Réflexions sur la situation en Catalogne

Les dernières semaines ont révélé au grand jour le conflit politique qui oppose depuis maintenant plusieurs années la Catalogne à l’Etat espagnol. Cette crise est née du refus de l’Etat espagnol de voir élargi le statut d’autonomie de la Catalogne. Pourtant, le statut d’autonomie négocié en 2006 avait satisfait aussi bien les catalans que le gouvernement madrilène.

A son retour au pouvoir, le très espagnoliste « Partido Popular » mené par Mariano Rajoy refusa de mettre en place cet accord sur une autonomie élargie, le considérant comme nul et non avenu. Le gouvernement catalan, avec le soutien démocratiquement réaffirmé de la population lors des élections au Parlement, s’est donc engagé dans une marche vers l’indépendance qui s’est traduite par l’organisation ces derniers jours d’un référendum sur l’autodétermination.

Lors de ce long processus, le gouvernement espagnol est resté inflexible et a toujours refusé de négocier. Il a au contraire tenté de faire taire les Catalans d’abord par des procédures judiciaires puis par la force. Quelques jours avant le référendum, il s’est lancé dans une politique d’intimidation : perquisitions, arrestations d’élus, confiscation d’urnes et de bulletins de vote, s’attirant ainsi la désapprobation de la population. Le jour du scrutin, les coups de matraques se sont abattus sur les Catalans qui votaient. Plus de 800 Catalans ont été soignés dans les hôpitaux pour coups et blessures. Des matraques contre des bulletins de vote : les observateurs internationaux présents ont porté plainte contre le gouvernement espagnol devant le tribunal pénal international.

Malgré ces conditions difficiles, 43 % du corps électoral s’est déplacé dont 90 % a voté pour l’indépendance. Le président de la Catalogne a exprimé sa volonté de voir la Catalogne devenir un Etat indépendant à terme, une république au lieu d’un Etat monarchique, et en a appelé, une fois de plus, au dialogue avec Madrid.

Il ne m’appartient pas de faire la leçon ni au Gouvernement espagnol ni à la Catalogne et ainsi de prendre position pour ou contre l’indépendance. Il existe toutefois des droits fondamentaux, comme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui ne sauraient être entravés. Le vote est une expression démocratique qui ne saurait être combattu par la violence. Le peuple n’a pas forcément toujours raison mais dans une démocratie, c’est lui qui décide et ceux qui utilisent la violence contre lui ont toujours tort. L’illégalité invoquée par Madrid est relative car la souveraineté appartient au peuple. C’est bien ce qu’avaient compris les députés des Etats Généraux lors du serment du jeu de paume en 1789. Serment dont l’illégalité ne fait aucun doute. Les Catalans ont donc le droit de se déterminer.

Plus généralement cette affaire pose la question de l’évolution des Etats-nations comme l’Espagne, le Royaume-Uni ou la France. Ces Etats se sont progressivement construits à partir de la fin du Moyen Age et sont devenus des grandes puissances mondiales et coloniales. Ce temps est aujourd’hui révolu et les peuples un moment dominés et niés reprennent leur destin en main. L’enjeu à mon sens n’est pas la préservation de ces Etats-nations qui ont conduit l’Europe à sa perte au milieu du XX°s mais bien leur évolution vers une citoyenneté locale et européenne. Que feront ces peuples de leur pouvoir retrouvé ? Resteront-ils au sein de l’Europe ou participeront-ils à sa fragmentation ? Comment organiserons-nous la solidarité entre ces nouveaux Etats et la nécessaire péréquation entre régions riches et régions pauvres de l’Europe ? La fragmentation de l’Europe serait mortelle mais la négation des peuples dans les Etats-nations pose un vrai problème démocratique. La solution est encore une fois européenne.

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