Axel Brière, une vision utilitariste au service de l’environnement et des siens

Trois casquettes professionnelles, un ancrage local fort à Pénestin, des valeurs de clan : Axel Brière, petit-fils et fils de mytiliculteurs, met ses armes forgées en haute école de commerce au service des producteurs de moules de l’estuaire de la Vilaine.

De la quête d’argent à la compréhension de l’entreprise

Depuis trois générations, la famille Brière a son entreprise implantée à Pénestin. « Mon grand-père a eu la première concession. Mon père a instauré la mécanisation. Avec mon frère, Jean-Sébastien, et ma mère, Annie, nous sommes maintenant dans une démarche de développement durable, avec une certification bio », explique Axel Brière à propos de ce qui fait l’objet de sa première casquette, mytiliculteur-transformateur chez Brière Mytiliculture. Il a décidé de suivre la voie familiale après un grand détour qui, s’il était fort probable qu’il l’en éloignerait, l’en a étonnamment rapproché. « J’ai un parcours atypique, raconte-t-il. J’ai fait des études d’économie à Vannes puis un Master à HEC[1] Lausanne. J’avais choisi l’économie pour devenir un grand chef d’entreprise et gagner beaucoup d’argent. Un parcours philosophique m’a fait évoluer. »

Le changement s’opère en 2011, alors qu’il passe son été à plancher sur deux matières non validées à ses examens. « Au fil de mes lectures, j’ai compris qu’une entreprise n’avait pas qu’une dimension économique, qu’elle avait aussi un impact sociétal (emplois) et un impact environnemental. Avant, je n’étais intéressé que par une seule variable : l’économie. En étudiant, j’ai découvert que des entreprises avaient transformé des externalités négatives en positif, c’est-à-dire qu’elles avaient su faire d’un impact négatif du positif. » Cela fait aussitôt écho à une problématique de la société familiale, et plus largement, de tous les mytiliculteurs : que faire des déchets des récoltes, ces moules hors calibres, appelées coproduits, qui sont jetés ?

Dépasser la simple rentabilité, penser système

Depuis 10 ans, avec l’accélération de la production, sa densification et la mécanisation, les coproduits de moules se sont multipliés. Ces déchets sont alors rejetés à la mer entraînant une eutrophisation de l’eau (carence en oxygène), accélérant l’envasement et attirant les étoiles de mer qui envahissent les fonds. « Jusque-là, je voyais la rentabilité : si c’est rentable de jeter, vous jetez. Mais mes lectures ont provoqué un déclic et je ne peux plus penser comme ça. J’ai fait mon mémoire de Master sur les coproduits de moules. » La société Mussella, sa deuxième casquette, est née de cette nouvelle manière d’envisager l’entreprise. « Nous récupérons un produit jusque-là jeté et lui donnons de la valeur. » Les bases du succès entrepreneurial apprises lors de ses études sont mises à profit : Mussella se concentre sur le mode opératoire pour être compétitive. « Nous nous concentrons sur ce qui a de la valeur pour le client, proposons un produit abordable et durable, et parions sur une rentabilité à long terme. » Ainsi, de la chaire de moule décortiquée vaut aujourd’hui, pour de la fabrication française respectueuse de l’environnement, environ 15 €/kg, et pour de l’importation chilienne 2 €/kg. Notre entreprise a investi pour proposer un produit fait en France et bio à 5 €/kg. Elle valorise aussi les coquilles de moule broyée pour l’agriculture (amendements calcaires).

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« Servir au mieux l’intérêt de ma profession »

« Mes études m’ont donné une vision utilitariste des choses, une vision de fin plus que de moyens. À HEC, on apprend à être dur pour s’en sortir. Et ma famille, comme mes études chez les Jésuites à Vannes, m’ont inculqué la notion de clan. » Axel Brière met sa combativité au service des siens, pour « servir au mieux l’intérêt de ma profession ». Devenu président du syndicat conchylicole de Pénestin en mars 2016, groupement représentant 27 exploitations et quelque 62 emplois directs à temps plein, il a, grâce et avec le bureau, pris à bras-le-corps les problèmes de ses homologues et adhérents. Le bureau a implosé et a été entièrement renouvelé suite à un mouvement de fronde autour de concessions. Les sujets traités ont changé. « Aujourd’hui, nous travaillons sur plusieurs points, toujours avec cette approche utilitariste : l’invasion des étoiles de mer, la prédation des goélands, le déplacement de concessions au large pour cause d’envasement, le balisage des concessions et le remplacement des filets actuels par des matériaux biodégradables. »

Choisir l’innovation pour avancer 

Côté syndicat, les projets en cours sont, pour 2017, le financement de deux bateaux pour évacuer 200 tonnes d’étoiles de mer. La réflexion est poussée jusqu’au traitement de ces envahisseurs et leur revalorisation : en farine, en compostage, en équarissage ? 2019 devrait voir le développement d’une solution écoresponsable pour supprimer les filets en plastique des concessions, source de pollution.

La société mussela est déjà dans l’avant-garde. « Nous sommes actuellement en train de mettre en place un nouveau procédé pour l’agroalimentaire, avec une industrialisation du système pour 2017. Tous nos développements sont liés à IDMER à Lorient. Ce sont des développements uniques pour sortir un produit parfait avec une efficacité optimale. »

Jean-Luc Lavolé, interrogé à propos de sa collaboration avec Axel Brière, complète : « Nous sommes son bras droit armé pour atteindre l’objectif de valorisation de 100 % de la biomasse. » Si la démarche est courante, l’innovation n’en est pas moins à l’honneur. « Nous sommes sur des process confidentiels pour extraire la partie protéique des coproduits et la valoriser », indique le directeur technique d’IDMER.

Il souligne également le dynamisme du jeune entrepreneur, qu’il décrit comme une personne « très engagée pour le côté impact environnemental et dans la pérennisation de l’entreprise par la valorisation de la biomasse. Il est le premier à Pénestin à s’être lancé dans cette démarche et il a su convaincre ses collègues de l’accompagner dans cette aventure. »

Axel Brière ne tarit pas d’éloges sur ses partenaires : « Tout ceci, l’entreprise familiale, mussela, le syndicat, c’est le travail d’un ensemble de personnes. Au syndicat, j’ai la chance d’avoir un très bon bureau, très actif : ce sont eux qui le font tourner. Mussela fonctionne avec quatre familles de producteurs associées : les familles Bernard, Berton, Delaunay et Girard, sans oublier Jean-Luc Lavolé d’IDMER : c’est grâce à lui qu’on fait un bon développement ! »

Une bonne entreprise, c’est un bon produit, et un bon produit, ce sont des personnes impliquées dans une démarche commune qui dépasse la simple notion de profit financier.

[1] École des Hautes Études Commerciales.

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