Pourquoi ai-je choisi de soutenir Jean-Yves Le Drian aux régionales ?
Identifié comme député régionaliste, je me suis pleinement engagé à l’Assemblée nationale pour donner plus de pouvoir aux régions au niveau réglementaire et économique. Dans le domaine des langues dites régionales, j’ai été à l’origine de plusieurs avancées notables et je milite plus que jamais pour la ratification de la charte européenne des langues régionales. Chacun sait à l’assemblée que je suis un breton régionaliste.
Quel est le meilleur chemin pour donner des pouvoirs à la Bretagne, soutenir la culture et les langues, développer l’économie rurale ? D’un côté, on me propose l’aventure, la protestation, l’opposition : n’ai-je pas entendu certains leaders refuser une alliance au second tour : ni Le Drian, ni Le Fur ? Les conséquences sont tout de suite envisageables. Au mieux, cette liste aura quelques conseillers régionaux d’élus qui ne pourront pas peser sur les politiques régionales. Encore faut-il atteindre 10 % des suffrages, c’est la loi électorale. Inutile de dire que ce n’est pas gagné. Au pire, il n’y aura aucun élu. Le régionalisme ne sera plus représenté au conseil régional en tant que tel. Cela marquerait un recul en termes d’exposition médiatique et de diffusion de nos idées fédéralistes. Cela, je ne le veux pas !
Avec certains camarades, je propose donc une autre voie, plus consensuelle, plus raisonnable et plus riche de fruits futurs. Cette voie, je l’ai déjà expérimentée depuis mon élection en 2012.
Dans mon travail législatif, j’ai pu m’appuyer sur l’équipe en place à la région et sur les députés proches de Jean Yves Le Drian. Ainsi, alors que l’enseignement bilingue n’était pas pris en compte lors des discussions de la loi sur l’école, une réunion a été organisée au ministère l’Éducation nationale avec des députés bretons, dont Jean-Jacques Urvoas, et des membres du cabinet de la région. La loi a été modifiée pour préciser que l’enseignement des langues régionales doit être favorisé et pour reconnaitre pour la première fois dans une loi de l’enseignement bilingue. Cette victoire institutionnelle sert à toutes les langues régionales, elle est due en grande partie au soutien que j’ai pu obtenir des députés de l’équipe Le Drian.
De même quelques temps plus tard, j’ai reçu l’aide de la région et du groupe socialiste à l’assemblée pour régler le problème des répartitions de frais de scolarité entre communes lors d’une inscription en classe bilingue publique. De plus, chaque fois que l’administration de l’Éducation nationale bloque sur un dossier, un travail conjoint région/parlementaire permet de débloquer les situations. Par exemple, nous avons agi fin août pour la nomination, en Bretagne, d’enseignants bilingues français-breton. Globalement, pour les langues de Bretagne, l’action de la région a été exemplaire depuis 2004. La région a utilisé les moyens dont elle disposait pour favoriser nos langues dans l’enseignement, dans les médias et diverses activités sociales. Elle a maintenu la pression en coordination avec les parlementaires sur une administration de l’Éducation nationale toujours rétive quand il s’agit des langues régionales.
Ces avancées certaines et concrètes font également évoluer les mentalités. Vous me direz, c’est insuffisant. Alors travaillons dans une majorité pour continuer et approfondir ce travail.
Pour ce qui est de la réunification, je tiens, en premier lieu, à dénoncer les propos démagogiques et méprisants proférés par certaines personnes. Avec une rhétorique nationaliste et guerrière, ils emploient les mots de traître et de traîtrise pour mieux se faire une virginité. Il est vrai que tout le monde ne peut pas se prévaloir, comme moi, d’avoir fait sa première manifestation à l’âge de seize ans, justement pour la réunification de la Bretagne. Depuis, les années ont passé mais je n’ai pas varié sur le sujet.
La réunification n’a pas eu lieu, c’est un échec. Certains veulent trouver des boucs émissaires, des coupables. Si Jean-Yves Le Drian, n’a pas pu faire la réunification, ce n’est pas par manque de conviction. C’est tout simplement parce que ceux qui étaient contre étaient plus forts et ils n’appartenaient pas tous au PS bien loin de là. C’est pourquoi cette lutte sera collective, dans une majorité forte qui sera capable de s’ouvrir sur les autres.
L’ordre chronologique qui a conduit à cet échec a aussi son importance. L’opposition des métropolistes bretons nous a mis dès le début dans une situation délicate. La réaction a été aussitôt portée par la région. Pierrick Massiot rédige une tribune qui est signée par 15 parlementaires bretons, 13 socialistes et deux régionalistes.
