Arc Sud Bretagne. Avec « Femme Phoenix », Prisca vient en aide aux femmes violentées

À l’initiative de l’association Femme Phœnix, Prisca Lévêque œuvre pour aider les femmes victimes de violences conjugales. Elle porte ce projet avec une énergie débordante, forte d’un parcours difficile auquel elle veut donner sens. Elle a choisi le phœnix, animal qui renaît de ses cendres, pour symboliser la renaissance tout autant que la force admirable que les victimes de violences ont au fond d’elles.

De la violence à la renaissance, et de la renaissance à l’action

Prisca Lévêque a 33 ans. Elle est installée dans une commune de l’Arc Sud Bretagne. Ses journées s’écoulent à bon rythme, entre ses permanences comme pompier volontaire, son rôle de mère, ses conférences sur son parcours et les violences conjugales et la création de son association Femme Phœnix.

Il y a six ans, en 2015, la jeune femme a été victime d’un homme violent. Neuf mois de relation, dont six marqués par des violences, qui se sont répétées et intensifiées, la mettent à terre. Les mois qui suivent sa plainte et les procédures juridiques prolongent l’enfer, mais aboutissent à une condamnation à 13 ans de réclusion criminelle.

Aujourd’hui son avocat poursuit la procédure afin d’obtenir des indemnités.

Prisca a survécu aux violences, puis aux phases de dépression et de profonds désespoirs qui ont succédé. Après ce qu’elle avait enduré, elle ne se voyait pas renouer avec sa vie d’avant, comme si de rien n’était. Elle n’était plus la même personne. « Il y avait la Prisca d’avant, et il y a la Prisca d’aujourd’hui. »

Elle ne s’imaginait plus dans aucun projet, jusqu’à ce qu’elle ait une prise de conscience. « Il fallait que tout ça ait un sens. Il fallait que je donne un sens à ce que j’avais traversé. » Le projet prend forme quatre ans et demi plus tard alors qu’elle réussit à aider sa mère et à renouer un dialogue qui s’était étiolé, jusqu’à devenir impossible.

« J’ai décidé de parler. À ma famille d’abord, puis librement, à tout le monde. Je ne voulais plus de tabou. Désormais, je dis ouvertement que j’ai vécu des violences conjugales, que j’ai été violée, séquestrée et torturée. Que je suis tombée enceinte et que, à la suite de mon départ, j’ai avorté, à presque quatre mois de grossesse. Il n’y a plus de censure, je me sens libre de m’exprimer, même si je fais quand même attention aux gens, car le sujet met mal à l’aise, mais la gêne ne vient plus de moi. Je n’ai pas à avoir honte. Aucune victime n’a à avoir honte. »

Elle témoigne à cœur ouvert sur une vidéo YouTube , faite une nuit de novembre 2019 où elle ressentait le besoin irrépressible de prendre la parole. Elle livre son histoire, explique pourquoi les femmes n’arrivent pas à quitter un conjoint violent, évoque sa survie, mais aussi les féminicides et ces victimes qui ne sont plus là pour s’exprimer.

« Les femmes battues sont des personnes d’une force incroyable »

« Le lendemain de cette vidéo, je m’en suis voulu. J’aurais pu l’effacer, pourtant je ne l’ai pas fait. » Elle est visionnée plus d’un millier de fois en une semaine, et plus de 38 000 fois aujourd’hui (février 2021).

« Cela a été l’occasion que j’en parle avec mon compagnon de l’époque, qui ne connaissait pas tout de cet épisode de ma vie, puis l’idée de l’association est née. J’ai survécu, et pour survivre, je suis allée puiser des forces au plus profond de moi, des forces que je ne soupçonnais pas. J’ai découvert que j’avais des ressources incroyables… Aujourd’hui, mais pas seulement : quand je vivais des violences aussi. Les femmes battues ont souvent une image de faiblesse : elles se voient faibles, et la société les voit faibles aussi. Mais non, les femmes battues ont une force incroyable ! Pour subir et faire face, que ce soit au travail, en famille et dans la vie quotidienne, il faut une force phénoménale. »

Prisca insiste sur cette force, qui permet de se lever le matin, et évoque aussi les mécanismes qui empêchent une victime de fuir son bourreau : le déni de ce qui se passe, la dédramatisation, la méconnaissance des aides possibles, la peur d’être encore plus en danger.

Face à cela, elle souligne la nécessité d’un courage considérable : « Partir, se faire aider, parler, porter plainte… Tout cela demande un courage énorme. Passer la porte d’un commissariat et raconter ce qu’on a vécu n’est pas anodin, mais c’est l’un des premiers pas, qui permet de reprendre en partie le dessus sur la situation. »

Prisca n’a pas toujours été aidée dans ses démarches, elle n’a pas toujours été prise au sérieux non plus, mais elle a aussi rencontré des professionnels extraordinaires, qui ont tout mis en œuvre pour l’aider. Elle a identifié des ressources. C’est ce parcours qu’elle veut rendre utile à toutes et tous.

« Les femmes ne doivent pas rester sur l’idée que tous les hommes sont mauvais. »

Prisca a identifié plusieurs besoins pour les personnes victimes de violences conjugales, et veut y répondre à travers la création d’un gîte d’accueil. « Il s’agira d’un gîte composé de containers à bateau réaménagés en logements individuels ou familiaux. Nous proposerons un accueil d’urgence sur un temps illimité. Nous développerons des activités, via des professionnels de la psychologie et surtout du bien-être, pour permettre aux personnes de se reconstruire. Nous aurons aussi des possibilités d’accompagnement juridique, judiciaire, administratif… »

Le projet, qui cherche des finances, devrait voir le jour d’ici un an maximum. Il est soutenu par son association Femme Phœnix dans laquelle Prisca accueille tous les hommes et femmes de bonne volonté.

« Je souhaite un lieu et une association mixte et non exclusivement féminine. En effet, j’ai eu la chance de rencontrer des hommes qui m’ont aidée et qui m’aident toujours. Les femmes ne doivent pas rester sur l’idée fausse que tous les hommes sont mauvais. Que les hommes soient partie prenante est important pour moi, et je trouve ça beau et touchant qu’ils veuillent s’investir. »

Elle est aidée, par exemple, par un ancien commandant de gendarmerie, elle prévoit l’embauche d’un agent cynophile (qui pourra aussi bien être un homme qu’une femme) ou les interventions d’un professeur de self-défense (idem). « Beaucoup d’hommes se sentent concernés par les violences conjugales, et ils veulent apporter leur pierre à l’édifice. Je trouve important qu’ils puissent le faire. »

Plus que tout, Prisca a à cœur d’incarner une image de joie de vivre. « Je veux montrer l’après, et le fait que ça vaut le coup de se battre. Je veux montrer que ce que l’on peut vivre après est beau, qu’il est libérateur de reprendre les rênes de son existence. Je ne dis pas que c’est facile tous les jours, mais ce que je souhaite faire comprendre, c’est que chaque pas est une joie immense et que cela se ressent même sur mon fils de 13 ans. »


En savoir plus sur l’association Femme Phœnix

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