Effets désastreux de la réforme du bac sur l’enseignement des langues régionales

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question écrite n° 30766 à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur les conséquences désastreuses de la réforme du bac sur l’enseignement des langues régionales.

Question publiée au JO le  : 30/06/2020

M. Paul Molac alerte M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur les conséquences désastreuses de la récente réforme du baccalauréat sur l’enseignement des langues régionales. En effet, en plus d’instaurer des épreuves rénovées, la réforme a mis un terme aux séries L, ES et S. Pour rappel, auparavant, au sein de la série L, il était possible de choisir la langue régionale comme LV2, à l’écrit comme à l’oral, avec un coefficient 4 représentant un peu plus de 10 % de la note finale. Ce coefficient était doublé si l’élève choisissait l’enseignement dit approfondi, et la langue régionale pouvait par ailleurs être choisie comme LV3. Dans les autres séries (ES, S et voie technologique), la langue régionale pouvait être choisie, mais en LV2 seulement, et avec des coefficients nettement moins avantageux. Malheureusement, avec la nouvelle réforme et la fusion des anciennes filières, c’est une harmonisation par le bas qui s’est opérée à l’encontre des langues régionales. La nouvelle réforme conserve la LV2 (désormais appelée LVB), et elle seule, dans le cadre des enseignements communs, sur le mode du contrôle continu, avec un coefficient qui ne représente plus que 6 % de la note finale. Quant à la possibilité de choisir la langue régionale en LV3 (LVC dans la terminologie nouvelle), cette possibilité ne s’inscrit plus dans le cadre des enseignements communs jusqu’ici possibles en série L, mais uniquement comme enseignement optionnel, en concurrence avec quatre autres options. Par ailleurs, dans la voie technologique, cela n’est autorisé que pour une filière, qui est celle de l’hôtellerie et restauration. Autre nouveauté : avec la réforme il n’existe plus qu’une option facultative pour les langues et cette seule option possible n’a plus d’attractivité en ce sens qu’elle ne représente que 1 % de la note finale et qu’elle peut même faire perdre des points, ce qui n’était pas le cas précédemment. En réaction, les associations de promotion des langues de France ont demandé à ce que le coefficient soit aligné sur celui dont bénéficient les langues anciennes (coefficient 3). Cette demande n’a jamais été prise en considération. En plus de dévaloriser le breton dans le cadre de l’option facultative par un poids ridicule dans la note finale du baccalauréat, il est devenu impossible pour de nombreux lycéens de choisir le breton en LVB malgré leur demande au rectorat. Le motif invoqué est que certains lycées ne seraient habilités à enseigner que le breton en LVC. Pourtant, un enseignant de breton est capable de préparer les élèves à n’importe quelle épreuve du bac. Certains lycées parlent donc de retirer l’autorisation de choisir une LVC (espagnol ou allemand) pour les lycéens qui voudraient prendre le breton en LVB, de quoi affaiblir la possibilité de choisir le breton pour les élèves. La réponse proposée aux élèves sans possibilité de suivre des cours de breton en présentiel est une orientation vers l’opérateur public de l’enseignement à distance : le Centre national d’enseignement à distance (CNED). L’invraisemblance de cette réponse réside dans le fait que le CNED n’assure aucun cours de langues régionales, ce qui a pour conséquence de rompre la continuité pédagogique de l’enseignement des langues régionales. Les effets néfastes de la réforme se remarquent aussi dans le choix des spécialités en langues régionales (LLCER). Seuls 87 lycéens sur toute la France ont choisi cette option en langue régionale ! Les spécialités de latin et de grec ont accueilli beaucoup plus d’élèves car il est possible de les cumuler avec une spécialité anglais, ce qui n’est pas possible pour le breton. Effectivement, les langues anciennes conservent leur coefficient puisqu’elles se trouvent être la seule option cumulable avec une autre, laissant complètement pour compte les langues régionales. Cette réforme exclut toute possibilité de présenter le breton au bac, que ce soit en LVB ou LVC, si l’élève ne suit pas de cours de langue bretonne dans son établissement ; et comme les possibilités de poursuivre un enseignement de langue bretonne se sont amoindries avec les nombreuses fermetures de cours de breton dans les lycées au cours de ces 15 à 20 dernières années, les chances pour les élèves de pouvoir poursuivre le breton avec leurs choix ou possibilités d’orientation générale, technologique, technique ou professionnelle sont extrêmement restreintes. D’ailleurs, à titre informatif, il est rappelé que seuls neuf lycées proposent actuellement l’option breton en Bretagne et que seulement six, au total, assurent un enseignement bilingue breton-français. Autre fait révélateur de la relégation de la langue bretonne : il n’est toujours pas autorisé de rédiger en breton pour les spécialités d’histoire-géographie et de mathématiques pour le baccalauréat 2021, puisque, selon le rectorat, seules « les épreuves du contrôle continu (E3C), qui concernent l’enseignement scientifique, ou l’enseignement de spécialité présenté en fin de première, pourront se dérouler avec une rédaction en langue bretonne ». Le breton est donc relégué à une évaluation en interne. Pourtant, depuis plus d’une vingtaine d’années les élèves pouvaient rédiger en breton ; preuve qu’il y avait, avant la réforme, assez de professeurs d’histoire-géographie compétents pour corriger les copies rédigées en breton. Toutes ces évolutions mettent clairement à mal l’enseignement de la langue bretonne. D’ailleurs, les chiffres le prouvent : avec la réforme du baccalauréat, la baisse des effectifs en langues régionales dans les lycées s’est révélée brutale. Pourtant, la Constitution, par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Ve République, qui affirme que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », devrait confirmer la volonté institutionnelle d’œuvrer pour la préservation et la valorisation des langues régionales. C’est pourquoi, alors que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse se dit prêt à adapter la réforme par l’intermédiaire d’un « comité de suivi », il demande au Gouvernement de respecter la Constitution, la loi Peillon qui dispose que l’enseignement des langues régionales doit être favorisé et les conventions signées par l’État afin de stopper ses politiques « linguicides » et, a contrario, d’opter en faveur de politiques linguistiques porteuses d’espoir pour l’avenir des langues régionales. En ce sens, il revendique la possibilité d’enseigner le breton en LVB dans tous les lycées qui proposent la discipline, quitte à transformer le statut de LVC en LVB pour certains d’entre eux, d’autoriser les lycéens à passer le breton en candidat libre même quand l’offre fait défaut au lycée, de permettre à tous les élèves qui choisissent une LVB breton d’avoir la possibilité de choisir une LVC, de rendre compatible la spécialité breton avec d’autres langues (anglais, espagnol ou allemand) comme pour les spécialités littérature et langues et cultures de l’Antiquité, et d’autoriser les lycéens à rédiger en breton pour les spécialités d’histoire-géographie et de mathématiques. Il souhaite connaître son avis sur ces sujets.

Réponse du ministère.

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