Nathan Bernard, alias Spyreau. Les mots et la musique comme une mine d’or pour ce rappeur pénestinois

Le point commun de beaucoup d’artistes et créateurs, c’est qu’ils osent être là où personne ne les attendait, et où rien ne les prédestinait. Ils ont souvent construit un chemin personnel sensible, mus par des passions qui les transportaient dans des univers qui, a priori, n’étaient pas les leurs. Nathan Bernard, alias Spyreau, rappeur, est de ceux-là. Il est né et il a grandi à Pénestin, loin des milieux urbains du rap. Il n’a pas suivi de cursus littéraire, mais il aime écrire et s’en donne à cœur joie. À 23 ans, il met en place, peu à peu, mais avec constance et rigueur, les bases d’une carrière en laquelle il croit dur comme fer.

« Entre 4 murs, en face de moi 4 oiseaux… »

L’écriture, pour Nathan, a commencé au lycée. En bac pro Services aux personnes et au territoire, il découvre le plaisir d’agencer les mots grâce à un atelier de slam, proposé par l’association NCA Tranq’s et dirigé par Pamphile Hounsou, qui deviendra son mentor. « Mon premier texte s’intitulait “Le Tribunal de la vie”. J’ai voulu parler du fait que l’on était tous constamment jugés. J’ai toujours eu peur du regard des autres, c’est même ce qui, jusque-là, m’avait empêché d’écrire : j’avais peur du jugement. » Pendant un an, Nathan fait du slam. « Les premiers mois, j’étais à fond, puis quand j’ai commencé à être confronté à des difficultés, j’ai fait une pause. J’ai pensé que je n’étais pas capable. Ce n’était pas que je ne voulais pas travailler, c’était mon manque de confiance en moi qui revenait. » À la même période, il décide de changer de voie professionnelle. Très sensible, il vit des émotions qui le submergent dans son métier du service à la personne. Il se dirige vers un BTS Assistant de gestion. Cette période, avec un changement de repères, est difficile. Il se sent perdu. Il passe de la déprime à la dépression, et de la dépression à une tentative de suicide. « J’ai été interné en hôpital psychiatrique, car j’étais un danger pour moi-même et pour les autres. Quand je suis arrivé en urgence, il n’y avait pas de place disponible dans le service adéquat. J’ai passé ma première nuit dans l’unité Alzheimer. J’étais entre quatre murs, je regardais dehors, par une grande fenêtre. J’ai vu des oiseaux. J’ai commencé, dans ma tête, à composer : “Entre 4 murs, en face de moi 4 oiseaux…” En fait, il n’y en avait que 3. Est-ce que j’avais droit de faire comme s’il y en avait 4 pour écrire ? C’est idiot, mais j’hésitais. C’était comme s’il me fallait un déclic, une confirmation. Et là, un quatrième oiseau est arrivé, et je me suis lancé. J’ai composé ce texte. Pendant la semaine qui a suivi, alors que j’étais toujours à l’hôpital, je me suis remis à écrire des textes de rap et à travailler la musique. Ça m’a sauvé. Et surtout, j’ai pris conscience que si ça m’avait sauvé une fois, ça me sauverait toutes les autres fois. »

Le rap comme défouloir

Nathan a choisi le rap comme exutoire. « J’ai naturellement un caractère calme et réservé. Avec le rap, ce que je ne me permets pas en tant que personne, je me le permets dans mes écrits. J’exprime ma colère, mais une colère qui a un sens, pas une colère gratuite. » Il retrouve dans ce style musical une certaine violence et marginalité, un son brut qui lui permet de s’exprimer librement.

Ses textes, Nathan les travaille assidûment. Il écrit beaucoup. « Je fais en sorte d’écrire un à deux textes par semaine, pour m’exercer, pour progresser. Je suis dans une compétition constante vis-à-vis de moi-même, car je veux m’améliorer, en tant qu’artiste, mais aussi en tant que personne. » Il est accompagné, dans son cheminement créatif, par Pamphile Hounsou, rappeur nazairien. « Il a été et est une main tendue. C’est grâce à lui si je m’en suis sorti et si je fais tout ça. »

Ses textes, Nathan les sculpte, comme tout artiste sculpte son œuvre. « Au début, j’écrivais sans me poser de question. Cela venait, mais je ne savais pas comment. J’ai lors voulu identifier et déconstruire le processus, pour le maîtriser. Aujourd’hui, j’écris les mots, les idées qui me viennent, puis je joue sur les métaphores, les images… Je choisis un univers et je travaille son imagerie poétique. » Il enregistre chez lui, avec des outils studio amateur, et partage ses morceaux sur YouTube et SoundCloud. Il a déjà fait des scènes avec l’association NCA Tranq’s et participé à des projets. C’est pour lui un début, car Nathan est ferme dans sa volonté : il veut faire carrière.

Oser la différence

Le choix du rap, pour Nathan, est le choix de la passion, pas celui de la facilité. « Ici, à Pénestin et plus largement en campagne, j’ai l’impression que notre chemin est tracé. On fait le travail de son père ou de sa mère, on est dans les mêmes entreprises… C’est assez rare de s’aventurer dans des choses extravagantes et encore plus de se lancer dans l’art. Parfois, je me sens comme un alien au milieu des terriens… On pense que c’est une lubie. On me laisse faire en disant que ça va me passer… Dans l’univers du rap aussi : je ne suis pas citadin, alors on se dit que je suis là de passage, que si je continue, j’irais sans doute vers de la variété… De tous les côtés, je suis remis en question, mais je m’accroche. » Nathan a un emploi alimentaire à mi-temps pour subvenir à ses besoins tout en gardant du temps pour donner toutes les chances à sa carrière. Il entend les critiques et les mises en garde, mais il voit aussi du concret : « La musique que l’on entend à la radio, les films et les séries que l’on regarde, les livres que l’on lit… Tout ça, ce sont des gens qui ont cru en leurs rêves et qui sont allés au bout de leurs envies ! On trouve ça extravagant de travailler dans la culture ou la création, mais elle est partout autour de nous, tout le temps, dans nos loisirs et dans notre vie quotidienne. »

Aujourd’hui, Nathan s’offre le cadeau de suivre sa passion là où elle le guide. En plus du rap, il prend de nouveaux chemins. Celui d’une nouvelle d’abord, qui s’étend peu à peu en un roman.

Nathan est de ces artistes qui gardent les pieds sur terre, mais regardent vers les étoiles. Son nom de scène Spyreau, inspiré du jeu Spyro dont le héros est un petit dragon, est dans cet esprit d’une humilité mêlée de force. Voilà pour son ancrage. Quant aux étoiles ou aux monstres sacrés, c’est du côté de Victor Hugo qu’il regarde, avec fascination et respect. « Victor Hugo m’inspire depuis toujours. Certains de mes textes sont des hommages à ses œuvres et, s’il y a une œuvre qui a façonné mon écriture, ce sont les Contemplations. Victor Hugo a tout fait : il a été poète, romancier, dramaturge… Cette polyvalence dans l’art, c’est ce à quoi j’ose aspirer. »

Écouter Spyreau :

https://www.youtube.com/channel/UCm9GJgBOpI-ZL_OyaYfkQNA?view_as=subscriber

Suivre Spyreau :

https://www.facebook.com/SpyreauSpiral

 

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