Menaces sur le Crédit Immobilier de France

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT – Question n° 6355 adressée au ministre de l’Économie et des Finances

Question publiée au JO le : 09/10/2012
Réponse publiée au JO le : 25/12/2012

Texte de la question

M. Paul Molac attire l’attention de M. le ministre de l’Économie et des finances sur les menaces qui pèsent sur le Crédit immobilier de France (CIF), ses missions, sa clientèle spécifique et l’avenir de son personnel. Le CIF est un établissement bancaire spécialisé dans les prêts immobiliers aux foyers les plus modestes : acquisition, rénovation mais également lutte contre l’habitat indigne et la précarité énergétique en lien avec l’ANAH au travers du réseau Procivis des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP).
Il a permis à de nombreuses familles, en particulier modestes, de pouvoir accéder à la propriété. Le problème du Crédit immobilier de France est lié au statut d’établissement financier sans couverture bancaire qui a conduit à une perte de trois points dans la notation de Moody’s. En effet, depuis la crise financière de 2008, les investisseurs sont réticents à financer à court terme des établissements qui distribuent ensuite des crédits sur plusieurs dizaines d’années. Si l’État a apporté sa garantie au CIF, on ne peut que s’interroger sur l’interdiction faite au CIF par Bercy d’accorder de nouveau prêts (gestion en extinction de l’établissement). Après l’arrêt de production de prêts du CIF, nombre de ses clients risquent de ne pas être acceptés par les autres banques pour financer leur logement. Leurs revenus seront jugés insuffisants pour répondre aux nouvelles exigences et nouveaux critères des banques : durée maximum du prêt fixé à vingt ans, taux d’endettement maximum fixé à 33 %, montant maximum finançable fixé à 80 % de l’acquisition.
La clientèle habituelle du CIF risque de se retrouver exclue de l’accession à la propriété, faute de répondre à ces critères. Les très nombreux foyers avec deux petits salaires seront immédiatement touchés. Pour éviter la disparition d’un outil indispensable dans cette période de chômage et de pénurie de logements, il est nécessaire de trouver un adossement auprès d’une banque ou de la Caisse des dépôts, acteur important du financement du logement social. Comme pour la Banque publique d’investissement dans le domaine du soutien aux entreprises, il serait opportun d’envisager la création d’une grande banque publique du logement dans laquelle serait intégré le CIF, son personnel et ses missions. Il le remercie de lui indiquer de quelle façon il compte à la fois préserver l’emploi des salariés et les missions du CIF.

Texte de la réponse

La situation du Crédit immobilier de France (CIF) mobilise pleinement l’attention du Gouvernement. Le 28 août dernier, la dégradation par Moody’s de la notation du CIF a conduit l’Etat, à la demande du Conseil d’administration, à lui octroyer sa garantie. Le CIF était alors sur le point de faire faillite. Pour autant, le Gouvernement n’a pas découvert ce dossier dans les derniers jours d’août. Depuis sa prise de fonction il s’est efforcé de régler au mieux un dossier dont il a hérité à son arrivée aux affaires.
Depuis février 2012, la nécessité pour le CIF de trouver un repreneur était devenu impérative pour éviter la faillite. Dès sa prise de fonction, le Gouvernement a cherché toutes les solutions qui auraient permis au CIF de maintenir son activité en l’état. Tout a été fait pour favoriser un adossement mais ce n’est qu’en juin et sous la pression du Gouvernement que la direction du CIF a accepté de rechercher un repreneur. Cette ultime tentative a échoué et aucun repreneur ne s’est manifesté, soulignant ainsi que plus personne ne croyait à la viabilité de la banque.
Cette situation relève en grande partie de la responsabilité de la précédente direction du CIF, qui avait choisi d’ignorer, voire de contester, y compris devant les tribunaux, les décisions de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui l’avait alerté à plusieurs reprises sur la dangerosité de son modèle économique et de ses choix stratégiques. Conformément au droit communautaire, l’intervention de l’État dans de telles circonstances implique que le CIF ne peut désormais plus produire de nouveaux prêts et doit être placé en gestion extinctive. Les discussions menées par le Gouvernement ces dernières semaines, dans un esprit d’ouverture, avec la direction du CIF ont confirmé qu’il n’existait pas d’alternative économiquement viable et conforme au droit communautaire à cette mise en extinction. L’intervention de l’Etat ne peut pas réparer l’irréparable, mais elle permet de gagner le temps nécessaire pour que l’entreprise mette en oeuvre des solutions pour limiter l’impact sur l’emploi, en essayant notamment de trouver des partenaires pour ses différentes activités et les salariés qui y sont attachés. Ce processus doit être mené à bien rapidement.

