Discours sur la proposition de loi sur la commune nouvelle – 2ème lecture
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M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, les Français éprouvent un fort attachement – qui parfois frise l’excès – à la commune, lieu de la démocratie locale. De fait, les maires sont les plus appréciés du personnel politique ! Nous ne sommes pas là pour supprimer les communes ou les forcer à se regrouper, mais pour prendre en compte certaines évolutions. C’est là que réside l’intérêt de cette proposition de loi.
Les communes françaises sont nombreuses – elles représentent 40 % des communes de l’Union européenne – et petites – 85 % d’entre elles rassemblent moins de 2 000 habitants. Il en résulte un émiettement des moyens financiers. Un certain nombre de maires se plaignent de ne pas avoir les moyens de leur politique et de voir, finalement, tout passer par l’intercommunalité. Il est vrai que 80 % des investissements du bloc communal sont réalisés au niveau des intercommunalités. Les maires des petites communes, ou du moins une grande partie des conseillers municipaux, ne sont pas payés et travaillent gracieusement pour la collectivité. Malgré toute l’efficacité de leur travail, ils s’aperçoivent que la mutualisation est nécessaire.
La même évolution s’est produite chez nos voisins européens, de façon toutefois plus rapide et, parfois, autoritaire. En Belgique, au Danemark ou en Allemagne, la loi a fixé à 5 000 habitants le seuil plancher d’une commune.
Le législateur a pris acte des lois existantes. La loi Marcellin prévoyait une procédure par trop complexe, à rebours de la simplicité nécessaire dans ce domaine. Notez qu’il en va de même pour les départements : la procédure était bien trop compliquée pour que les deux départements alsaciens parviennent à fusionner ; un grain de sable a suffi pour empêcher la machine d’aller jusqu’au bout.
La loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, quant à elle, a institué un nouveau régime permettant la création d’une commune nouvelle en lieu et place d’anciennes communes, sur la base d’un consensus local exprimé par les conseils municipaux ou à travers une consultation référendaire. Mais le bilan de cette loi est très maigre, puisque seules 13 communes nouvelles, regroupant 35 communes au total, ont vu le jour. Autant dire qu’avec nos 36000 communes, il reste de la marge…
D’un caractère peu autoritaire, je ne suis pas favorable à des mesures coercitives. Mais bien que plusieurs dispositifs incitatifs, y compris sur le plan financier, soient prévus, je ne suis pas certain qu’ils suffisent à amener un grand nombre de communes à se fédérer et à former une nouvelle commune. Je note les grandes précautions qui ont été prises et m’étonne qu’un seuil minimum n’ait pas été établi, alors que certaines communes comptent seulement trente, vingt, voire six habitants. Est-ce bien raisonnable ? J’avais fait en commission des lois un parallèle avec le projet de loi relatif à la délimitation des régions, dans lequel on n’a pas hésité à fusionner certaines régions de force, voire à en découper une pour en créer une autre. Je constate que la considération que l’on porte aux collectivités locales peut changer selon leur niveau. Vous me pardonnerez ce trait d’ironie.
Dans le contexte de la montée en puissance des intercommunalités, et même si le projet de loi NOTRe prévoit un certain nombre d’aménagements, le seuil de 20 000 habitants devrait s’imposer pour les EPCI dans la plupart des départements. Dans ma circonscription, des EPCI atteignent tout juste 6 000 habitants. Certains d’entre eux se demandent donc s’il ne serait pas préférable de créer une commune nouvelle, de façon à entrer dans un EPCI plus large, mais avec leurs spécificités et en gardant un certain poids démographique et financier. La réflexion est en cours dans certaines communes, et je ne sais pas encore si ce phénomène gagnera en importance.
Au passage, lorsqu’un EPCI est important – certains EPCI ruraux comptent jusqu’à 60 000 habitants –, les différents maires ne peuvent plus figurer dans l’exécutif. Certains ont donc pris l’initiative de constituer un conseil des maires, qui se réunit avant le conseil communautaire. Ne conviendrait-il pas d’institutionnaliser un fonctionnement de ce type ?
Notre groupe revendique qu’il soit fait une distinction entre les territoires et la population, ce qui existe dans beaucoup d’autres pays et fonctionne plutôt bien. On aurait pu imaginer les EPCI avec une réunion des maires d’un côté et une réunion des délégués élus au suffrage universel de l’autre, ce qui permettait d’instaurer une élection au suffrage universel dans les EPCI – niveau où se fait aujourd’hui l’investissement public. Il serait assez logique, et démocratique, que les électeurs votent directement pour des élus communautaires, qui portent un projet communautaire.
En commission, j’ai soulevé le problème des intercommunalités qui se situent à cheval sur plusieurs départements ou régions, comportant des communes souhaitant fusionner. C’est le cas de la communauté de communes du pays de Redon, à cheval sur l’Ille-et-Vilaine, le Morbihan et la Loire-Atlantique, et sur deux régions programmes, les Pays de la Loire et la Bretagne. Jean-René Marsac, Yves Daniel et moi-même avons tenté d’y remédier en première lecture, avant de constater que cette problématique semblait présenter trop de complexité à la rapporteure et au Gouvernement.
Il n’y a pourtant pas de raison objective à ne pas reconnaître de commune nouvelle dans un contexte géographique interdépartemental ou interrégional. L’article L. 2113-4 du code général des collectivités territoriales exige pour ce faire une modification des limites territoriales des départements ou régions concernés, après accord des conseils généraux et des conseils régionaux concernés. Cette disposition est tout de même très contraignante ! Néanmoins, un amendement de notre collègue Jacques Pélissard, que je salue, adopté en première lecture, prévoit en lieu et place d’un accord préalable, l’absence d’opposition motivée. Cela constitue une avancée, utilement améliorée par les amendements de la rapporteure.
Par ailleurs, un amendement au projet de loi NOTRe adopté la semaine dernière en commission des lois prévoit, à titre expérimental et pendant une durée maximale de trois ans, un assouplissement des seuils de constitution des communautés d’agglomération. Il permettra, dans le cas précis du pays de Redon, une mutualisation plus importante des compétences.
Un point de désaccord subsiste, puisqu’il est prévu que la loi littoral ne s’applique qu’au territoire des anciennes communes considérées comme communes littorales. Soucieux de préserver les côtes et l’environnement, nous aurions préféré une application plus large, car cette disposition pourrait permettre de passer outre la loi littoral.
Nous estimons que cette proposition de loi n’aura qu’une portée limitée, mais nous espérons être contredits par les faits. Nous ne voyons pas de raison de ne pas la voter.