Patrice et Emmanuelle Hubert, artistes et créateurs du Naïa Museum
En avril dernier, un musée d’art fantastique ouvrait à Rochefort-en-Terre : un projet fou mené par deux artistes passionnés et soutenus par tout un pays.
De la Belgique à la Bretagne
Il y a 20 ans, Patrice et Emmanuelle Hubert s’installaient en Bretagne. Lui renouait avec ses origines bretonnes, tandis qu’elle quittait sa Belgique natale pour la légendaire Armorique. Ils posent d’abord leurs valises à Baden, mais une force irrésistible les fait graviter autour de Rochefort-en-Terre : un endroit où ils ont des amis, un point de rassemblement, un charme exceptionnel. En 2008, ils déménagent pour Molac, où ils vivent désormais.
Patrice, de son nom d’artiste Patrice « Pit » Hubert, est sculpteur sur métal. Emmanuelle, Manu Van H, peint et grave. S’ils travaillent indépendamment l’un de l’autre, ils aiment aussi œuvrer ensemble et faire fusionner leurs univers : des mondes qui s’épousent à merveille, quand par exemple Emmanuelle grave ou peint des éléments de sculpture de Patrice.
Un art qui rayonne au-delà des frontières
Pendant sept années, ils créent incognito, ou presque, à Molac, tout près des nids d’artistes et d’artisans d’art que sont Rochefort-en-Terre, Brocéliande ou La Gacilly. Leurs œuvres ne sont pas connues localement. C’est quand ils franchissent les frontières hexagonales que leur art rayonne. Patrice expose régulièrement en Europe, fait de nombreuses installations dans les festivals de musique. Ses monstres de fer, fantastiques et majestueux, trônent dans les festivals de musique de Suisse, d’Allemagne, des Pays-Bas ou d’Espagne. Patrice et Emmanuelle multiplient les déplacements, les rencontres et les marques de reconnaissance jusqu’à ce qu’un nouveau coup de cœur les implante durablement dans le paysage breton.
Quatre mois pour créer un musée
« C’était en décembre 2014, raconte Patrice. J’exposais à l’Étang Moderne (à Rochefort-en-Terre). Le maire est venu voir l’exposition et un déclic s’est produit. » La municipalité venait d’acquérir le château où un espace était mis à disposition des artistes. Un site ancien aux plafonds hauts, idéal pour les sculptures de Patrice, un lieu authentique au charme inégalable. Un décor ancré dans le patrimoine auquel ils avaient la possibilité de donner une nouvelle vie. « La Mairie a mis gracieusement à notre disposition les locaux et a effectué les travaux pour nous aider au lancement du musée. » Le projet a été mené en un temps record : 4 mois pour créer de toutes pièces un musée, cela tiendrait presque de la magie… « Le 6 février 2015, le projet était voté en conseil municipal, et nous ouvrions le 10 avril suivant, explique Patrice. Nous avons réuni 3 500 € en financement participatif pour acheminer les œuvres des artistes. Nous qui nous étions fixé de présenter le travail de 10 créateurs, au bout de deux semaines, nous en comptions 40. Aujourd’hui, nous en sommes à 45. »
Des artistes du monde entier (États-Unis, Russie, Roumanie, Angleterre…), mais aussi des artistes bretons et locaux, comme Michaël Thomazo (Ploërmel), Sylvie Amouroux (Saint-Nolff), Thierry Lange (Rochefort-en-Terre), Xavier Le Lagadec (Rochefort-en-Terre), Yannick Germain (Belle Île), Séverine Pineaux (Loyat), Pascal Ferry (Carnac) qui jouissent également d’une renommée européenne, voire internationale, tout en demeurant discrets dans leurs contrées.
« Nous proposons quelque chose qui n’est pas du tout représenté en France. Présenter de l’art visionnaire et de l’art fantastique, c’est quasiment inédit. C’est cela qui nous a motivés ! »
La magie opère…
Le couple est heureux du retour du public : de la surprise bien sûr, mais une vraie adhésion. « Nous pensons arriver à l’objectif des 6 000 entrées d’ici fin décembre. C’est ce qu’il nous faut atteindre pour pérenniser le projet », explique Patrice. Des entrées qui se multiplient grâce à un travail acharné : « Le musée évolue en permanence : sur cette année, nous avons fait entrer 6 nouveaux artistes. Il y a une scénographie, une ambiance qui se dégage du lieu avec de la musique, des effets sonores et visuels. Il faut savoir aussi que ce n’est pas une galerie : l’exposition ne se vide pas de ses œuvres ! » souligne-t-il.
Un succès dû au soutien des commerçants, « qui ne manquent pas de recommander le musée », et aussi aux habitants des environs qui ont la curiosité de visiter, et font ensuite venir leurs proches. « On y trouve de nombreux styles du fantastique : du steampunk, de l’art visionnaire, de l’uchronie, de la science-fiction… L’art s’exprime sur divers supports : peinture, numérique, vidéo, sculpture, musique… Pour les amateurs du genre, c’est unique ou suffisamment rare pour que certains viennent de très loin pour visiter l’exposition : la renommée de Rochefort-en-Terre fait venir du monde dans notre musée, mais l’inverse devient vrai lui aussi. »
Et Naïa dans tout ça ?
Si la magie opère à ce point dans la petite cité de caractère, ce n’est sans doute pas un hasard. « La Bretagne est une région où les gens sont réceptifs à l’ailleurs, note Patrice. L’aspect “Terre de légendes” est très important. On sent que les liens entre le passé, le présent et le futur sont prégnants. Ici, les imaginaires s’ouvrent facilement. » Et d’ailleurs, pourquoi Naïa Museum ? Une interaction de plus entre la légende, le patrimoine et l’art… Il est dit que jusqu’en 1920, une vieille sorcière du nom de Naïa, vivait au château de Rieux. Elle avait, paraît-il, le don de voir l’avenir…
En savoir plus :
Le site web du Naïa Museum
La résidence d’artiste L’étang moderne de Rochefort-en-Terre