L’autorisation d’épandage du produit toxique Malathion dans les territoires d’outre-mer
QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question écrite n°70857 à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur les conséquences de l’autorisation d’épandage du produit toxique Malathion dans les territoires d’outre-mer.
Texte de la question
M. Paul Molac attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur les conséquences de l’autorisation d’épandage du produit toxique Malathion dans les territoires d’outre-mer. La situation est préoccupante, puisque la Guyane a débuté le 18 novembre 2014 son utilisation. De nombreuses associations guyanaises de protection de l’environnement et de la santé ont alerté concernant la mise sur le marché et l’utilisation comme insecticide du Malathion, par arrêté du 5 août 2014, dans le but de lutter contre la propagation du virus du chikungunya. S’il tient à saluer les initiatives du Gouvernement dans la lutte anti-vectorielle menée en Guyane, notamment concernant les épidémies de dengue et de chikungunya, il s’interroge sur la pertinence de recourir au Malathion compte tenu de sa nocivité pour les populations et les habitats naturels alors même que l’ANSES confirme que son efficacité pour atteindre l’objectif recherché n’est pas avérée. Ainsi, dans le souci du respect du droit des habitants à vivre dans un environnement sain, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quels éléments sont à l’origine de cette décision et quelles sont les mesures mises en place par les services concernés afin d’assurer la parfaite sécurité sanitaire des populations et la sauvegarde de la biodiversité.
Texte de la réponse
Les risques pour la santé humaine et l’environnement liés à l’utilisation des pesticides sont désormais bien établis. Il est donc nécessaire de poursuivre toutes les actions pour que les usages de pesticides diminuent chaque fois que cela est possible et, lorsqu’ils doivent être utilisés, pour protéger l’environnement et la santé humaine. L’arrêté du 5 août 2014 a autorisé, pour une durée limitée à 180 jours, l’utilisation de produits insecticides à des fins de lutte anti-vectorielle et des traitements ont débuté en novembre. Cette mesure temporaire visait à contribuer à la lutte contre la propagation de l’épidémie de chikungunya, qui a connu un fort développement en Guyane tout au long de l’année 2014 et qui a touché plusieurs milliers de nos concitoyens (près de 15 000 cas cliniquement évocateurs recensés à la fin du premier trimestre 2015). Les moyens disponibles pour prévenir l’accélération de cette épidémie, qui est transmise par le moustique tigre, se sont avérés insuffisants. En effet, en complément des mesures préventives (lutte contre les larves de moustiques, destruction des gîtes favorables à leur développement), il est nécessaire de lutter contre les moustiques adultes, en s’appuyant sur des insecticides à base d’une substance active nommée deltaméthrine. Or l’usage exclusif de cette substance a conduit au développement d’une résistance croissante des moustiques. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dans un avis du 18 mars 2014, a confirmé l’insuffisance des solutions mises en place et les résistances à la deltaméthrine. Parmi les options identifiées et susceptibles d’être disponibles à brève échéance, une autre substance active, le malathion, a été identifiée en priorité. Sur la recommandation de l’Anses, des essais complémentaires ont été réalisés et ont confirmé la bonne efficacité du malathion dans la lutte contre le moustique tigre. Si l’on pouvait s’attendre à une bonne efficacité du malathion sur le terrain, il est important, pour limiter le développement de la résistance observée, qu’il soit utilisé pendant une durée limitée. Par ailleurs, comme beaucoup de pesticides, le malathion est une substance dangereuse qui, si elle doit être utilisée, ne peut l’être qu’avec de grandes précautions. C’est pourquoi le Haut Conseil de santé publique (HCSP) avait été sollicité afin de préciser les conditions d’utilisation du malathion et les mesures de gestion supplémentaires et de surveillance ciblée en direction des opérateurs et de la population. Son avis, remis le 2 juillet 2014, comportait plusieurs préconisations pour prévenir les risques pour la santé et l’environnement. Toutes ces mesures de prévention ont été reportées dans l’arrêté du 5 août 2014, qui prévoyait en particulier des zones, une formation des agents chargés de l’application, une protection particulière des agents par le port d’équipements de protection individuels, une durée de traitement réduite ou encore l’information des riverains préalablement aux pulvérisations. Ces différentes dispositions visaient à rechercher une utilisation aussi réduite que possible de ces insecticides, tout en atteignant le niveau de protection contre le chikungunya que la population guyanaise était en droit d’attendre. En outre cet arrêté prévoyait également qu’au terme de cette dérogation, un rapport soit établi par les structures chargées de la mise en oeuvre de ces opérations de lutte anti-vectorielle, c’est-à-dire le Conseil général de la Guyane et l’Agence régionale de santé de Guyane. Ce rapport, qui abordera, en autres sujets, l’impact de l’emploi de ce produit sur l’environnement et son efficacité pour lutter contre ce moustique vecteur, sera remis aux ministres chargés de l’environnement, de la santé et de l’Outre-mer. Plus récemment, le 20 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer a modifié son classement du malathion comme cancérigène probable pour l’homme. Dés lors, dans l’esprit du principe de précaution, les ministères précités ont aussitôt décidé, par arrêté conjoint du 27 mars 2015, de mettre un terme immédiat à la disposition sur le marché et à l’utilisation du malathion en Guyane. A plus long terme, il est souhaitable que puissent être mises en oeuvre d’autres modalités de prévention de cette maladie minimisant encore le recours aux pesticides toxiques, dans la continuité de l’action menée dans le domaine agricole face aux risques des produits phytopharmaceutiques.