Discours sur l’assouplissement du droit d’option départemental et la réunification de la Bretagne

Le jeudi 12 mars je suis intervenu en séance sur la proposition de loi du groupe radical visant à assouplir le mécanisme dit du droit d’option départemental.

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Cette question avait été longuement débattue lors de la loi sur la délimitation des régions. Or si ce sujet revient sur le devant de la scène à peine 3 mois après le vote définitif de la loi, c’est qu’il n’a pas été solutionné comme il le fallait. En effet, le droit d’option tel qu’il a été voté est aujourd’hui totalement inapplicable, ce qui rend notamment illusoire la perspective d’une réintégration du département de la Loire-Atlantique à la Bretagne que je défends comme une majorité des Bretons.

Compte-rendu de mon intervention

M. Paul Molac. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, trois mois à peine après l’adoption définitive du controversé projet de loi relatif à la délimitation des régions, erreur manifeste que nous ne cesserons de dénoncer, nous voici donc saisis d’une proposition de loi relative au mécanisme du droit d’option, ou plutôt du droit de choisir, preuve que la loi du 16 janvier 2015 laisse certaines blessures dans de nombreux territoires.

Le dispositif du droit d’option avait été longuement débattu. Il s’agissait d’un des points les plus discutés il y a quelques semaines. Il s’est trouvé des députés sur tous les bancs pour réclamer qu’il soit assoupli, et non des moindres, puisque le président de la commission lui-même avait défendu l’instauration d’un droit d’option assoupli.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République et M. Hugues Fourage. Eh oui !

M. Paul Molac. Il se dit même qu’un ancien premier ministre d’un département bien particulier était à la manœuvre pour éviter que ce droit d’option soit un peu allégé, simplifié. (« Oh ! Non ! » et sourires sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Hugues Fourage. C’est une insinuation !

M. Paul Molac. N’est-ce pas… Mais cela laisse à penser qu’un déploiement d’énergie considérable en coulisses a finalement empêché que le peuple puisse tout simplement s’exprimer, le plus librement possible, dans un département. D’ailleurs, contrairement à ce que nous avons pu entendre lors de la réunion de la commission des lois la semaine dernière, certains candidats aux élections départementales défendent bien évidemment, dans leur programme de campagne, la réintégration de la Loire-Atlantique à la Bretagne. À l’invitation de l’association Bretagne réunie, des dizaines de binômes se sont engagés à demander l’organisation d’une consultation populaire par le département sur la question, ainsi que l’inscription à l’ordre du jour du conseil départemental de la demande de changement de région d’appartenance.

M. Hugues Fourage. Peu de candidats font campagne sur ce thème !

M. Paul Molac. À l’impossible, nul n’est tenu, surtout au vu des verrous qui demeurent, dont le plus important est pour nous le droit de veto de la région de départ. Les futurs élus auront, à n’en pas douter, du pain sur la planche.

Mme Claudine Schmid. Ils en ont déjà !

M. Paul Molac. C’est ce qu’a bien compris la société civile qui, face au blocage institutionnel, a décidé de se prendre en main en organisant des votations citoyennes dans le département de la Loire-Atlantique et dans le reste de la Bretagne. Ainsi, à l’instigation de l’association Dibab – « Choisir », en breton – trois votations citoyennes ont déjà eu lieu, en attendant des dizaines d’autres, dans les communes de Saint-Viaud et Soudan, en Loire-Atlantique, et de Langouët, en Ille-et-Vilaine. Le taux de participation y fut de l’ordre de 20 %, ce qui est très élevé pour une consultation illégale, ou tout au moins non officielle. Certaines élections départementales, pourtant bien légales, ne voient parfois pas plus d’électeurs se déplacer !

M. Jacques Krabal, rapporteur. C’est vrai !

M. Paul Molac. On peut donc y voir l’expression d’un véritable sentiment populaire. Évidemment, les résultats de ces votations étaient de 75 % à 80 % pour la réintégration de la Loire-Atlantique à la Bretagne… Il y a donc un véritable décalage entre les verrous imposés par le droit d’option tel qu’il a été voté il y a trois mois et la volonté démocratique exprimée par les citoyens.

Ainsi, cette proposition de loi vise à supprimer la majorité des trois cinquièmes nécessaire à l’accord du département, de la région de départ et de la région d’arrivée, majorité qualifiée qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. C’est sur ce point que nos discussions s’étaient attardées, et il s’en est fallu de très peu pour qu’un certain nombre d’amendements la supprimant, notamment les miens, ne soient adoptés – à quatre voix près, pour certains !

