Pourquoi la révision constitutionnelle n’est pas nécessaire et est inefficace

Aux deux questions qui m’ont été posées par les medias concernant le projet de réforme constitutionnelle proposé par le Président de la République, voici les réponses développées que je leur ai apportées et qui n’ont pas pu être publiées en intégralité. En résumé, mon opposition à cette réforme s’explique par le fait qu’elle n’est pas nécessaire et d’aucune efficacité dans la lutte contre le terrorisme.

1. Êtes-vous favorable à l’inscription de la déchéance de la nationalité dans la Constitution de la Ve République pour les binationaux condamnés pour des faits de terrorisme ?

Je n’y suis pas favorable car cette mesure n’apporterait strictement rien dans la lutte contre le terrorisme. Au contraire, elle créerait davantage de difficultés comme l’a rappelé Marc Trividic. Ainsi, dans l’immense majorité des cas, une personne déchue de sa nationalité ne peut pas être expulsée. Certaines personnes déchues de leur nationalité ces dernières années ne sont pas expulsables vers les pays où elles risquent des tortures. Ces personnes multiplient donc les assignations à résidence ; ce qui n’est pas sans créer d’autres difficultés. Quand bien même ces personnes seraient expulsables dans le pays de leur autre nationalité, ce pays refusera d’accueillir sur son sol une personne condamnée pour terrorisme qui est né et a grandi en France.

Cette mesure serait également créatrice de divisions au sein de la société française avec la constitutionnalisation de la distinction entre français binationaux et « mononationaux », en sommes une distinction entre des français par le droit du sang et des français par le droit du sol.

Elle créerait par ailleurs une présomption de suspicion envers les binationaux, alors que les récents attentats ont montré que la majorité des terroristes ne disposaient que d’une seule nationalité. C’est aussi une manière de se défausser sur l’origine des terroristes, dont l’une des nationalités étrangères est mis en exergue pour mieux occulter le fait qu’ils sont bel et bien un pur produit de la société française, y étant nés, y ayant grandis, y ayant été à l’école de la République, y ayant tout simplement vécu la grande majorité de leur vie.

Au final, si l’on me prouvait que cette déchéance de nationalité avait un quelconque effet de prévention d’attentats terroristes, je pourrai reconsidérer mon vote à la lueur des conséquences que cela créerait, mais ce n’est pas le cas. Je comprends toutefois qu’il s’agit d’un symbole. Dans ce cas-là, je pourrais davantage être ouvert à l’extension pour les personnes condamnées pour terrorisme d’une mesure « de dégradation civique » se rapprochant de l’indignité nationale, qui permet de priver un Français de l’ensemble de ses droits civils et civiques. Cela n’aurait aucun impact non plus sur la prévention du terrorisme, mais cela permettrait d’éviter de créer de la suspicion sur une catégorie de la population plus qu’une autre, car elle s’appliquerait à tous, que l’on soit mono ou binational. Cela peut se faire à législation constante, sans modifier la Constitution. D’ailleurs, j’ai du mal à comprendre que le seul sujet sur lequel un Congrès sera réuni, car la droite semble y être acquis, est celui qui n’aura aucune efficacité, alors que bon nombre de chantiers constitutionnels plus importants sont en attente.

2. Êtes-vous favorable à l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution ?

Je suis contre également, car celle-ci n’est pas nécessaire. La preuve en est que nous sommes actuellement dans le cadre de l’Etat d’urgence, et que nous n’avons pas eu besoin de l’inscrire dans la Constitution avant. Ma crainte en constitutionnalisant l’état d’urgence est que l’on grave dans le marbre un état d’urgence au rabais, peu protecteur des libertés fondamentales, alors que la loi, par sa souplesse, permet d’encadrer davantage cet état d’urgence. J’ai voté la loi de prolongation de l’état d’urgence, car nous faisons face à une menace exceptionnelle, mais également parce qu’elle permet un contrôle, notamment parlementaire, des mesures prises.

Ainsi, dans le projet qui nous sera soumis en février, la garantie du contrôle parlementaire ne sera pas inscrite dans la Constitution. De même, comme c’est le cas actuellement dans la loi, mais nous pouvons plus facilement y remédier, le projet de loi ne fixe pas une durée maximale des lois de prolongation par le Parlement. Par ailleurs, les mesures prises par les autorités de police n’auront pas un lien direct avec les motifs pour lesquels ce dernier a été déclaré, ce qui est problématique comme l’ont montré des procédures abusives notamment contre des militants écologistes ou politiques.

Enfin, le juge judiciaire restera exclu de la procédure de contrôle. Graver tout cela dans le marbre constitutionnel, me semble aller au-delà de l’efficacité nécessaire pour lutter contre le terrorisme.

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