C’est dans ce cadre que le Gouvernement a demandé au Parlement de voter la garantie que l’Etat accorde au CIF dans le projet de loi de finances pour 2013. Le Gouvernement est conscient par ailleurs de ce que l’arrêt de l’activité du CIF suscite des inquiétudes sur l’offre en matière de prêts à l’accession sociale à la propriété dont il représentait 10 à 20 % du marché selon les critères. C’est pourquoi il a demandé à ce que des discussions soient menées avec La Banque Postale afin d’examiner dans quelles conditions l’activité du CIF en matière d’accession sociale à la propriété pouvait être reprise et des solutions d’embauche offertes à un nombre significatif de salariés.
À l’issue de ces discussions, la Banque Postale a indiqué publiquement s’engager à développer, en plus de sa production actuelle, une nouvelle offre en matière de prêts à l’accession sociale à la propriété à destination des ménages les plus modestes. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à la mise en oeuvre de ses engagements par La Banque Postale. Par ailleurs, afin de s’assurer que, conformément à ce qu’elles ont indiqué publiquement début octobre, l’ensemble des banques maintiennent et développent leur offre en matière d’accession sociale à la propriété, le Gouvernement a décidé de proposer de recentrer le dispositif du prêt à taux zéro sur les ménages modestes.

Le nouveau dispositif facilitera la solvabilisation des ménages en accession sociale à la propriété. Il s’agit là d’une réponse supplémentaire à la situation dont le Gouvernement a hérité et à laquelle il s’efforce de remédier. Il convient par ailleurs de ne pas entretenir de confusion entre l’activité du CIF et celles de ses actionnaires, les SACICAP. Celles-ci mènent des missions sociales (lutte contre l’habitat indigne, lutte contre la précarité énergétique, rénovation de copropriété dégradée…) qui étaient en partie financées par les dividendes que le CIF leur versait.
Là encore, le Gouvernement s’attache à trouver une solution pour permettre aux SACICAP de poursuivre la réalisation de ces missions. Enfin l’aspect social est bien évidemment au coeur des priorités du Gouvernement. Il convient toutefois de souligner que la garantie de l’Etat permet d’éviter la catastrophe qu’aurait été la mise en liquidation inévitable sans la garantie et donne du temps pour trouver des solutions de reclassement.
Le Gouvernement redit à nouveau sa conviction que des solutions doivent pouvoir être trouvées pour les salariés du CIF :
– un nombre significatif d’entre eux conserveront leur emploi dans le cadre de la gestion extinctive du CIF lui-même ;
– d’autres sont salariés de filiales qui peuvent être cédées rapidement ;
– d’autres enfin pourront recevoir des offres d’embauche de la part de La Banque Postale dans le cadre du développement de sa nouvelle offre en matière d’accession sociale à la propriété. La Banque Postale s’est ainsi engagée à reprendre 300 salariés du CIF.
Par ailleurs, les principaux réseaux bancaires membres de la FBF ont indiqué être prêts à examiner en priorité les candidatures des salariés du CIF dans le cadre de leur politique de recrutement.