Pour nous, le plus important était de faire sauter le droit de veto de la région de départ, qui rend totalement illusoire la mise en œuvre de ce mécanisme.

M. Jacques Krabal, rapporteur. Là, je ne suis pas d’accord !

M. Paul Molac. Nous nous étions d’ailleurs interrogés sur la constitutionnalité de ce droit de veto. Dès lors, nous avons été fortement étonnés que l’UMP, au mépris de certains de ses membres qui se faisaient les hérauts de la défense du droit d’option, n’ait pas fait figurer dans sa saisine du Conseil constitutionnel les doutes sur la constitutionnalité de ce mécanisme qui s’apparente à une tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre.

Contrairement aux communautés de communes, souvent citées en exemple, les départements ne se sont à aucun moment réunis pour créer une région. La région n’a jamais été un syndicat mixte de départements et de communes, ni a fortiori un établissement public de coopération interdépartementale.

Il n’y a strictement aucune raison de demander à une région d’émettre un avis sur le départ de l’un de ses membres, sauf à admettre le principe anticonstitutionnel que la région puisse exercer une tutelle sur une autre collectivité, en l’occurrence un département. Les départements n’ayant pas créé la région, la région ne peut empêcher une collectivité, autonome en vertu de la Constitution, de suivre sa propre voie, dans son ressort ou dans celui d’une autre région. Quelque louable que puisse être l’intention de notre rapporteur, dont je souligne la constance, lorsque l’on s’interroge sur le niveau de la majorité requise, simple ou des trois cinquièmes, on oublie l’essentiel : le sort des conseils généraux regarde soit le conseil général et ses habitants, soit le législateur, mais pas une région tierce.

Nous n’aurons donc pas de réponse précise à cette question, puisque l’UMP n’a pas saisi le Conseil constitutionnel et que ce dernier ne s’est pas auto-saisi sur ce point. Au passage, il s’en est fallu de très peu que l’ensemble de la loi de délimitation des régions ne soit jugée inconstitutionnelle : il aura fallu une contorsion du Conseil constitutionnel pour ne pas l’annuler, bien que j’eusse réellement contesté en séance l’interdiction de déposer en lecture définitive les amendements adoptés au Sénat. Mais le Conseil constitutionnel sait faire preuve de souplesse quand il le souhaite, les exemples de validation des comptes de campagnes d’anciens candidats à l’élection présidentielle sont là pour nous le rappeler.

En définitive, mes chers collègues, nous comprenons que le débat sur la question du droit d’option a déjà eu lieu, mais s’il revient aujourd’hui, c’est que rien n’a été réglé.

M. Jacques Krabal, rapporteur. Exactement !

M. Paul Molac. Loin du big-bang institutionnel auquel on veut nous faire croire, ce droit d’option ne concernerait qu’une demi-douzaine de départements.

Comme une motion de rejet préalable sera défendue tout à l’heure par le groupe SRC, je profite de cette discussion générale pour évoquer brièvement les amendements que nous aurions défendus.

Ainsi, nous aurions souhaité remplacer le droit de veto de la région de départ par une simple consultation pour avis de cette dernière, mais aussi mettre en place un mécanisme d’initiative populaire qui manque cruellement aujourd’hui.

Par ailleurs, un de nos amendements consistait à supprimer la date limite d’utilisation du mécanisme, fixée au 1er janvier 2019. La carte de nos collectivités ne saurait être figée une fois pour toutes. On peut d’ailleurs parier qu’en cas d’abrogation de cet article en 2019, une future majorité sera contrainte d’inventer un nouveau droit d’option, car il restera toujours des départements souhaitant un changement de région ou une fusion avec un département voisin. Vous pouvez d’ailleurs compter sur votre serviteur, s’il est encore là, pour déposer lui-même une proposition de loi sur ce thème ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Le Breton est tenace !

M. Paul Molac. Vous l’aurez compris, mes chers collègues : nous sommes favorables à cette proposition de loi, même si son adoption ne réglerait pas le fond du problème puisqu’elle maintiendrait le droit de veto de la région de départ, en son temps dénoncé par le regretté Guy Carcassonne. Nous comprenons que nous ne pourrons y revenir aujourd’hui, mais nous continuerons, avec les associations et la majorité de la population derrière nous, d’essayer de faire sauter ces verrous institutionnels profondément jacobins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)