Une réforme indispensable de la politique de l’eau
À la veille de la Conférence environnementale, 65 parlementaires de gauche, dont je fais partie, appellent, dans une tribune à une réforme ambitieuse de la politique de l’eau. Pour Michel Lesage, à l’initiative de la démarche, député (PS) des Côtes d’Armor, auteur d’un rapport sur le politique de l’eau que lui avait commandé le Premier ministre, et remis à Jean-Marc Ayrault le 4 juillet dernier, « cette expression commune veut interpeller et alimenter les débats à la table ronde consacrée à l’eau de la conférence environnementale. Elle permettra de définir les grands axes de la politique de l’eau à venir. »
« Mobiliser les territoires pour inventer le nouveau service public de l’eau et atteindre nos objectifs de qualité. »
« Le constat est désormais partagé par tous (*) : le « modèle » de l’eau français inventé à l’orée des années 60 a permis d’importantes avancées, mais il est aujourd’hui arrivé au terme d’un cycle historique : la qualité de l’eau et des milieux aquatiques se dégrade, les pollutions se multiplient, les usages évoluent et les conflits qui s’y rattachent s’exacerbent. De nouveaux enjeux apparaissent : réchauffement climatique, risques émergents pour la santé, sécheresse, inondations, accès à l’eau pour tous…
Le XXème siècle fut celui des infrastructures et des réseaux. Le défi du XXIème siècle est celui de la protection de la ressource en qualité et en quantité. « L’eau facile est devenue fragile. »
Pour faire face à ces multiples enjeux, l’implication forte de la puissance publique, de l’Etat aux collectivités territoriales, en passant par le Parlement, est fondamentale. Elle doit assurer la gouvernance et la régulation nécessaires afin d’apporter des réponses efficaces à la fragmentation territoriale et institutionnelle, ainsi qu’à la multiplication des acteurs et des compétences qui obèrent l’efficacité des politiques publiques de l’eau.
L’Etat doit être le véritable pilote de la politique de l’eau. Un Etat qui pilote, c’est un Etat qui assure sa fonction d’anticipation, qui organise le débat démocratique, fixe les objectifs et qui est le garant de la mise en œuvre des moyens pour les atteindre. C’est aussi un Etat qui assure ses missions régaliennes de police de l’eau, et qui donne à la puissance publique les moyens de la connaissance, de l’expertise, de la recherche et de l’ingénierie pour agir. Le cadre communautaire européen, très contraint, qui détermine l’essentiel des orientations des politiques publiques dans le domaine de l’eau, justifie cette implication renouvelée de l’Etat.
La réussite d’une politique de l’eau passe aussi par une forte mobilisation des territoires et des acteurs de terrain, dans le cadre d’une nouvelle étape de la décentralisation.
Les collectivités territoriales, en premier lieu les communes et leurs groupements, en lien avec les régions et les départements, sont les échelons pertinents pour structurer une nouvelle gouvernance de l’eau. Elle permettra de prendre en compte l’interdépendance des politiques publiques d’aménagement du territoire et de développement économique, pour rapprocher et rendre plus cohérents les outils des politiques de l’eau, pour apporter plus de lisibilité, de cohérence, de réactivité et de responsabilité, mais aussi plus de souplesse afin de tenir compte de l’histoire et de l’hétérogénéité des situations locales.
Demain, ce sont les communes et leurs groupements, en lien avec l’ensemble des acteurs des politiques de l’eau, qui vont impulser des politiques novatrices afin de protéger les milieux aquatiques, les zones humides, préserver la biodiversité, déployer les trames verte et bleue, protéger les captages d’eau potable, promouvoir des modèles agricoles respectueux de l’environnement, et déployer ces politiques au plus près du terrain et de nos concitoyens, qui doivent y être associés à tous les échelons de décision.
Cette mobilisation des territoires doit pouvoir s’engager avec la nouvelle étape de la décentralisation par l’affectation d’une nouvelle compétence de gestion de l’eau et des milieux aquatiques au bloc communal, et par le déploiement d’outils de planification, de maitrise d’ouvrage, d’ingénierie publique et de financements adaptés.
