La protection des paysans d’Afrique subsaharienne contre les multinationales
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question écrite n°81530 au ministre des affaires étrangères et du développement international sur la protection des paysans d’Afrique subsaharienne contre les multinationales qui s’accaparent leurs terres.
Question publiée au JO le : 16/06/2015
Réponse publiée au JO le : 01/12/2015
Texte de la question
M. Paul Molac attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la question de l’accaparement des terres par les multinationales au détriment des paysans en Afrique subsaharienne. La NASAN (Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition), mise en place en 2012 et dont la France est aujourd’hui le troisième contributeur, a paradoxalement des retombées très négatives sur les paysans en tant qu’elle les place au cœur d’un système de concurrence déloyale qui les dépossède peu à peu de leurs terres. Face à l’arrivée massive de multinationales de l’agro-alimentaire, les paysans n’ont plus d’autre choix que de se lier par contrat à ces multinationales. Ce type de contrat fragilise les paysans en les contraignant à payer des services même en cas de mauvaise récolte ou d’absence de récolte. Ainsi, beaucoup de paysans s’endettent et ne peuvent résister indéfiniment face aux géants de l’industrie. Ils finissent par céder à l’accaparement de leurs terres. L’amélioration de la sécurité alimentaire que prévoit la NASAN ne peut pas se faire sans la participation des paysans locaux au développement de leur agriculture. Il lui demande donc quelles mesures peuvent être prises pour garantir la protection des paysans d’Afrique subsaharienne dans le cadre de cette alliance.
Texte de la réponse
La sécurité alimentaire et nutritionnelle est une priorité de la politique de développement de la France. La France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois et respectueuse des écosystèmes dans toutes les instances où elle est présente. C’est cette position qu’elle porte depuis le début de son engagement au sein de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN). Les besoins de financement pour développer l’agriculture africaine, et les agriculteurs familiaux en particulier, sont conséquents. L’investissement public est évidemment essentiel pour répondre à ces enjeux. La France a d’ailleurs augmenté sa contribution au secteur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle depuis 2009 (819 millions € en 2014 soit + 60 %). L’investissement privé peut être un levier pour renforcer la sécurité alimentaire. Pour cela, il doit respecter un certain nombre de règles et ne pas nuire à l’agriculture familiale locale. La France soutient et promeut notamment l’application des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers (VGGT) et des Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires (RAI) adoptés par le Comité de la sécurité alimentaire mondiales (CSA) en 2012 et 2014. La France est consciente des inquiétudes que suscite la NASAN et partage une partie des critiques formulées par les ONG, notamment sur le manque de transparence dans la gouvernance et l’absence de règles définissant les investissements à privilégier. La France a réussi à obtenir un certain nombre de réformes au sein de la NASAN. La dernière en date est l’adoption d’un cadre d’analyse des investissements à emprise foncière. Cet outil constitue un cadre utilisable par les entreprises et les professionnels en charge des études d’impact de projet pour s’assurer que les investissements privés n’aient pas d’impacts négatifs sur les communautés locales et sur l’environnement. Il regroupe une série de questions auxquelles une entreprise doit répondre afin d’analyser si elle suit les recommandations des directives volontaires pour la gouvernance des régimes fonciers (DV) et une série d’actions qu’une entreprise doit réaliser pour corriger les défaillances identifiées par les réponses aux questions. La France continue d’œuvrer pour réformer cette initiative, et le fait en étroite concertation avec les organisations de la société civile au travers du Groupe interministériel sur la sécurité alimentaire (GISA). Un des objectifs du GISA pour les mois à venir est de préparer un processus inclusif de révision du cadre de coopération de la NASAN au Burkina Faso, où la France est chef de file de l’initiative, pour veiller à ce que la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et le développement de l’agriculture familiale locale soient davantage pris en compte.