Explication de vote sur le projet de délimitation des régions
Le mardi 25 novembre j’ai réalisé, au nom de mon groupe parlementaire, l’explication de vote sur le Projet de loi de délimitation des Régions en deuxième lecture qui nous amené à voter contre.
Compte-rendu de mon intervention
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec le retour de la gauche au pouvoir, nous avions caressé l’espoir de renouer avec le côté ouvert et girondin de la République. Nous n’avons pas tardé à déchanter, et ce projet de loi nous déçoit encore.
Premièrement, la méthode : pourquoi s’arrêter au chiffre arbitraire de 14, ou 13 régions ? Comment expliquer qu’une région ait pu, en l’espace de quelques semaines, être fusionnée tour à tour avec des régions différentes ? En réalité, nous ne voyons aucune cohérence au redécoupage ni sur quels critères objectifs de terrain il a été décidé.
Cette carte ne peut être issue, selon nous, que de consultations locales, de consensus territoriaux, pris en toute considération. Ainsi, fidèles à nos principes de décentralisation différenciée, nous ne pouvons accepter que cette réforme territoriale soit sous-tendue par une logique purement technocratique.
Notre groupe parlementaire était hostile à la logique proposée de fusions bloc par bloc ayant abouti à cette carte.Un ajustement devait être rendu possible à travers l’instauration d’un véritable droit d’option, garant d’une certaine souplesse, afin d’éviter au moins les problèmes les plus criants.
Nous souhaitions avant tout supprimer le droit de veto de la région d’origine, au moins pour un temps défini. Nous regrettons fortement que même notre proposition consensuelle, soutenue par des députés de tous les bancs, visant à supprimer le vote à la majorité des trois cinquièmes des trois collectivités locales concernées – régions d’origine et d’arrivée, département – ait été repoussée par le groupe majoritaire. Le droit d’option reste donc un véritable leurre car il est totalement inapplicable et verrouillé.
Au final, ce verrouillage confirme davantage encore le caractère profondément jacobin du principe qui sous-tend cette réforme, puisqu’il s’agit de dessiner des régions désincarnées, au mépris des territoires et des populations, notamment en Alsace, en Bretagne, en région Centre ou en Picardie.
Pourtant, des sensibilités existent au sein du groupe socialiste et jusqu’au sein du Gouvernement qui, elles, sont davantage girondines.Alors que la gauche était traditionnellement décentralisatrice, comme le montrent par exemple les lois Defferre de 1982, nous regrettons que ce soit la vision jacobine qui l’ait emporté au sein du groupe majoritaire et du Gouvernement, avec cette suspicion permanente dont vous entourez les identités régionales fortes. Je le dis à mes collègues : nous n’avons rien à gagner à humilier l’Alsace et à la rayer de la carte d’un trait de plume !
Où est passée la régionalisation que l’on nous promettait ? Je dirai même plus, où est passée la décentralisation, mère des réformes, que l’on nous annonçait en grande pompe ?
En effet, après avoir consacré les métropoles, le projet de loi à venir sur la répartition des compétences entre échelon départemental et régional est des plus timides. Aucun transfert de compétences de l’État vers les régions n’est prévu et les pouvoirs réglementaires promis aux régions seront de fait quasiment impossibles à mettre en pratique, comme c’est par exemple le cas aujourd’hui en Corse. Nous ne disposons d’aucune perspective aboutie d’évolution des ressources financières et budgétaires des régions, alors que celles-ci n’ont plus en moyenne que 10 % d’autonomie fiscale.
Alors, sur le fond, ce postulat de départ visant à constituer de grandes régions afin qu’elles soient puissantes est à notre sens absolument erroné. Avoir des régions fortes ne dépend pas tant de leur grandeur et de leur population que de leurs capacités législatives, réglementaires et financières.
Or, à ce jour, à l’exclusion de la Nouvelle-Calédonie, les régions françaises ne sont pas libres de s’adapter législativement ou réglementairement, contrairement à ce qui se passe dans tous les autres pays européens, y compris bien entendu en Allemagne, si souvent donnée en exemple.
S’agissant des dotations et de la gestion financière des régions, l’Association des régions de France fait état de quelques chiffres : elles s’élèvent en Suède à 3 125 euros par habitant, en Allemagne à 3 561 euros et en France… à 395 euros. Comment faire des régions le nouveau moteur économique qui soutiendra les PME quand elles disposent de si peu d’argent ? Là est la question !
D’ailleurs, en créant de grandes régions, cette réforme éloignera davantage le citoyen des centres de décisions. La conséquence, on la connaît tous désormais : il faudra évidemment conserver les conseils départementaux au sein de ces grandes régions, alors qu’à l’origine la réforme visait précisément à alléger le millefeuille administratif.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous choisissons l’évolution démocratique contre la régression technocratique, la démocratie contre le bonapartisme jacobin, le groupe écologiste votera majoritairement contre ce projet.