Cette nouvelle responsabilité prolongera l’action que les collectivités locales mènent depuis plus d’un siècle en matière d’eau potable et d’assainissement, et nous permettra de réconcilier nos territoires avec leurs fleuves, leurs rivières, ce formidable patrimoine aquatique, puissant vecteur trop souvent méconnu d’activité économique et d’emploi, dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie, de l’agriculture comme du tourisme et des loisirs.
Ainsi demain, une Autorité nationale de l’eau constituera un véritable outil de régulation et permettra d’assurer la transparence de la gouvernance de l’eau et de ses flux financiers, de renforcer le dialogue démocratique, et d’éviter les conflits d’intérêts.
Ainsi demain, dans une démarche forte et volontariste, l’Etat sera davantage présent au niveau de l’Europe, et donnera aux collectivités de véritables outils d’expertise et de connaissance.
Ainsi demain, au plus proche du terrain, les élus disposeront sur tout le territoire national d’outils efficaces (Sage, CLE, Syndicat mixtes, EPTB, contrats territoriaux, etc.) pour améliorer la qualité de l’eau, protéger la ressource, les zones humides, ou encore la biodiversité.
Ainsi demain, parce que l’eau est l’affaire de tous et toutes, les citoyens, la société civile et les consommateurs seront associés aux commissions locales de l’eau et pourront participer aux décisions de toutes les instances de gestion de l’eau.
Indispensable à la vie, l’eau figure au rang des plus précieux héritages que nous léguerons aux générations futures. Pour nous hisser à la hauteur d’enjeux majeurs pour l’avenir de la planète et de nos enfants, nous appelons à une réforme ambitieuse des politiques publiques de l’eau, que des millions de nos concitoyens appellent de leurs vœux, comme en témoigne leur engagement croissant en faveur d’une gestion soutenable et équitable de ce bien commun qui nous rassemble. »
(*) Après les rapports alarmants du Conseil d’état et de la Cour des comptes publiés en 2010, la politique de l’eau est l’une des 40 politiques publiques prioritaires que le gouvernement a décidé de réformer lors du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 18 décembre 2012. Les pistes de réflexion issues des travaux d’une dizaine de groupes de travail mobilisés à cet effet seront débattues lors d’une Table ronde dédiée à la politique de l’eau qui se tiendra lors de la Deuxième conférence environnementale des 20 et 21 septembre prochains.
Cosignataires de la tribune de Michel Lesage
Alain Calmette, Alexis Bachelay, Annick Le Loch, Armand Jung, Arnaud Leroy, Bernadette Laclais, Brigitte Bourguignon, Carole Delga, Catherine Quéré, Chantal Berthelot, Christian Assaf, Christophe Bouillon, Denis Baupin, Dominique Potier, Ericka Bareigts, Fanny Dombre-Coste, Florence Delaunay, Franck Montaugé, Françoise Dubois, François-Michel Lambert, Gabriel Serville, Geneviève Gaillard, Gérard Bapt, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Guy Delcourt, Hélène Vainqueur-Christophe, Hervé Pellois, Hervé Poher, Jean-Jacob Bicep, Jean-Jacques Cottel, Jean-Jacques Vlody, Jean-Louis Bricout, Jean-Michel Clément, Jean-Paul Chanteguet, Jean-Paul Dupre, Jean-René Marsac, Laurence Rossignol, Laurent Baumel, Laurent Grandguillaume, Lucette Lousteau, Marcel Rogemont, Marie-Hélène Fabre, Marie-Line Reynaud, Michel Ménard, Michel Pajon, Patrick Bloche, Paul Molac, Philippe Bies, Philippe Doucet, Philippe Kaltenbach, Philippe Noguès, Philippe Plisson, Ronan Dantec, Sabine Buis, Serge Bardy, Sergio Coronado, Sophie Errante, Suzanne Tallard, Sylviane Alaux, Vincent Burroni, Vincent Feltesse, Viviane Le Dissez, William Dumas, Yann Capet, Yves Cochet, Yves Daniel.