Discours sur la nécessaire différenciation territoriale et le budget des collectivités locales

Le 14 novembre, je suis intervenu en séance afin de défendre mon rapport budgétaire sur la nécessaire différenciation territoriale, et notamment régionale, que vous pouvez parcourir sur ce lien. Comme cela s’intégrait à l’examen du budget des collectivités territoriales, j’ai aussi évoqué mon point de vue sur le pacte proposé par l’État aux 319 plus grandes collectivités qui devront s’engager à limiter la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an, contrairement aux réduction franches faites ces dernières années.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs spéciaux, chers collègues, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représentent un peu moins de 4 % des transferts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales. Ils n’en sont pas moins très attendus, et pas seulement par les élus locaux. Ils s’inscrivent dans un contexte de stabilisation des dotations aux collectivités territoriales, dont la dotation globale de fonctionnement – celle qui a baissé ces cinq dernières années. Le pacte financier proposé aux collectivités locales permet de laisser une grande responsabilité aux acteurs locaux qui connaissent les besoins de leurs territoires et leurs marges de manœuvre. Nous ne pourrons toutefois précisément juger de ce dispositif qu’au vu de l’application de ses modalités contractuelles, notamment le contrôle du respect des engagements pris, qui seront décidés par la conférence nationale des territoires.

M. Raphaël Schellenberger. Enfin, de la prudence !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Pour que tous les acteurs concernés puissent être sereins, nous devons être précis quant aux éventuels mécanismes de correction en cas d’écart constaté avec la tendance. Attention à ne pas limiter plus que de raison l’autonomie des collectivités locales !

Un député du groupe LR. Bravo !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Reconnaissons tous néanmoins que, dans son principe, la contractualisation proposée est plus respectueuse des efforts déjà réalisés par les collectivités territoriales.

M. Raphaël Schellenberger. Mais moins respectueuse de leur autonomie !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Cette année, j’ai décidé d’illustrer les effets des réformes engagées sous la précédente législature et les attentes de nos territoires en prenant l’exemple des régions : ces dernières sont en effet confrontées à de nombreux défis liés à leur taille, à leur organisation administrative, à l’hétérogénéité des territoires qu’elles regroupent et à la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle forme de coopération territoriale.

Ce travail m’a amené aux constats suivants. Les réformes passées, en particulier celle de la carte régionale, ont reposé sur deux postulats, largement remis en question aujourd’hui : le premier était que la création de vastes ensembles permettrait de répondre au morcellement de la gouvernance et d’assurer une meilleure efficacité de l’action publique ; le second que la répartition des compétences serait simplifiée par l’attribution de grands blocs à chaque échelon.

M. Fabien Di Filippo. Raté !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. C’était compter sans la résistance opposée par les réalités territoriales elles-mêmes et l’incompréhension, dans certains cas, des élus et de la population.

M. Raphaël Schellenberger. Comme en Alsace !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Par conséquent, si la carte territoriale a bien été remodelée, tout reste à construire. (M. Laurent Furst applaudit.) Tout autant que la taille ou le nombre d’habitants, ce sont les compétences, les capacités d’adaptation y compris réglementaires, et la volonté de travailler en synergie, qui comptent.

M. Pierre Cordier. Absolument !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. La priorité de ces grandes régions sera désormais de redonner un sens à l’action qu’elles mènent sur l’ensemble de leur territoire grâce à une plus grande coopération territoriale ainsi qu’à des initiatives locales destinées à adapter les règles de droit commun aux enjeux régionaux.

Ces démarches pragmatiques seront encouragées, je l’espère, chaque fois qu’elles permettront de renforcer la régionalisation, laquelle suscite beaucoup d’attentes en termes de développement économique et d’aménagement des territoires. L’attribution d’une fraction du produit de la TVA en remplacement de la DGF va donc dans le bon sens, puisqu’elle renforcera l’autonomie fiscale des régions, tombée à moins de 10 % actuellement !

Par ailleurs, j’appelle le Gouvernement à étudier avec attention toutes les demandes d’adaptation de la réglementation au contexte local. Ces possibilités d’adaptation ont été ouvertes pour les régions par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, sur l’exemple de ce qui existe pour la Corse laquelle, hélas a jusqu’à présent vu une très large majorité de ses demandes d’adaptation rester sans réponse de l’État – vingt-quatre sur vingt-six, pour deux refus. Il faut faire confiance aux territoires et faire le pari de leur intelligence collective, de leur capacité à mener de grands projets. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Il faut redonner du sens à la libre administration des territoires. Ce sont les engagements pris par notre majorité, rappelés par le Président de la République devant la première conférence nationale des territoires. C’est possible à Constitution constante, comme l’a rappelé l’ancien garde des sceaux et ancien président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas. Les exemples de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna – qui a trois rois –, de la Corse mais aussi de l’Île-de-France et de Lyon le prouvent : la France est un État fédéral, ou tout du moins dévolutif, qui s’ignore et quelquefois d’ailleurs ne se reconnaît pas.

Monsieur le ministre d’État, c’était aussi le sens de vos propos la semaine dernière, en commission élargie, lorsque vous y avez souligné, à juste titre, que la France était diverse et qu’il convenait « de s’adapter à la réalité socio-économique, différente d’un territoire à l’autre ». C’est ainsi que vous évoquez des possibilités de fusion entre départements avec élargissement de leurs compétences, notamment pour l’Alsace.

M. Laurent Furst et M. Raphaël Schellenberger. Bravo !

M. Hubert Wulfranc. Il y a des députés alsaciens ce soir dans l’hémicycle !

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Nous devrons cependant veiller à évaluer dans la loi les conséquences financières de la fusion entre collectivités départementales et régionales, ce qui n’était pas prévu, notamment pour la collectivité unique de Corse. J’espère que la création d’une collectivité unique par fusion de conseils départementaux et régionaux sera bientôt proposée dans d’autres territoires – nous attendons évidemment que l’initiative vienne d’eux. Il existe par exemple des projets en Bretagne, laquelle demande à ce que son périmètre puisse être révisé pour mieux intégrer les dynamiques régionales.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Paul Molac, rapporteur pour avis. Ce sera mon mot de la fin : les élus et les citoyens s’appropriant avant tout ce qui fait sens, il conviendra durant le mandat de prêter attentivement l’oreille à toutes leurs demandes de différenciation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe REM.)

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