Devant cet échec des métropolistes, Ayrault entre en scène en faisant pression sur le Gouvernement avec les députés socialistes qu’il connaît puisqu’il est l’ancien patron du groupe socialiste à l’Assemblée. Il reçoit également l’aide des députés non socialistes des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique à l’exception notable de François De Rugy toujours déterminé pour la réunification. Jean-Marc Ayrault réussit à faire croire que la meilleure solution est la fusion des deux régions qui satisferait aussi bien les partisans de la réunification que ceux des Pays de la Loire car tout le monde serait réunis avec la Loire-Atlantique et Nantes.
Les Bretons régionalistes font alors feu de tout bois pour éviter le sort funeste de la disparition de leur région dans un Grand Ouest mou : une région Bretagne-Loire voulue par tous les métropolistes. L’ancien Premier ministre nous a pris de court.
Jean-Yves Le Drian réussit à stopper cette machination infernale dans un tête à tête avec Hollande et il a effectivement mis son poste de ministre de la défense dans la balance et menacé de démissionner. Il nous a évité le sort inique de la région Alsace et il a préservé l’avenir. Une fusion aurait marqué la fin de la Bretagne et l’échec de la réunification. Au lieu de cela, nous avons trois régions qui sont restées orphelines sans être mariées à aucune autre. Deux régions portent d’ailleurs des noms très similaires : Pays de la Loire et Val de Loire …. On voit bien que le bon découpage est de conclure à deux régions, une région Bretagne et une région Val de Loire. Les Bretons ne sont pas des imbéciles et ils jugent sur le travail réel effectué.
Le problème est de savoir quel chemin emprunter pour faire la réunification et mettre en place un système fédéral. Celui de l’opposition ? De la victimisation ? De la protestation ? Je pourrai évidemment vous faire croire à la galette chaude, vous dire que la Bretagne de janvier 2016 sera une nouvelle Écosse. Désolé, je n’y crois pas et il m’aurait semblé particulièrement démagogique et irrespectueux de vous dire le contraire. D’ailleurs, si vous voulez vous en convaincre, allez dans la rue et parlez-en avec les passants. Exercice intéressant de l’état de l’opinion publique en Bretagne.
Non, il faut un mouvement d’opinion et travailler pour le renforcer mais il sera aussi nécessaire de disposer d’une majorité au parlement pour voter tous ces changements institutionnels. L’appui de la région Bretagne est donc primordial, il faut donc avoir une majorité qui aille dans ce sens à la région.
Je suis donc favorable à une alliance avec la partie éclairée du Parti socialiste dans laquelle nous trouvons de nombreux Cornouaillais et Morbihannais. Celle qui est régionaliste et qui n’est pas métropoliste. Celle sur laquelle j’ai toujours pu m’appuyer en tant que président de Div Yezh ou en tant que président du Conseil Culturel de Bretagne. Nous avons un avenir commun à tracer. J’ai pu constater leur attachement à la Bretagne et aux Bretons. Pas tous, bien sûr, mais beaucoup le sont.
Avec des camarades, j’ai donc initié ce rassemblement à Pontivy pour construire en Bretagne cette majorité de gauche et régionaliste qui doit demain gouverner la région. Cette Bretagne, je la veux bretonne, sociale, écologiste et fédérale.
Nous avons donc été amenés à poser quelques exigences sur lesquelles nous ne transigerons pas :
1 – Renforcer la régionalisation de la France, et obtenir, pour la Bretagne, des expérimentations ambitieuses dans de nombreux domaines : culture, langues, politiques de l’eau…
2 – Construire, par le dialogue, l’Assemblée de Bretagne pour créer les conditions d’une meilleure efficacité de l’action publique.
3 – Poursuivre les discussions afin d’obtenir la réunification administrative de la Bretagne (à 5 départements), périmètre le plus pertinent du développement économique, social et culturel de notre péninsule, dans le respect des vœux votés par le Conseil régional.
4 – Mener une politique linguistique à même d’assurer l’avenir du breton et du gallo
5 – Poursuivre et amplifier les politiques de soutien aux cultures de Bretagne dans toutes leurs diversités.
6 – Préserver et améliorer l’équilibre territorial de la Bretagne, dans les logiques du développement durable
Le chemin est tracé, j’invite ceux qui se reconnaissent dans ces idées et dans cette démarche à nous rejoindre.