’appel unique spécialisée qui permettrait de se passer de la case du tribunal administratif, permettant de faire gagner deux ans, demeure quant à lui en cours d’arbitrage interministériel. De même il serait prévu par le Gouvernement que l’autorisation accordée dans le cadre de la loi sur l’eau visant à voir les possibilités de recours passer d’un délai de six mois après la mise en service de l’installation, à un délai de deux mois après la décision d’autorisation.
En ce qui concerne la question des raccordements des installations renouvelables électriques en zone littorale, il reste des problèmes à résoudre, mais cela sera évoqué par le prochain orateur Hervé Laffaye, directeur général adjoint chargé des Opérations de RTE.
En conclusion, le développement des énergies marines renouvelables représente pour la France une véritable opportunité. Il devrait en effet faciliter une plus grande diversification de ses sources énergétiques, assurer une plus grande sécurité d’approvisionnement et permettre le développement de nouvelles filières industrielles qui leur sont associées et des retombées nombreuses en termes d’emplois. A titre d’exemple, pour l’éolien en mer fixe, le Syndicat des énergies renouvelables propose un objectif de 15 000 Mégawatts heure installés en 2030, ce qui permettra de créer 30 000 emplois à cet horizon. Cela confirmerait donc que les marchés des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique restent créateurs d’emplois, et cela malgré les ralentissements liés à la crise. Les marchés des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ont affiché, entre 2006 et 2013, un taux de croissance bien supérieur à celui du PIB, de l’ordre de 8,9 % entre 2006 et 2013, nettement supérieure au reste de l’économie française.
Cet objectif de 15 000 megawatts heure en 2030 en France reste ambitieux par rapport à ce qui est prévu pour 2020, soit 3 000 Megawatts (en dessous des 6 000 prévus à l’origine par le Gouvernement), mais réalistes si la filière industrielle reçoit tout le soutien nécessaire pour se développer. Pour cela il convient d’aboutir à une élaboration pluriannuelle de l’énergie pour fixer de nouveaux objectifs pour un premier volet pour 2016-2018 et un deuxième volet pour 2019-2023. Il s’agira notamment d’insister sur de nouveaux lancements d’appels d’offre.
Avec la deuxième ressource hydrolienne européenne, et un bon potentiel sur les autres énergies marines renouvelables, on attend de la France un véritable décollage dans le développement de ces technologies, dont le potentiel mondial est phénoménal. Ainsi, le potentiel total théorique des énergies marines dans le monde (hors éoliennes en mer) a été estimé par l’Agence Internationale de l’Energie entre 20.000 et 90.000 Tetrawatts heure par an. Comme référence, la consommation mondiale d’électricité est de l’ordre de 16.000 Tetraswatts heure par an. La seule production d’énergies marines pourrait dépasser l’ensemble de la consommation mondiale d’électricité, voilà donc qui continuera à alimenter le débat né autour du désormais fameux rapport de l’Ademe qui conclut qu’à l’horizon 2050, la France pourrait tirer la totalité de son électricité de ressources renouvelables, sans nucléaire, et cela, à un coût comparable à celui du nucléaire.