Editorial. « L’hôpital en surchauffe »
« Dans la campagne actuelle des présidentielles, on ne peut pas dire que les préoccupations des ruraux soient prises en compte. Le logement, la hausse du prix du carburant, le pouvoir d’achat et la santé sont des thèmes peu abordés. Le petit monde médiatique parisien préfère donner la parole a des provocateurs qui jouent sur des peurs dont certaines sont hypothétiques. La crise actuelle du covid a mis en relief les difficultés de l’hôpital. Beaucoup de mesures sont prises pour éviter un afflux de malades dans un hôpital à la limite du « burn out ». La capacité de réaction et d’accueil de l’hôpital en France sont donc limitées.
Pourquoi l’hôpital est-il en surchauffe ? Deux explications me paraissent directement liées à des choix politiques. Le premier est la tarification à l’acte mise en place par jean Castex en 2005, alors directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère de la Santé (DHOS). Conséquence de cette mesure : les hôpitaux sont payés en fonction des actes chirurgicaux effectués. Si le patient reste peu de temps, l’établissement fait des résultats positifs par contre si l’hospitalisation dure, il perd de l’argent. Cela explique pourquoi certaines cliniques se sont lancées dans des opérations répétitives, limitées à un organe. Quand on aborde la santé de personnes polypathologiques ou atteintes d’affections longues, le financement devient plus compliqué et pas forcément à la hauteur des besoins. En outre, les capacités hospitalières ont été calculées, par exemple en réanimation, en fonction de l’âge de population et de la quantité moyenne de maladies qui touchent cette population. Les pandémies occasionnelles n’ont pas été prise en compte… En plus, le numerus clausus des personnels hospitaliers a été calibré de la même façon. La conséquence est que certains lits sont fermés par manque de personnel…
Parmi le manque de personnel, le plus criant est le manque de médecins. Pas de hasard là non plus car les étudiants de première année de médecine sont nombreux mais trop peu sont acceptés en deuxième année car il existe une limitation du nombre d’étudiants pouvant accéder à la 2e année de médecine : le numerus apertus Depuis 2014, je pose régulièrement la question de la suppression de ce « numerus » aux différents ministres de la Santé avec toujours les mêmes réponses négatives. Il est vrai que Paris Centre n’est pas atteint par la désertification médicale sinon il y a fort à parier que l’on en parlerait plus sur les plateaux télés et que le problème serait déjà réglé… Le résultat est clair : nous avons du mal à nous soigner et les médecins intérimaires à l’hôpital sont payés très chers ce qui plombe les comptes des établissements qui doivent y avoir recours. Cela concerne souvent de petits établissements de campagne.
Pour régler ces deux problèmes, il faut d’une part libérer la formation des médecins et supprimer le numerus apertus. Ce gouvernement, devant les remontrances des députés ruraux l’a augmenté de 20%, ce qui est notoirement insuffisant pour régler le problème. D’autre part, la solution passe par un meilleur financement de la santé. C’est tout à fait faisable. Les exonérations massives de cotisations sociales effectués depuis longtemps et accélérées sous ce quinquennat s’élèvent à 64 milliards d’euros. Cette somme est largement suffisante à nos besoins sociaux y compris au financement des retraites. L’État devrait compenser ces exonérations mais il ne le fait pas et met la sécurité sociale en déficit. Cela ne peut pas durer sans dégrader à long terme le système de santé dont l’hospitalier.
Le financement de la Sécurité Sociale et le recrutement des médecins ont des conséquences directes sur le maillage territorial des hôpitaux. La tentation est grande pour nos technocrates de vouloir tout concentrer dans les grands centres urbains ce qui me paraît inacceptable. Ce combat est essentiel pour la santé publique et la vitalité du milieu rural. C’est tout simplement une question d’égalité devant l’accès aux soins. »